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Paris, dans lesquelles les lettres de grâce et de rémission émanées du régent et des maréchaux, sont placées sur la même ligne ; le régent recommande au parlement de n'y avoir égard que dans le cas où les unes et les autres seraient fondées sur cause légitime (1).

>> Une autre circonstance qu'il ne faut pas omettre, c'est le caractère particulier et distinctif de cette juridiction. Elle était tellement inhérente à l'office des maréchaux, qu'elle formait en leurs personnes une sorte de propriété féodale dont ils portaient foi et hommage au Roi. « Les conné>> tables et maréchaux de France, disent MM. Ca» mus et Bayard (2), tenaient autrefois la juridic

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(1) Voici le texte : « Se par aucune aventure, par importunité de requérans....... Nous ou nos lieutenans, » connestables, mareschaux, mestres arbalestriers, avons >> fait, ont fait au temps passé, faisons ou fassent au temps » à venir, aucunes remissions, grâces, dons ou pardons, » soit en cas civil ou criminel, qui ayent été ou soient octroyés et passés sans cause juste et raisonnable....... »> nous voulons et vous défendons étroitement que, aux >> lettres patentes ou clause qui en soient ou seront faites » et scellées................ signées de notre propre main ou >> autrement............ vous n'y obéissiez en a aucune >> manière.» Ordonnance du Louvre, tom. 4, pag. 725. (2) Nouvelle collection, au mot Connétablie. §. 1. n°. 3.

» tion comme un fief faisant partie du domaine » de la couronne ; ils en faisaient hommage au » Roi, lors de leur prestation de serment. Leferon, » dans son Histoire des Connétables et des Ma» réchaux, en cite des exemples en 1424, 1631, » 1637 et 1655. » Ainsi, cette juridiction leur appartenait au même titre que celle des seigneurs hauts-justiciers dans leurs seigneuries, avec cette différence que, bien plus vaste dans ses attributions, elle s'étendait au criminel sur toute la France; et, bien autrement puissante dans ses effets, elle s'exéculait souverainement et sans appel.

» A la vérité, les maréchaux qui, dans le principe, exerçaient, par eux-mêmes, ce grand pouvoir, furent obligés, à l'instar des seigneurs hautsjusticiers, d'y préposer des officiers de justice; mais le caractère primitif de la juridiction ne subsistait pas moins, de même que celui des justices seigneuriales. Les jugemens.continuaient à se rendre en leur nom au tribunal de la connétablie; ils pouvaient y siéger; ils avaient droit de le présider, et leurs prevôts siégeaient et opinaient aussi dans les jugemens prevôtaux rendus par les juges des présidiaux (1),

(1) Voyez la même collection, au mot Connétablie, §. 1. n°. 6; et le Répertoire de Jurisprudence de Guyot, au mot Prevót.

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Quoique ce pouvoir juridictionnel se soit englouti dans la destruction générale qui a bouleversé toutes les anciennes cours et tribunaux pour faire place à l'ordre judiciaire actuel, il était nécessaire" cependant de fixer les idées sur ce point important, parce qu'il se lie à celui qui consiste à déterminer de quel tribunal les maréchaux étaient euxmêmes justiciables.

- >> D'après l'exposé que nous venons de faire des divers attributs de leur haute dignité, il paraîtra sans doute difficile de croire que les chefs de nos armées, les représentans du connétable, les guerriers revêtus d'un titre illustré par tant de victoires, occupant auprès du trône et dans la cour des pairs le rang des premiers personnages de l'état, marchant, en un mot, les égaux des ducs et pairs, n'eussent pas eu, comme eux, le droit de n'être jugés que par la cour des pairs.

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» L'histoire, il est vrai, n'offre aucun exemple d'un maréchal de France qui ait été mis en jugement devant la cour des pairs; mais pourquoi ? C'est que les exemples de maréchaux accusés sont eux-mêmes très-rares, et que, lorsqu'il s'en est présenté quelques-uns, on a eu soin de prendre la même mesure que celle qui a été employée à l'égard de plusieurs ducs et pairs eux-mêmes ; c'està-dire, de les soustraire à leur tribunal légal

pour les livrer au jugement d'une commission.

Dans l'espace de plus de huit siècles écoulés sous le gouvernement de la troisième race de nos rois, on ne trouve que quatre maréchaux, ron revêtus de la pairie, qui aient été mis en jugement, savoir le maréchal Gié, en 1505; le maréchal Biez, en 1551; le maréchal Marillac, en 1632, et le maréchal Lamothe-Houdancourt, en 1647; et tous quatre ont été traduits devant des commissions. Quel en a été le résultat ? Des condamnations que l'histoire a marquées du sceau de sa réprobation, et de vives réclamations par les accusés, et par les cours souveraines qui n'ont jamais cessé de lutter contre ces abus du pouvoir.

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>>> Le temps nous a dérobé la trace des efforts que dûrent faire les maréchaux Gié et Biez, pour être rendus à leurs juges naturels. Ils furent tous les deux condamnés. Mais que l'on consulte ce que 'dit Dargentré, à l'égard du premier, dans ses Chroniques de Bretagne; à côté des grands éloges qu'il donne à la reine Anne de Bretagne, il la blâme de s'être montrée trop vindicative envers le maréchal Gié.

» Le maréchal Biez ne fut que dégradé, et ne survécut que deux mois. Vervins, son gendre, fut décapité; mais, six années après, on découvrit qu'ils avaient été condamnés sur la déposition de

trois faux témoins; et la procédure fut annulée (1).

» Marillac, poursuivi par le cardinal de Richelieu, récusa les commissaires. Le parlement de Paris accueillit sa réclamation. « L'arrêt du parle» ment fut cassé par arrêt du conseil (dit le président Hénault, année 1632), et le procureur

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général Molé décrété d'ajournement personnel » et interdit. » La commission avait admis Marillac à la preuve de ses faits justificatifs. Le jugement fut cassé, et la commission dissoute. Le cardinal en établit une autre dans sa propre maison de Ruel; et Marillac fut condamné.

» Lamothe-Houdancourt a été plus heureux; il fut acquité : mais il n'en avait pas moins réclamé contre l'incompétence de ses juges. Un arrêt du parlement de Paris, du 31 août 1647, avait évoqué la connaissance de son procès. Dans la requête sur laquelle cet arrêt a été rendu, l'accusé soutenait qu'ayant été honoré de la charge de maréchal de France et de la dignité de duc (2), il ne peut avoir, en ces qualités, autres juges que la cour qui est le parlement des pairs, ducs et principaux officiers de la couronne (3).

(1) Histoire de France, par Villaret, tom. 26, pag. 20. (2) Ce n'était pas un duché-pairie.

(3) Un imprimé de cet arrêt se trouve à la Biblio

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