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elles jaillissent de la procédure qui sera mise sous vos yeux. Cette procédure subsiste dans son intégrité, malgré l'incompétence et à cause même de l'incompétence prononcée. La lecture des pièces, que nous faisons déposer dans vos bureaux, vous fera connaître les charges. Il n'est donc pas besoin de définir les différens crimes dont le maréchal Ney est accusé; ils se confondent tous dans les mots tracés par cette charte, qui, après l'ébranlement de la société en France, en est devenue la base la plus sûre.

» Nous accusons devant vous le maréchal Ney de haute trahison et d'attentat contre la sûreté de l'état.

* Nous osons dire que la chambre des pairs doit au monde une éclatante réparation : elle doit être prompte; car il importe de retenir l'indignation qui de toutes parts se soulève. Vous ne souffrirez pas qu'une plus longue impunité engendre de nouveaux fléaux, plus grands peut-être que ceux auxquels nous essayons d'échapper. Les ministres du Roi sont obligés de vous dire que cette décision du conseil de guerre devient un triomphe pour les factieux. Il importe que leur joie soit courte, pour qu'elle ne leur soit pas funeste.

» Nous vous conjurons donc, et au nom du Roi nous vous requérons de procéder immédiatement

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au jugement du maréchal Ney, en suivant, pour cette procédure, les formes que vous observez pour la délibération des lois, sauf les modifications portées par l'ordonnance de S. M., dont il va vous être donné lecture.

>> D'après cette ordonnance, vos fonctions judiciaires commencent dès cet instant. Vous vous devez à vous-mêmes, Messieurs, de ne faire entendre aucun discours qui puisse découvrir votre sentiment pour ou contre l'accusé. Il comparaîtra devant vous aux jour et heure que la chambre fixera. »

Le procureur-général, commissaire du Roi, a donné ensuite lecture à la chambre :

1o. Du jugement par lequel le conseil de guerre s'est déclaré incompétent pour juger le maréchal Ney.

2o. De l'ordonnance du Roi, dont les motifs ont été exposés par M. le duc de Richelieu, et qui est ainsi

conçue :

» Louis, par la grâce de Dieu, Roi de France et de Navarre,

» A tous présens et à venir, salut :

» Vu l'art. 33 de la Charte constitutionnelle, >> Nos ministres entendus,

» Nous avons ordonné et ordonnons ce qui suit :

>> La chambre des pairs procédera sans délai au

jugement du maréchal Ney, accusé de haute trahison, et d'attentat contre la sûreté de l'état. Elle conservera pour ce jugement les mêmes formes que pour les propositions de lois, sans néanmoins se diviser en bureaux.

» Le président de la chambre interrogera l'accusé pendant l'audience, et dirigera les débats. Les opinions seront prises suivant les formes usitées dans les tribunaux.

» La présente ordonnance sera portée à la chambre des pairs par nos ministres secrétaires d'état, et par notre procureur-général près notre cour royale de Paris, que nous chargeons de soutenir l'accusation et la discussion.

>> Donné en notre château des Tuileries, le onzième jour du mois de novembre de l'an de grâce 1815, de notre règne le vingt-unième.

» Par le Roi:

» Signé LOUIS.

» Le ministre secrétaire-d'état au département des affaires étrangères, président du conseil,

Signé RICHELIEU. »

Après avoir entendu cette lecture, la chambre des pairs, sur la proposition d'un de ses membres, a déclaré qu'elle recevait avec respect les communications qui venaient de lui être faites,

au nom du Roi, par les ministres de S. M.; qu'elle reconnaissait les attributions qui lui avaient été données par l'art. 33 de la Charte constitutionnelle (1), et qu'elle était prête à remplir ses devoirs en se conformant à l'ordonnance du Roi.

La chambre s'est ensuite ajournée au surlendemain lundi, 13 novembre, à onze heures du matin, pour prendre connaissance des pièces de la procédure instruite contre le maréchal Ney.

Aux jour et heure indiqués, la chambre des pairs s'est réunie.

Les ministres et le procureur-gépéral étaient encore présens à cette séance.

M. le duc de Richelieu a donné connaissance à l'assemblée d'une nouvelle ordonnance royale, dont voici le texte :

« Louis, par la grâce de Dieu, Roi de France et de Navarre, etc.

>> Par notre ordonnance du i'i de ce mois, nous avons déterminé que la chambre des pairs, dans l'exercice des fonctions judiciaires qui lui sont at tribuées, conserverait son organisation habituelle,

(1) Cet article est conçu en ces termes :

« La chambre des pairs connaît des crimes de haute trahison et des attentats à la sûreté de l'état, qui seront définis par une loi.

et nous avons déjà prescrit les principales formes de l'instruction et du jugement.

>> Voulant donner à notredite ordonnance les développemens nécessaires;

» Voulant aussi donner au débat qui doit précéder le jugement la publicité prescrite par l'art. 64 de la charte constitutionnelle,

>> Nous avons ordonné et ordonnons ce qui suit:

» Art. 1er. La procédure sera instruite sur le réquisitoire de notre procureur de la cour royale de Paris, l'un de nos commissaires, délégué par notre ordonnance susdite.

>> 2. Les témoins seront entendus, et le prévenu sera interrogé par notre chancelier, président de la chambre des pairs, ou par celui des pairs qu'il aura commis. Procès-verbal sera dressé de tous les actes d'instruction, dans les formes établies par le code d'instruction criminelle.

>> 3. Les fonctions attribuées par la loi aux greffiers des cours et tribunaux dans les affaires criminelles seront exercées par le secrétaire archiviste de la chambre des pairs, lequel pourra s'adjoindre

un commis assermenté.

4. L'instruction étant terminée, sera communiquée à nos commissaires, qui dresseront l'acte d'accusation.

» 5. Cet acte d'accusation sera présenté à la

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