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comme pair de France; nous allons le considérer maintenant comme maréchal.

>> En voyant M. le maréchal Ney traduit à un conseil de guerre, on se demande si le titre de maréchal de France est une dignité de la couronne, ou seulement un grade militaire; ou si ces deux qualités se trouvent réunies dans ce titre, et

s'il

y a lieu d'appliquer, à celui qui en est revêtu, les dispositions de la loi du 4 fructidor an 5, portant création des conseils de guerre chargés de juger les généraux d'armée prévenus de délits spécifiés au code pénal militaire, ou dans les ordonnances du Roi.

» Ce sera encore par des citations historiques sur l'origine et les attributions des maréchaux de France, et en rapportant les principaux jugemens rendus contre quelques-uns d'eux, que nous examinerous la juridiction des tribunaux qui peuvent être chargés de les juger.

>> On sait que le titre du maréchal, dignité aujourd'hui si éminente dans l'armée, ne désignait autrefois qu'un officier de l'écurie du Roi, qui était subordonné au connétable, comme les écuyers ordinaires le sont maintenant au grand écuyer.

» Cette dignité devint militaire en même temps celle de connétable; et sous Philippe-Auguste, qui institua les maréchaux de France, leur fonc

que

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tion était de mener l'avant-garde au combat. » Les maréchaux suivirent, pour les honneurs, la fortune du connétable, c'est-à-dire, qu'ils s'illustrèrent à mesure que la charge de connétable devint plus considérable; ils étaient ses collatéraux et coadjuteurs, et ce n'est que quand nos rois ont supprimé l'office de connétable, ou l'ont laissé vacant, que les maréchaux ont eu la première autorité de la guerre.

>> Sous Philippe de Valois, les maréchaux de. France ne jouissaient du revenu de leur charge qu'en temps de guerre.

>> Ils avaient un cheval de l'écurie du Roi, quand ils allaient en campagne...

a

» Anciennement, cette dignité n'était pas à vie, et le roi pouvait l'ôter quand il le jugeait à propos; on en voit la preuve dans les lettres de Philippe de Valois, écrites à Bernard de Moreuil, maréchal de France, que ce roi avait choisi pour être gouverneur de son fils Jean. Ce maréchal se fit un peu presser, parce qu'il fallait se dépouiller de l'office de maréchal de France; cependant il le fit.

Jusqu'à François I., la dignité de maréchal de France ne fut ainsi qu'une commission, ou un office amovible; mais ce prince créa Gaspard de Coligny-Châtillon maréchal de France à vie, le 15 décembre 1516, à condition que la charge de

celui des trois maréchaux suivans qui mourrait le premier demeurerait éteinte et supprimée. Depuis, cette dignité a toujours été à vie.

» Henri II est le premier de nos Rois qui ait qualifié de cousins les maréchaux de France.

» Henri III, par l'art. 270 de son ordonnance rendue aux états de Blois, réduisit les offices des maréchaux de France à quatre, dont deux pour demeurer près de sa personne, et deux autres pour faire des tournées dans les provinces.

Autrefois ils prêtaient serment entre les mains du Roi et au parlement; ils étaient les juges du point d'honneur, tenaient le siége de la connétablie et maréchaussée de France; ils avaient des prevôts, ou lieutenans, dans les provinces, qui exerçaient leur juridiction sur les vagabonds et gens sans aveu, sur les voleurs de grands chemins, les incendiaires et les assassins.

» Une ordonnance du Roi, du 18. mars 1776, porte que les dix-huit gouvernemens généraux de provinces qui ne seraient point accordés à des princes du sang, ne pourraient l'être qu'à des maréchaux de France.

» On trouve ce qui suit dans l'Encyclopédie, à l'article des maréchaux de France: « La dignité de » maréchal de France est du nombre de celles que l'on appelle charges de la couronne. On le

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» voit par un acte rapporté par le père Anselin, » où il est dit: En l'arrêt du duc d'Orléans, du » 25 janvier 1361, est narré que les offices des » maréchaux appartiennent à la couronne, et >> l'exercice auxdits maréchaux qui en font au » Roi foi et hommage.

» Le maréchal de France est le premier officier » des troupes de France; sa fonction principale » est de commander les armées. » Ce même article renvoie à celui de général, et on y trouve:

«En France, le général est ordinairement le » maréchal de France, qui a sous lui des lieutenansgénéraux et des maréchaux-de-cainp, pour >> l'aider dans ses fonctions. >>

» On voit, d'après cet article, que les maréchaux de France étaient considérés comme officiers de la couronne, et qu'il entrait dans leurs attributions le droit de commander les armées.

» Nous ajouterons à cela ce que dit Du Bouchel, dans sa Bibliothéque du Droit Français : Que » la principale et la plus spéciale institution de >> MM. les maréchaux de France fut pour le » militaire et le fait des armes, mais qu'elle ne fut » pas limitée à cette seule partie de la puissance » publique. MM. les maréchaux de France » ajoute-t-il, furent encore chargés de pourvoir » à la justice et à la police du royaume, etc. »

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» Ce que nous venons de rapporter prouve évidemment qu'avant nos troubles civils, les fonctions de maréchal de France n'étaient pas seulement militaires, et qu'ils en avaient d'autres non moins importantes dont le ressort s'étendait également à la guerre et à la paix.

>> Nous nous bornerons, Messieurs, à rapporter ici deux exemples de jugemens rendus contre des maréchaux de France.

>> Le 22 novembre 1650, le maréchal de Marillac fut arrêté au camp de Fellizzo, en Piémont, où il commandait les troupes françaises, et conduit à Paris, où son procès fut fait par vingt-trois juges nommés par le Roi, qui le condamnèrent, deux ans après, le 8 mai 1632, à avoir la tête tranchée, comme convaincu d'avoir mal usé de son autorité en opprimant les sujets du Roi, et en empêchant l'effet des bonnes intentions de S. M. pour ses peuples.

.

» Le maréchal de Marillac, en récusant les jugescommissaires nommés par le Roi, ne se reconnut justiciable que du parlement de Paris; il fonda son déclinatoire sur le titre de maréchal de France dont il était revêtu, et sur le danger qu'il y aurait pour un accusé d'être livré à la discrétion d'un tribunal nommé ad hoc, et que l'on pourrait composer de ses ennemis.

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