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>> Dans la constitution actuelle des conseils de guerre, un motif semblable d'incompétence se rencontre. S'il fallait admettre qu'un maréchal de France pût y être traduit, il faudrait accorder du moins que la prééminence de son titre exigerait qu'il ne fût jugé que par ses pairs; il faudrait donc que le conseil de guerre fût entièrement composé de maréchaux de France. Mais l'organisation actuelle s'y oppose: sur sept juges qu'elle exige, lá loi existante n'en admet que quatre du même grade que l'accusé, et les trois autres sont d'un grade inférieur. Aussi a-t-on vu que cette loi n'a pas été faite pour les maréchaux de France. Comment donc la leur appliquer?

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Ajoutons qu'un conseil de guerre, même permanent, n'est autre chose qu'une véritable commission, lorsque les membres du conseil peuvent être nommés et choisis au gré de l'autorité supérieure qui le convoqué; la permanence n'est alors que dans la dénomination.

» Ces considérations ramènent nécessairement au principe de tout temps, le droit de n'être jugé que par une haute-cour a été inhérent à la dignité des maréchaux. L'acte qui les a rétablis en l'an 12 leur a conservé le droit de n'être ugés que par une haute-cour. La Charte, en eur conservant leurs grades, leurs honneurs

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leurs juges naturels, les a maintenus dans le droit de n'être jugés que par une haute-cour. Par cette série conservatrice, ils se trouvent replacés, , quant au tribunal qui a droit de les juger, dans la même position où ils ont été pendant tout le cours de la monarchie.

>> Sous l'ancien régime de cette monarchie, leur haute-cour était dans les chambres des parlemens. Sous le gouvernement intermédiaire, cette haute-cour avait une organisation différente. La monarchie a repris heureusement ses droits. En les reprenant, le monarque a maintenu ceux des maréchaux de France; mais, cette haute-cour qui, seule, avait droit de les juger, les parlemens n'existent plus; et ce n'est pas à nous qu'il appartient d'indiquer comment ils, peuvent être remplacés pour le jugement des maréchaux tout ce que nous pouvons résoudre, comme jurisconsulte, c'est qu'un conseil de guerre est incompétent, pour prononcer sur leur sort.

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» Si cependant il fallait émettre une opinion sur ce point, nous observerions d'abord que, quand il s'agit d'un crime de haute trahison, la Charte a prononcé. L'article 33 porte « La >> chambre des pairs connaît des crimes de haute » trahison et des attentats à la sûreté de l'État, >> qui seront définis par la loi. »

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» Cette attribution générale s'applique à toutes les personnes qui peuvent être accusées du crime de haute trahison; elle les soumet toutes indistinctement au jugement de la chambre des pairs.

» Elle n'a rien de commun avec une autre attribution contenue dans l'article suivant 34, qui dit : « Aucun pair ne peut être arrêté que de l'au>> torité de la chambre, et jugé que par elle en >> matière criminelle. » Celle-ci est particulière aux membres de la chambre des pairs; elle s'applique uniquement à eux, et pour toutes les accusations dont ils peuvent être l'objet.

» La première est à cause du délit, quelle que soit la personne.

>>La seconde est à cause de la personne, quel que soit le délit.

>>> Dans le cas où un maréchal serait accusé du crime de haute trahison, il devrait donc, ainsi que tout autre individu qui éprouverait la même accusation, être traduit devant la cour des pairs, non pas à raison de sa personne, mais à raison de la nature du crime.

A la vérité, l'exécution de l'article 33 de la Charte est subordonnée à l'émission d'une loi qui définirà le cas où cet article 33 devra être appliqué; et cette loi n'a point encore été rendue: mais la règle de compétence n'en est pas moins

certaine. L'anique objet de cette loi sera de déterminer à raison de quelles personnes, selon l'élévation de leur rang, et à raison de quels faits, selon leur gravité, la chambre des pairs devra se trouver iuvestie du droit de juger: ce qui autorise à croire qu'un maréchal de France, accusé de haute trahison, peut être considéré, dès à présent, à raison de sa dignité, comme étant déclaré la Charte justiciable de la seule Chambre des pairs.

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» A l'égard de tous autres délits, on rentre dans la question du privilége personnel à la qualité de maréchal de France; et en raisonnant par induction, on peut croire aussi que c'est encore devant la chambre des pairs qu'un maréchal de France doit être traduit pour toute espèce de délit ; quoique, comme maréchal de France, quand il n'est pas en même temps pair, il ne soit pas compris dans. le privilége personnel exprimé dans l'article 34.

>> Cette induction est fondée sur cé que le privilége personnel au maréchal de France étant d'être jugé par une haute cour qui tienne lieu pour lui de toutes les chambres assemblées de l'ancien parlement, ou qui remplace la haute cour, que. lė sénatus-consulte du 28 floréal an 12 avait établie, il est naturel de chercher cette haute cour dans le corps de l'état qui la représente le mieux, d'a

près la constitution actuelle de la monarchie. Or, la chambre des pairs est certainement le corps actuel de l'état qui représente le mieux les chambres assemblées du parlement de Paris, relativement au droit que les grands personnages de l'état avaient de n'être jugés au criminel que par les chambres assemblées.

» D'un autre côté, la chambre des pairs se trouve déjà établie haute cour par la Charte même, puisque le jugement des accusations de haute trahison lui est attribué par cette Charte vis-à-vis de toutes personnes.

» Au surplus, nous le répétons, nous n'entendons point résoudre les doutes qui peuvent exister sur cette question particulière: notre unique objet a été d'établir qu'un conseil de guerre est un tribunal incompétent.

» Or, cette compétence nous paraît prouvée sous tous les rapports.

>>> Le conseil de guerre est incompétent à l'égard des maréchaux de France, parce qu'il n'a point été créé pour eux, parce qu'aucune juridiction ne lui a été attribuée sur le grade éminent qu'ils occupent.

» Il est incompétent, parce qu'il offrirait l'exemple, inconciliable avec les principes et les usages de la monarchie, d'une des premières dignités de l'état jugée par ses inférieurs.

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