Page images
PDF
EPUB

tre. Le maréchal n'est pas venu s'offrir, il a obéi à l'ordre qui l'appelait.

» A l'auguste aspect du Monarque, dont tous les traits respirent la bonté, le maréchal, électrisé par les paroles flatteuses qu'il daigne lui adresser, partage vivement la sollicitude dont tous les esprits se montrent préoccupés. Pour qui connaît l'ardeur de son âme expansive et la promptitude de son langage à la seconder, rien de ce que le maréchal a pu exprimer au Roi, même en style hardiment figuré, ne sera pris pour fausseté ni pour stratagème. La duplicité, quand elle aurait pu, chez lui, émettre de tels accens, ne le conduisait à rien.

C'est ici le lieu de démentir hautement une calomnie lancée contre le maréchal Ney, dans la vue de le déconsidérer sans retour.

[ocr errors]

son

» On a supposé et répandu avec affectation dans le public, que le Roi lui avait fait compter, départ, une somme : les uns ont dit de 500,000 fr., les autres de 6, de 7, et même de 800,000 fr., afin de s'assurer d'autant plus de sa fidélité.

>> C'est une imposture. Il n'est pas vrai que le Roi ni aucun de ses ministres ait fait compter au maréchal Ney une somme quelconque, ni de 500,000 fr., ni toute autre; sur ce point, il invoque, avec la plus respectueuse confiance, le témoignage de S. M.

>> Tout le monde, néanmoins, a jusqu'ici pris croyance dans cette fausse et inconvenante insinuation: comme si un prince aussi judicieux aurait pu fonder le moindre espoir sur un général qu'il aurait fallu acheter!

>> Au sortir de chez le Roi, le maréchal répète, au sein de sa famille et de ses amis, le même langage qu'il a tenu aux Tuileries: il monte en voiture, et part pour Besançon. Tous les maréchaux, tous les officiers généraux s'étant déjà rendus à leur poste, il n'a ni la pensée ni la possibilité de se concerter avec qui que ce soit.

Ce fut dans la journée du 10 mars seulement que le maréchal Ney put arriver à Besançon. >> Dans quel état y trouva-t-il les choses? >> Quelles étaient les dispositions déjà faites sans lui?

>> A quel point en était dès-lors, à soixante lieues de lui, l'extravagante entreprise de Buonaparte?

» Enfin, quels ont été les ordres successivement émanés du maréchal Ney, avant l'instant fatal qui a produit son erreur?

>>>.Ceux qui cherchent de bonne foi la vérité, ne manqueront pas de s'enquérir scrupuleusement de la moindre de ces circonstances.

>> Le maréchal trouve Besançon et le 6.

gouver

nement presque entièrement dégarnis de troupes.

Dès le même jour 10 mars, il informe Monsieur, frère du Roi, et le ministre de la guerre, que presque toutes se sont dirigées sur Lyon. Jugeant sa présence à Besançon à peu près inutile, il prie S. A. R. Monsieur de l'employer auprès d'elle et à l'avant-garde; il mande au ministre ce qu'il vient d'apprendre sur Buonaparte, qu'il s'est présenté devant Grenoble, et qu'il est probable qu'il se jettera en Italie par le Simplon.

>> Dans la matinée du lendemain II mars, le duc de Maillé arrive de Lyon, pour apprendre au maréchal Ney que les troupes de Grenoble ont passé du côté de Buonaparte ; que Monsieur s'est retiré de Lyon pour s'établir à Roanne ; qu'on suppose que Buonaparte peut avoir fait ( ce jour 11 mars) son entrée à Lyon.

» Sur-le-champ, le maréchal transmet ces nouvelles au ministre de la guerre ; il lui annonce qu'il se rend à Lons-le-Saulnier, pour y rassembler les troupes du 6. gouvernement; qu'il fera occuper Bourg et Mâcon..« Si je trouve l'occasion favorable, » ajoute-t-il, je n'hésiterai pas à attaquer l'enne» mi. » Le maréchal rend compte au ministre d'autres dispositions et de ses ressources.

>> Le même jour 11 mars, lettre du maréchal Ney au maréchal duc d'Albuféra, alors à Strasbourg. Il l'entretient des mêmes détails sur Buonaparte: «< II

>> est fâcheux, lui dit-il, qu'on n'ait pas osé le com>> battre. » Le maréchal ignorait encore la nouvelle défection des troupes de Lyon, leur insubordination envers le maréchal Macdonald, l'un des généraux les plus estimés et les plus aimés du soldat.

» Arrivé à Lons-le-Saulnier, le maréchal emploie les journeés des 12 et 13 mars à échelonner ses troupes de Lons-le-Saulnier sur Bourg, de manière à pouvoir marcher sur Mâcon ou sur Lyon. >> En quoi consistent ces troupes?

[ocr errors][merged small][merged small]

:» Le maréchal confie le commandement de celle en avant au lieutenant-général Lecourbe, et celui de la seconde au lieutenant-général de Bourmont.

>> Encore le 13 mars le maréchal n'avait pas à sa disposition une seule pièce d'ar tillerie.

» Plusieurs bataillons étaient sortis de Besançon, sans avoir de cartouches : le maréchal avait été forcé de donner des ordres pour en faire venir en poste.

>> Toutes ces particularités sont retracées dans deux lettres du maréchal au ministre de la guerre, datées de Lons-le-Saulnier, 12 mars. Il y blâme la contre-marche des troupes ordonnée sur Moulins : « Je l'ai, dit-il, fait contremander; ces troupes » eussent été perdues pour le roi : tout le pays depuis >> Auxonne jusqu'à Besançon restait à découvert. »

Il instruit le ministre des positions qu'il fait prendre aux divers corps, pour les rapprocher et faire

masse.

» Du même jour 12 mars, le maréchal, qui ne dissimule pas l'insuffisance de ses moyens, dépêche deux courriers aux maréchaux Oudinot et Suchet, pour les presser de se réunir à lui, et d'arriver surtout avec de l'artillerie bien attelée.

>> Dans la matinée du lendemain 13 mars, le maréchal Ney expédie une nouvelle dépêche au maréchal Oudinot : celle-ci est très-remarquable.

<< Dans les circonstances, il est bien important » de håter l'arrivée des troupes dont me parle le » ministre de la guerre: nous sommes à la veille >> d'une grande révolution; ce n'est qu'en coupant » le mal dans sa racine qu'on pourrait encore » espérer de l'éviter. Il faudrait faire arriver » les tronpes en poste, c'est-à-dire, inviter les

préfets à préparer, dans tous les lieux d'éta>> pes', des relais de voitures du pays, et pouvoir >> ainsi faire parcourir aux troupes quatre ou >> cinq étapes par jour: car ce n'est qu'à la vitesse » de la marche de Buonaparte qu'il faut attribuer >> ses premiers succès: tout le monde est étourdi » de cette rapidité, et malheureusement la classe >> du peuple l'a servi en divers lieux de son passage; » la contagion est à craindre parmi le soldat: les

« PreviousContinue »