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TROISIÈME MOTIF. Le maréchal Ney, considéré comme revêtu d'une grande dignité dans l'état.

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>> Si nous passons à l'examen de la question d'un maréchal de France envisagé comme investi d'une grande dignité dans l'état, nous nous demanderons d'abord comment on le jugera et quel est le tribunal qui devra prononcer sur son sort, d'après la législation actuellement en vigueur.

» Si on le poursuit pour un délit qui intéresse le salut de l'état, le considérera-t-on d'abord. comme titulaire de cette même dignité ou comme militaire?

» Sur ce point, nos constitutions sont incomplètes, il est vrai, et ne rendent pas aussi facile qu'on pourrait le désirer une interprétation de cette importance; mais, dans le silence de cette partie de la législation, la raison n'indique-t-elle pas assez la marche que nous devons suivre? Si nous consultons les lois existantes; si nous voulons, en un mot, nous former une direction irréprochable, nous nous convaincrons bientôt que ce qui caractérise le délit doit être notre règle invariable et immédiate; que tout nous porte à en inférer que, si nul ne peut être soustrait à l'action de la justice, il faut aussi que cette même justice

s'exerce dans le sens le plus universellement reconnu par les lois existantes. Or, dès qu'un maréchal de France est poursuivi pour un délit prévu par la loi, ne doit-on pas lui appliquer les formes voulues; et peut-on s'en s'écarter, sous le prétexte qu'une question secondaire n'est pas résolue? Mais, Messieurs, elle est résolue cette question, par le fait même qu'il ne s'agit ici que d'un délit purement militaire.

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» La question aiusi ramenée doit se poser ainsi. Le Roi a confié une portion de son armée à un maréchal de France, ou, autrement appelé, un général en chef permanent, pour en disposer dans les intérêts de son service. Un tribunal militaire est convoqué pour prononcer si ce même maréchal de France a fait un bon ou mauvais emploi de cette portion d'armée placée sous son commandement; s'il a, oui ou non, trahi ses devoirs, et si enfin la confiance du souverain a été trompée.

» Ainsi, l'homme d'état, le dignitaire, ou le grand titulaire, disparaît devant des dignités non moins imposantes, celles qui rattachent à un grand commandement, dont dépendaient les plus grands intérêts de l'état,

» Et pourquoi les tribunaux militaires ont-ils été institués, si ce n'est pour prononcer sur la conduite militaire des militaires de tous les grades? Ici,

Messieurs, vous ne pouvez rejeter cette démonstration qui, en écartant momentanément l'homme investi d'une grande dignité, vous le fait retrouver investi d'un grand commandement.

» Donc, sous ces deux rapports, un maréchal de France est justiciable d'un conseil de guerre.

QUATRIÈME MOTIF. Le jugement soumis à un conseil de révision.

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Quant aux observations qui vous ont été soumises sur ce que le conseil de révision, tel qu'il est composé, ne saurait connaître du jugement qui pourrait intervenir, nous ne pensons pas qu'elles soient susceptibles de vous arrêter.

» En effet, le conseil de révision ne doit connaître que des formes; sa composition doit être constamment la même, elle est prévue par la législation en vigueur, puisque la loi du 18 vendémiaire an 6 (9 octobre 1797), qui a créé les conseils de révision, est postérieure aux lois qui ont institué les conseils de guerre; et, à cette époque, déjà les généraux en chef étaient justiciables de ces mêmes conseils de guerre. Le législateur n'a donc pas cru devoir apporter de modification dans la composition d'un conseil qui n'est appelé qu'à prononcer sur l'observation des formes et sur l'application et l'exécution de la loi.

Précédemment, les appels contre les jugemens rendus par les conseils de guerre n'étaient pas établis, et tous les jugemens devenaient exécutoires dès le moment même où ils étaient prononcés. Au surplus, nous sommes fermement persuadés qu'il ne nous appartient pas de nous occuper de cette question, qui ne nous paraît être ni dans les attributions, ni dans les devoirs du conseil.

CINQUIÈME MOTIF. Formules de jugement.

» Il en est de même des formules de jugemens; nous ne nous appesantirons pas davantage sur leur rédaction. Tout le monde sait qu'elles ne sont pas une émanation législative, mais bien un acte du pouvoir exécutif; qu'elles n'ont été prescrites que pour indiquer un mode uniforme d'opération aux conseils de guerre, dont l'inexpérience exigeait ces sortes d'instructions et de modèles; que ces mêmes formules n'offrent d'autres obligations à remplir, que celles d'insérer dans un jugement tout ce qui tend à la fois et à la plus stricte exécution des lois et à l'intérêt d'un accusé. Or, pénétrés, comme nous le sommes, de l'utilité de ces précautions, nous ne pouvons commettre d'erreurs attaquables, si, en nous conformant à ces mêmes formules, et,

loin d'y rien retrancher, nous ne faisons qu'y ajouter ou les modifications, ou les circonstances, ou les incidens que la nature et la marche de l'affaire nous indiqueront. »

CONCLUSION.

« La compétence du conseil est donc incontestable, sous tous les rapports; et il ne doit plus exister d'incertitude à cet égard. Toutefois nous citerons un passage du Guide des Juges militaires qui nous paraît justement applicable à la question que nous traitons.

» On lit, à l'article de la compétence suivant la nature des délits, le paragraphe suivant:

«Le crime de rébellion contre l'autorité sou› veraine est de la compétence des conseils de » guerre permanens, quel que soit l'état de la per» sonne qui l'a commis, lors même qu'il n'y aurait » pas eu de rassemblemens armés. »

>> Ces dispositions résultent des lois du 30 prairial an 3 (18 juin 1795) et 1er. vendémiaire an 4 (13 septembre 1795); elles sont claires, et paraissent sans réplique.

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>> Nous terminons ce réquisitoire, Messieurs, en priant et requérant le conseil de rejeter le déclinatoire qui lui a été présenté; de rester saisi de l'affaire pour laquelle il a été convoqué, et de continuer l'instruction et les débats jusqu'à ce que le jugement s'ensuive:

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