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»En mettant de côté le fait illégal de ces commissions, consultons le droit; voyons par quel tribunal les maréchaux, que nous venons de citer, auraient dû être jugés, si l'instruction de leur procès eût suivi le cours régulier de l'ordre judiciaire.

» C'est la loi qui va parler ici.

>> Tout gentilhomme avait droit alors de n'être jugé, au criminel, que par les magistrats réunis de la Grand'Chambre et de la Tournelle du parlement. Ce privilége, reconnu par l'article 38 de l'ordonnance de Moulins, de 1566, avoit été consacré par l'article 21 du titre 1. de l'ordonnance de 1670.

« Les ecclésiastiques, porte cet article, les gen» tilshommes et nos secrétaires, pourront deman» der, en tout état de cause, d'être jugés toute » la grand chambre du parlement où le procès » sera pendant, assemblée. »

» Un privilége plus relevé devait naturellement appartenir à ceux qui, à la qualité de nobles, joignaient une prééminence d'office ou de dignité. Le principe l'exigeait; et ce principe, posé par les lois mêmes que nous venons de citer, était en effet

théque du Roi, dans un recueil de pièces concernant les maréchanx de France.

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que

titre 1er de l'ordonnance de 1670, atteste aussi le privilége des conseillers du parlement est >> encore plus considérable (que celui des nobles), » car ils ne peuvent être jugés que toutes les chambres du parlement assemblées. »

>> Leprestre, en ses ses Questions notables, 1. centurie, chap. 80, fait sur cet objet une discussion assez intéressante; et il termine ainsi :

Nous observons inviolablement ce privilége qu'il » n'est loisible à aucun juge de connaître ou dé» cerner en cause capitale, et où il va de l'honneur » ou de la vie d'un conseiller de la cour, qu'au » parlement même, et toutes les chambres as» semblées; et, bien qu'il ne s'en trouve aucune » ordonnance écrite, si est-ce que l'usage et la » pratique a toujours été telle depuis l'établisse»ment du parlement, et toute ordonnance au >> contraire de ce, rejetée et refusée. »>

>> On pénètre aisément les motifs qui avaient fait établir cette plus grande solennité. C'est, ainsi que le disent les auteurs, parce qu'il serait contre toute raison que le magistrat supérieur fût dans le cas d'être priyé de l'honneur et de la vie par les juges inférieurs qu'il aurait pu soumettre à son propre jugement. C'est aussi parce que plus un personnage est élevé en dignité, et obligé par-là de se rendre irréprochable, plus il importe, quand

il a cessé de le paraître, de donner un plus grand exemple par une plus grande solennité. C'est, enfin, parce que, dans les accusations dirigées contre celui qui tient, par de grandes relations, aux classes les plus distinguées, les préventions sont plus sujettes à se manifester, soit en sa faveur, soit contre lui; et que, par cette raison, il importe encore de donner à l'accusé, pour sa justification, et à la société, pour la vindicte publique, la garantie. la plus étendue; garantie qui résidait éminemment dans toutes les chambres assemblées des parlemens. » Voilà pour la doctrine; voyons maintenant

les arrêts.

» Leprestre, au chapitre que nous venons de citer, en rapporte un qui prouve avec quelle fermeté les anciens magistrats savaient résister aux abus du pouvoir.

» Du temps de Charles VI, dit-il, et pendant le » gouvernement de messieurs ses oncles, ayant été » porté au parlement un édit par lequel la con»naissance et le jugement des conseillers de la » cour, et des fautes par eux commises, étaient » attribués aux quatre grands présidens, lesdits » présidens refusèrent cette commission, estimant » être indigne et indécent, conscriptum nisi co»mitiis maximis existimationis, ad dignitatis ́» causam dicere ; et, par arrêt du 17 février 1406,

>> il fut dit qu'on n'aurait point d'égard à cette >> ordonnance. >>

» L'annotateur de Leprestre en cite un autre qui offre l'exemple formel d'un procès jugé par l'assemblée des chambres. Nous transcrivons la note: «< Le fils du président de Cadaillac, con>> seiller aux enquêtes du parlement de Bordeaux, >> fut accusé d'un meurtre; et son procès étant fait défaut et contumace, il fut condamné à » être exécuté en effigie par toutes les chambres » du parlement de Paris assemblées. »

>> par

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» Nous n'avons point placé le maréchal d'Ancre dans le petit nombre des maréchaux mis en jugement depuis Hugues Capet jusqu'à ce jour, parce qu'en effet il n'a été, pendant sa vie, l'objet d'aucune accusation. Mais il s'était rendu si coupable et si odieux, qu'après sa mort on jugea convenable de faire le procès à sa mémoire. A ce moment, aucun pouvoir n'avait intérêt d'éluder le tribunal légal : rien ne mit obstacle au cours régulier de la justice. Et qu'en résulta-t-il ? que le procès fut instruit et jugé par le parlement de Paris, les chambres assemblées.

>> II existait alors, dans les parlemens, une chambre de l'édit, établie, en vertu des édits de

pacification, pour juger les procès des religionnaires. L'arrêt du 8 juillet 1617, qui proscrivit la mémoire du maréchal d'Ancre, porte qu'il a été rendu par les Grand Chambre, Tournelle, et de l'Édit, rassemblées (1).

» A ces arrêts il faut nécessairement joindre les réclamations des accusés et celles des parlemens,, dans toutes les circonstances où, par des établissemens de commissions, les formes légales ont été violées. Les arrêts émanés du parlement de Paris, pour revendiquer le procès de Marillac et celui du maréchal Houdancourt, ne sont pas moins expressifs que ceux qui ont condamné le fils du président Cadaillac, et la mémoire du maréchal d'Ancre. Cet ensemble embrasse toutes les espèces qui se sont présentées.

>> Il est donc incontestable que jusqu'en 1790, époque de l'abolition des parlemens, un maréchal de France ne pouvait être jugé que par toutes les chambres assemblées de ces hautes cours souveraines.

» S'il n'avait pas, ainsi que les ducs et pairs, le privilége d'exiger l'adjonction des membres de la pairie, du moins ne pouvait-il être circonscrit dans

(1) Un imprimé de cet arrêt se trouve à la Bibliothéque du Roi, au recueil déjà cité.

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