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On l'a vu, en Allemagne, à l'époque où les lois étaient si terribles contre les émigrés qui tombaient au pouvoir des armées françaises, leur accorder sauve-garde, au risque de sa propre sûreté (1);

>> Plus tard, en Espagne, au milieu des insurrections populaires, s'interdire tout acte de sévérité. >> Envoyé en Helvétie, sous le consulat, avec la double qualité de ministre plénipotentiaire et de général en chef, il y termine honorablement une ly mission difficile, moins par son habileté que par la noblesse des sentimens qu'il manifeste dans les négociations. Ce sont des succès d'affection qu'il obtient ce sont toujours des victoires que, chez lui, le fond remporte sur la forme.

» En aucune occurrence, le maréchal Ney ne

(1) En 1792, le maréchal Ney, commandant une avant-garde qui suivait les Prussiens dans leur retraite sur Longwy, fit prisonniers une grande quantité d'émigrés, et particulièrement du régiment de la Couronne; il fut assez heureux pour leur sauver la vie à tous, malgré les lois qui existaient alors.

Au passage du Rhin, exécuté par le général Kléber, vis-à-vis Dusseldorf, le maréchal fit encore un grand nombre de prisonniers des régimens de Saxe, RoyalAllemand, Bussy et Carneville; il parvint, de concert avec le général Kléber, à les faire tous absoudre par un conseil de guerre composé d'hommes sûrs.

compose avec son devoir; jamais il ne fléchit devant Buonaparte, qui en imposait à tant d'autres; son caractère bouillant, impétueux, le porte, avec force, vers tout ce qui, dans son opinion, lui paraît être le bien général. De là, dans Fontainebleau, sa proposition à Buonaparte d'abdiquer. Le même naturel va bientôt se reproduire dans deux occasions plus récentes et non moins importantes. Une seule passion le domine, l'amour de sa patrie, la gloire du nom français. Il lui est impossible d'obéir à une autre impulsion.

>> Quelle apparence, on le demande, qu'un homme de cette trempe, éprouvé par vingt-cinq années d'une conduite uniforme, ait été capable de se faire, en un jour, un système de la feinte, et d'agir avec une duplicité soutenue! D'où lui serait donc venue la force morale nécessaire pour concevoir l'infâme dessein de dissimuler? Et, quand il aurait eu la perversité de le former, comment l'aurait-il exécuté? La nature le lui avait défendu :

Ainsi que la vertu, le crime a ses degrés.

>> Ce n'est pas assez de rencontrer, dans celui que l'on accuse de trahison, une âme assez fourbe pour se plier à toutes les bassesses que comporte une semblable entreprise; il faut encore, pour donner quelque consistance à l'accusation, trouver un

motif, et un motif puissant, un grand intérêt qu'il ait eu à méditer le crime et à le commettre.

>> Au mois de mars 1815, y avait-il quelque raison qui pût engager le maréchal à entrer dans une conspiration? Observe-t-on la moindre particularité qui indique de sa part une telle disposition? >> Il ne devait qu'à son mérite personnel les grades qu'il avait successivement obtenus dans l'armée : » Général en chef depuis dix-huit ans

» Maréchal de France depuis la création', >> En possession du titre le plus éminent, il n'avait rien à désirer du côté des honneurs.

Quant à sa fortune, ce qu'il en pouvait avoir, joint à ses traitemens, suffisait à son ambition.

>> La restauration, loin qu'elle l'eût placé au nombre des mécontens, lui offrait toutes les garanties désirables; elle lui assurait un repos dont jusque-là il n'avait jamais connu les douceurs.

>> Comment croire, encore une fois, que, sans aucun sujet de se plaindre, sans l'ombre de motif pour désirer un changement, le maréchal Ney ait été gratuitement tremper dans un complot qui aurait eu pour objet le retour de Buonaparte ?

>> Ceci choque trop ouvertement toutes les vraisemblances.

Une faute pourtant; et une faute grave, a été

commise par le maréchal Ney, par une fatalité qui a besoin d'être expliquée.

» C'est déjà beaucoup, que la certitude morale. qu'il ne peut y avoir eu, dans la conduite du maréchal Ney, ni préméditation, ni vénalité, ni parjure réfléchi, ni aucune mauvaise intention. Laissons aux faits à donner le mot de l'énigme, le seul mot qui doive rester.

Quand on parle de conspiration, sur-le-champ on se reporte à l'idée d'individus qui se rapprochent, qui se réunissent, et entretiennent entre eux, dans le mystère, de fréquens conciali

bules.

» Où était le maréchal Ney bien avant que parvînt à Paris la nouvelle très-inattendue du débarquement de Buonaparte?

Il y avait plus d'un mois que, fatigué des conversations qui se tenaient dans les salons de la capitale, il avait pris le parti de s'en éloigner; il s'était retiré dans sa terre près Châteaudun, à trente lieues de Paris. Là, il vivait tout-à-fait isolé, sans aucune correspondance, sans aucune communication qui l'associât aux combinaisons de la politique, matière à laquelle, notoirement, est fort étranger.

il

» Dans la journée du 6 mars 1815, il reçoit dans sa retraite une lettre du ministre de la guerre, da

tée du 5 (de la veille.), que lui apporte un aidede-camp. Le ministre mande au maréchal qu'il ait à se rendre, en toute diligence, dans la sixième division militaire, dont le gouvernement lui est confié.

>> Le ministre n'entre en aucune explication qui motive cet ordre; pas un mot ne lui est prononcé sur Buonaparte, ni sur son apparition. L'officier, qui n'en savait rien lui-même, n'entretient le maréchal que des plaisirs de la capitale.

» Aussitôt cet ordre reçu, le maréchal se met en route pour sa destination: il passe par Paris. Là, il apprend le débarquement de Buonaparte. Le 7 mars, de grand matin, le maréchal se présente chez S. A. R. le duc de Berry; de là chez le ministre de la guerre. L'un et l'autre lui font craindre qu'il n'ait pas la possibilité de prendre congé du Roi: ils l'engagent à partir de suite. Le maréchal, résolu de regagner sur son sommeil une ou deux heures de retard, persiste à attendre le moment où il pourra avoir l'honneur d'être admis auprès de S. M.

>> Pourquoi cette insistance? Ce n'était pas assurément, comme on l'a débité, pour aller demander au Roi de l'employer dans l'expédition contre Buonaparte, pour solliciter un commandement. Le maréchal était en activité de service, et pressé de se rendre à son pos le même par la lettre du minis

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