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» Nous demandons enfin qu'il nous soit donné acte du présent réquisitoire, que nous avons signé pour être annexé aux pièces de la procédure.

>> Fait et prononcé en séance du conseil de guerre permanent de la première division militaire, le 10 novembre 1815.

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» L'ordonnateur en chef des armées du Roi, ordonnateur de la première division militaire, procureur du Roi près le conseil de guerre permanent de cette division

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Signé à la minute, Baron JOINVILLE. » Note sur l'ordonnance du 6 septembre.

« On a voulu arguer de l'ordonnance du 6 septembre, applicable au sieur de Lavalette, pour en tirer cette induction, que le Roi voulant conserver scrupuleusement à ses sujets les droits que leur assurent les art. 63 et 64 de la Charte, il était démontré que S. M. elle-même ne reconnaissait ni commissions ni tribunaux extraordinaires. Nous allons examiner si cette cause d'incompetence peut être justement alléguée. En lisant avec attention ladite ordonnance du 6 septembre, nous voyons, au contraire, que le Roi n'a pas entendu déroger à son ordonnance du 24 juillet; que l'exception prononcée pour le sieur Lavalette provient de ce qu'il n'était ni militaire, ni attaché aux armées lors des faits pour lesquels il, doit être livré aux

poursuites des tribunaux; que les art. 63 et 64 ne peuvent davantage être invoqués devant ce conseil, qui ne représente ni une commission extraordinaire, ni un tribunal extraordinaire; que l'art. 3 de cette même ordonnance du 6 septembre porte expressément que celle du 24 juillet sortira au surplus son plein et entier effet, ce qui signifie. bien que rien n'est changé à la mise en jugement 'des autres prévenus; et qu'enfin, en principe de législation, tout ce qui n'est pas clairement exprimé, ne peut s'interpréter autrement qu'en consultant les lois existantes : nous persistons, en conséquence, dans les conclusions de notre réquisi

toire. »

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Immédiatement après le discours du procureur du Roi, le président a annoncé au maréchal qu'il pouvait se retirer. On l'a reconduit sur-lechamp au lieu de sa détention.

Le conseil s'est alors retiré, et, après un quart d'heure de délibération, il est rentré dans la salle d'audience.

Le maréchal Jourdan, président, a prononcé le jugement suivant :

« Le conseil, après avoir délibéré sur la question » de savoir s'il est compétent pour juger le maré» chal Ney, accusé de haute trahison, se déclare » incompétent, à la majorité de cinq voix contre » deux. M. le rapporteur est chargé de donner

> connaissance du présent jugement à l'accusé. »> Le jugement transcrit sur les registres du conseil, est conçu en ces termes :

« Sur le rapport de M. le maréchal de camp Grundler, et après avoir entendu le réquisitoire de M. le commissaire ordonnateur Joinville, procureur du Roi;

>> Le conseil, considérant

» 1°. Que M. le maréchal Ney était pair de France à l'époque où il a commis le délit pour lequel il est mis en jugement, en conformité de l'ordonnance du Roi du 24 juillet dernier,

» 2°. Qu'un prévenu doit toujours être jugé dans le grade, ou suivant la qualité qu'il avait au moment où il a commis le délit dont il est accusé ;

» 3°. Que les maréchaux de France n'ont jamais reconnu, sous nos rois, d'autre juridiction que celle du parlement de Paris; qu'à l'époque de la création de ceux existans, ils ont été déclarés justiciables d'une haute-cour, et qu'assimilant M. le maréchal Ney à un général d'armée, pour lui appliquer les dispositions de la loi du 4. fructidor an 5, ton n'a pas dû former, par analogie, un tribunal dont l'existence n'es econnue par aucune loi ;

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» 4°. Que M. le maréchal Ney est accusé d'un crime de haute trahison et d'un attentat contre la sûreté de l'état, et qu'aux termes de l'article 33 de la Charte constitutionnelle, la connaissance de ces crimes est attribuée à la chambre des pairs;

