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- » Donné à Paris, aux Tuileries, le 6 mars 1815, et de notre règne le vingtième.

» Par le Roi,

» Signé LOUIS.

Le chancelier de France, signé DAMBRAY. » >> Le silence que garde l'ordonnance du 24 juillet sur l'application de celle que nous venons de lire à M. le maréchal Ney, et aux autres personnes dont la mise en jugement a été également ordonnée, n'autoriserait-il pas à penser qu'on a eu des raisons de croire que cette ordonnance ne pourrait suffisamment motiver le renvoi du maréchal et de ses coaccusés par-devant un conseil de guerre?

L'ordonnance du Roi du 24 juillet, qui ordonne la mise en jugement de dix-neuf individus, au nombre tlesquels se trouve M. le maréchal Ney, et leur renvoi par-devant les conseils de guerre compétens, ne préjuge rien sur la compétence de ces conseils de guerre. Cependant la rédaction de cette ordonnance ne peut être attaquée ; car elle est, en effet, applicable à la presque totalité de ceux qui y sont dénommés, c'est-à-dire, à dix-sept sur dixneuf.

» Mais en principe on n'est pas justiciable d'un tribunal par la seule raison qu'on y est traduit, et nous en trouvons la preuve dans l'exception faite à l'égard de M. de Lavalette, qui,

n'étant pas militaire, a été, par ordonnance spéciale, renvoyé devant les tribunaux ordinaires; par la même raison, un pair de France, soumis, par son caractère, à la seule juridiction de la chambre des pairs, peut être fondé à réclamer la même exception.

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» Mais l'article 4 de l'ordonnance du 24 juillet déroge expressément, pour ce cas, aux lois et formes constitutionnelles, ainsi qu'on le reconnaît dans la réquête présentée au Roi, et que les con seils de M. le maréchal l'avouent eux-mêmes.. Quelle a été l'intention du gouvernement à l'égard des dix-neuf individus dénoncés dans l'ordonnance du 24 juillet? De les faire juger par des conseils de guerre, s'ils étaient susceptibles de Fêtre par eux. Celle du 2 août, qui 'charge spécialement le conseil de guerre permanent de la première division militaire de connaître des crimes imputés aux militaires désignés dans l'ordonnance du 24 juillet, nous confirme dans cette opinion: bien que son considérant ne motive leur renvoi devant ce tribunal, que sur l'état de licenciement actuel de l'armée, et la dissolution des états-majors, il n'en est pas moins vrai qu'on y trouve toujours la même intention; le lieu seul du tribunal est changé, la compétence reste la même.

» Nous n'avons trouvé, dans toutes nos ré

cherches, que la dérogation aux lois et formes constitutionnelles, prononcée par l'article 4 de l'ordonnance du 24 juillet, qui établisse la compétence d'un conseil de guerre pour juger M. le maréchal Ney; encore serait-ce une question pour nous de savoir, si l'intention du législateur a été d'appliquer cette dérogation à la compétence du conseil, ou seulement à la formation des listes, et à la mise en jugement des prévenus.

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» Quand on lit, dans le considérant de l'ordonnance du Roi, du 6 septembre, qui renvoie M. de Lavalette devant ses juges naturels, ces mots, et voulant conserver scrupuleusement à nos sujets les droits que leur assurent les arti ́cles 62 et 63' de la Charte constitutionnelle comment ne pas reconnaître, comment ne pas bénir cette sollicitude et cette inépuisable bonté d'un prince dont tous les jours sont marqués par des -bienfaits, ou par des actes de justice, qui sont les premiers bienfaits d'un Roi; ce respect religieux pour les institutions qu'il a données à la France, et qui, comme il l'a dit lui-même, seront un jour son plus beau titre de gloire pour la postérité!...........

Ainsi, puisque la justice du Roi a garanti à M. de Lavalette la jouissance de tous les droits que lui assurent les articles 62 et 63 de la Charte ; M. le, maréchal Ney ne paraîtrait-il pas fondé à

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réclamer, pour lui, l'exécution des articles de la Charte qui lui sont favorables?.....

» Sans vouloir rien préjuger de la décision du conseil sur la question de compétence qui lui est soumise, nous croyons avoir démontré: !.

» 1°. Que la juridiction de la chambre des pairs est un point de droit public presque aussi ancien que la monarchie, toujours reconnu par nos rois, et consacré de nouveau par l'art. 34 de la Charte constitutionelle, que nous devons à S. M.;

» 2°. Que M. le maréchal Ney était pair de France au moment où il a commis le délit pour lequel il est mis en jugement;

» 3o. Qu'un prévenu doit toujours étre jugé dans le grade, ou suivant la qualité qu'il avait au moment où il a commis son délit ;

4°. Que MM. les maréchaux de France, considérés comme grands-officiers de la couronnnne et comme généraux, ne reconnurent · jamais que le parlement de Paris pour leur juge naturel, et qu'on ne trouve ni dans les lois, ni dans les usages qui étaient en vigueur avant la révolution, rien qui détermine la manière dont MM. les maréchaux de France seront jugés.

» 5°. Qu'en les assimilant aux généraux d'ar

mée, pour leur appliquer les dispositions de la loi du 4 fructidor an 5,'on a été contraint de créer par analogie un tribunal militaire dont l'existence n'est reconnue par aucune loi;

» 6°. Que le formulaire prescrit pour les jugemens des conseils de guerre ne pourrait être suivi pour la rédaction de celui à intervenir dans l'affaire de M. le maréchal Ney.

7°. Que dans le cas où ce jugement devrait étre soumis à révision, il n'existe pas dans l'armée des officiers d'un grade plus élevé que celui de maréchal de France pour former un tribunal supérieur;

» 8°. Qu'il n'y a que l'art. 4 de l'ordonnance du 24 juillet, qui déroge, pour ce cas seulement, aux lois et formes constitutionnelles, qui établisse la compétence d'un conseil de guerre pour juger M. le maréchal Ney;

» 9o. Enfin, qu'en se renfermant, dans leș bornes constitutionnelles, qu'en exécutant à la lettre les articles 33, 34, 62 et 63 de la Charte tout est prévu: la loi est écrite, et fixe la règle de conduite à suivre dans cette circonstance.

» Le conseil n'attend pas de nous, sans doute, des conclusions.sur la question de compétence que nous venons de traiter; quand les hommes d'état les plus éclairés, et les plus célèbres juris

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