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trouve le maréchal Ney, il est, en quelque sorte, au foyer de l'insurrection. Disons mieux, les troupes de Buonaparte l'ont déjà devancé de beaucoup le maréchal Ney, avec des forces très-inférieures, se trouve placé en arrière, quoique latéralement ; il lui est impossible de rien entreprendre.

» En vain il l'aurait tenté : une nuée d'embaueheurs, le r3, avait inondé sa petite, armée : des proclamations avaient été répandues, qui avaient 'échauffé l'imagination du soldat; l'exaltation était à son comble. Nul espoir de contenir des têtes. désormais perdues, encore moins de les faire marcher contre Buonaparte.

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>> Enfin le maréchal Ney en acquiert la triste conviction; il n'a plus d'armée. Des perturbateurs sans frein l'ont aliénée; elle est rebelle à sa voix elle le menace même de violence, dans le cas où il voudrait l'empêcher d'aller à Buonaparte. Le maréchal n'est pas plus heureux que plusieurs. autres généraux qui ont eu la douleur de se voirdéserter par les leurs.

» Dans la nuit du 13 au 14, des émissaires de Buonaparte arrivent jusqu'au maréchal ; ils le trouvent dans une extrême agitation, dans une espèce de bouleversement d'esprit, accessible à toutes les impressions, et tremblant pour le sort de la France. Ils sont porteurs d'une lettre du général Bertrand,

qui lui peint avec force la nullité de sa position, la certitude du succès pour Buonaparte.

» Suivant cette lettre, Buonaparte a concerté son entreprise avec l'Autriche, par l'entremise du général autrichien Kolher.

L'Angleterre a favorisé son évasion.

Murat, triomphant, s'avance à grands pas vers le nord de l'Italie, pour donner la main à son beaufrère.

>> Les troupes de la Russie sont rentrées dans leurs quartiers éloignés.

>>> La Prusse toute seule ne peut pas se mesurer avec la France.

>> luutilement le maréchal Ney essaiera-t-il de faire résistance; les moyens n'en sont plus à son pouvoir. Ce sont les sous-lieutenans etles soldats qui ont ramené Buonaparte, propos que celui-ci a vingt fois depuis répété lui-même.

» Que si le maréchal Ney réussit à entretenir un foyer d'opposition armée, quel en sera le résultat? qu'il va livrer la France à toutes les horreurs d'une guerre civile.

>> Ces derniers mots achèvent de triompher des meilleures résolutions du maréchal Ney. Dans son trouble extrême, le maréchal est vivement combattu par le sentiment de ses devoirs, par celui du salut de la patrie qu'il voit en péril. Ce dernier

sentiment finit par l'emporter sur tout autre dans son âme. Il frémit à l'idée des déchiremens intérieurs que peut amener la moindre scission. Sa détermination individuelle, après tout, n'est pas de nature à fortifier le parti de celui qui, d'avance, par tous ces artifices, s'est assuré du dévouement du soldat. D'après tout ce qu'il voit autour de lui, d'après tout ce qu'il entend, la masse entière de la nation lui paraît ébranlée.

» L'aveuglement où il est réduit est d'autant plus complet, qu'aucune nouvelle de Paris ne vient lui dessiller les yeux.

» Son adhésion désormais n'est plus qu'une vaine forme qui ne peut compromettre que lui. Un officier général de plus ou de moins n'est plus rien pour Buonaparte la suite a bien prouvé que. Buonaparte, pour ses projets et pour ses plans, n'avait effectivement pas besoin de lui; elle a prouvé aussi le maréchal a cédé sans aucune vue ambitieuse.

que

>> Ah! sans doute elle a été bien grave l'erreur qui a précipité le maréchal Ney vers cette fausse démarche; non qu'elle ait rien ajouté aux forces de l'usurpateur qui a su les attirer à lui, au point de pénétrer jusque dans la capitale, sans tirer un seul coup de fusil; mais parce qu'elle a signalé en lui un amour mal-entendu de la patrie; mais parce

qu'elle semble avoir été le résultat d'une délibération dont il était incapable.

» Qui a pu de bonne foi lui attribuer un moment cette proclamation qu'il avait reçue toute rédigée, dont le style seul ne décèle que trop l'extravagant auteur? Les agens qui la lui remirent ont-ils fait autre chose que d'atteindre le but familier de la perfidie de leur commettant, de compromettre ceux dont le mérite personnel lui portait ombrage? Est-ce cette proclamation, devancée par tant d'autres, accompagnée de tant de jongleries politiques, qui a valu à Buonaparte un soldat de plus, qui lui a fait gagner un pouce de terrain ?

» Non, assurément : que l'on cesse donc d'y voir aucune profession de foi de la part du maréchal Ney, et dans sa publicité aucun acheminement réel pour Buonaparte vers le terme de son usurpation; le maréchal, dans cette position qui n'eut jamais d'exemple, fut subjugué par des illusions; mais il ne fut pas gagné dans le sens des traîtres.

» Rien ne le démontre mieux que la conduite qu'il a tenue bientôt après ce fatal moment d'erreur.

>> Ce n'est ni en esclave, ni en courtisan, qu'il aborde Buonaparte: celui qui jamais n'avait encensé l'idole, alors que tant d'adulateurs lui dressaient des autels; celui qui, plus qu'aucun autre, à Fontainebleau, avait contribué à lui faire abdiquer le

rang suprême, alors qu'il le retrouve aspirant seulement à y remonter, n'ira pas fléchir humblement genou devant l'usurpateur.

le

>> Avant de se rendre à Auxerre, le maréchal rédige à la hâte une longue série de griefs dont Buonaparte devra entendre la lecture: il débute par les qualifications les plus dures et les reproches les plus amers.

« Je ne suis pas venu vous rejoindre, lui dit-il » en substance, par considération, ni par attache»ment pour votre personne. Vous avez été le ty>> ran de ma patrie; vous avez porté le deuil dans >>> toutes les familles et le désespoir dans plusieurs; >> vous avez troublé la paix du monde entier, etc. » Jurez-moi, puisque le sort vous ramène, que >> vous ne vous occuperez à l'avenir qu'à réparer les » maux que vous avez causés à la France; que vous >> ferez le bonheur du peuple....... Je vous somme » de ne plus prendre les armes que pour mainte>> nir nos limites, de ne plus les dépasser pour aller » tenter au loin d'inutiles conquêtes, etc. A ces » conditions, je renonce à contrarier vos projets; »je me rends pour préserver mon pays des déchi>> remens dont il est menacé, etc., etc. »

>> Plusieurs personnes onteu connaissance de cette pièce avant qu'elle fût lue et remise: elles sont en état d'en certifier le contenu substantiel.

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