»5°. Que Fordonnance du 24 juillet, qui prescrit l'arrestation et Ja traduction devant les conseils de guerre competens, de plusieurs généraux, officiers superieurs, et autres individus, et que celle du 2 août, qui a renvoyé tous les prévenus dénommés dans celle du 24 juillet, par-devant le conseil de guerre permanent de la première division militaire, ne juge rien sur la compétence du conseil de guerre, tandis que celle du 6 septembre, qui a renvoyé M. de Lavafette, dénommé dans celle du 24 juillet, par devant sesjuges naturels liux termes des articles 62 et 63 de la Charte constitutionnelle, donne, aen de penser que la dérogation aux lois et formes constitutionnelles, prononcée par l'article 4 de cette ordonnance, ne s'applique point à la compétence, et nonobstant la réquisition de M. le procureur du Roi, déclare, à la majorité de cinq voix contre deux, qu'il est incompetent pour juger le maréchal Ney.

» Le conseil étant rentré en séance publique, M. le président a prononcé à haute voix le jugement d'incompétence rendu par le Conseil de guerre.

>> Le conseil enjoint à M. le rapporteur de lire de suite le présent jugement à M. le marechal Ney, en présence de la garde rassemblée jons les armes, et de le prévenir que la loi Jui accorde vingt-quatre heures pour se pourvoir en révision; et au surplus, de faire exécuter i jugement dans tout son contenu.

Signé, MM. les Maréchaux JOURDAN, président; MASSÉNA, prince dEsling; AUGEREAU, duc de Castiglione; MORTIER, duc de Trévise; et par MM. les Lieutenans généraux des armées du Roi, CAZAN, VILLATTE et CLAPALLDE.

CHAMBRE DES PAIRS.

VINGT-QUATRE heures après le jugement du conseil de guerre, les ministres du Roi se sont rendus à la chambre des pairs, accompagnés de M. Bellart, procureur-général près la cour royale de Paris.

M. le duc de Richelieu, président du conseil des ministres, a dit :

<<< Messieurs,

» Le conseil de guerre extraordinaire établi pour juger le maréchal Ney s'est déclaré inéompétent. Nous ne vous dirons pas toutes les raisops sur lesquelles il s'est fondé; il suffit de savoir que l'un des motifs est que ce maréchal est accusé de haute trahison.

» Aux termes de la Charte, c'est à vous qu'il appartient de juger ces sortes de crimes. Il n'est pas nécessaire, pour exercer cette haute juridiction, que la chambre soit organisée comme un tribunal ordinaire. Les formes que vous suivez dans les propositions de fois, et pour juger en quelque sorte celles qui vous ont été présentées,

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sont sans doute assez solennelles et assez rassurantes pour juger un homme, quelle qu'ait été sa dignité, quel que soit son grade.

>> La chambre est donc suffisamment constituée pour juger le crime de haute trahison dont le maréchal Ney est depuis si long-temps accusé.

» Personne ne peut vouloir que le jugement soit retardé par le motif qu'il n'existe pas auprès de la chambre des pairs un magistrat qui exerce l'office de procureur-général. La Charte n'en a pas établi : elle n'a pas voulu en établir; peut-être ne l'a-t-elle pas dû. Pour certains crimes de haute trahison, l'accusateur s'élevera de la chambre des députés ; pour d'autres, c'est le gouvernement luimême qui doit l'être. Les ministres sont les organes naturels de l'accusation, et nous croyons bien plutôt remplir un devoir qu'exercer un droit, en nous acquittant devant vous du ministère public.

>> Ce n'est pas seulement, Messieurs, au nom du Roi que nous remplissons cet office, c'est au nom de la France, depuis long-temps indignée, et maintenant stupéfaite. C'est même au nom de l'Europe que nous venons vous conjurer et vous requérir à la fois de juger le maréchal Ney. Il est inutile, Messieurs, de suivre la méthode des magistrats, qui accusent en énumérant avec détail toutes les charges qui s'élèvent contre l'accusé;

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