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par son approbation et par son silence, l'audace de l'usurpateur ?

» Si les adresses des autorités civiles et militaires, si la députation du Champ-de-Mai ne représentent que le vœu d'une minorité, de quoi peuton se plaindre au nom d'une majorité apathique qui ne s'est montrée qu'après la bataille de Waterloo ?

>>> Serait-il juste de juger la moralité de l'action d'un homme par les événemens postérieurs à cette action, événemens qui ont changé tout-à-fait la position où chacun s'est trouvé au moment de l'orage?

>> Serait-il sage de s'armer en temps de paix d'une rigueur dont on pourrait regretter les effets en cas de guerre?

>>> La postérité, qui est toujours équitable, parce qu'elle est sans passion, ne s'éleverait-elle pas contre un arrêt trop sévère? Et si le maréchal Ney succombait, la muse de l'histoire ne graverait-elle pas sur sa tombe cette épitaphe réparatrice : Ci gisent vingt-cinq ans de gloire et un jour d'erreur?

» L'homme obscur qui soumet ces questions au public impartial, n'a jamais été jacobin, et n'a pas eu besoin de changer de rôle pour prouver son attachement à l'auguste dynastie que la Providence nous a rendue. Libre de toute reconnaissance en

vers Napoléon, qui l'a cruellement persécuté, il n'aspire pas à même être connu de ceux qui dispensent les faveurs du gouvernement actuel; ami de la patrie et du Roi, qu'il a eu le bonheur de ne jamais offenser, qu'il est prêt à servir avec un entier dévouement, il propose ses doutes sur une affaire que chacun voit à sa manière, et qu'il importe de juger sans passion.

» Heureux si cette série de questions, auxquelles on pourrait en ajouter d'autres, excite l'intérêt ou la sensibilité des hommes qui peuvent influer aujourd'hui sur les décisions de l'autorité suprême, et par conséquent sur les destinées de la patrie! » (Cette pièce n'était pas signée. j

Question préjudicielle dans l'affaire de M. le maréchal Ney.

Personne ne peut être POURSUIVI ni arrêté que dans les cas prévus par la loi, et DANS LA FORME QU'ELLE prescrit. (Art. 4 de la Charte.)

» La Charte constitutionnelle est la foi fondamentale de l'état; elle détermine tous les pouvoirs; elle assure tous les droits; elle garantit toutes les libertés; elle n'oblige pas seulement les citoyens, .elle engage aussi le Monarque; elle oblige même ses successeurs (1).

(1) Voyez le préambule de la Charte, et son art. 74.

» S'il est du devoir de tous de s'y conformer il est du droit de chacun d'en invoquer les dispositions tutélaires; et il est permis de le faire avec une confiance d'autant plus entière, que le prince qui règne sur nous déclare lui-même, dans les actes de son gouvernement, qu'il VEUT conserver scrupuleusement à ses sujets les droits que cette Charte leur assure (1).

>> Le même scrupule est dans le vœu de ses ministres ; et l'un d'eux s'est glorifié, à juste titre, de ce que Sa Majesté, en lui remettant les sceaux de l'état, y avait mis pour condition qu'il ne s'en servirait que pour sceller des lois et des actes conformes à la Charte (2).

>> Nous ne remplissons donc pas seulement l'office de défenseurs de M. le maréchal Ney, mais aussi le devoir de bons et de fidèles sujets que nous sommes (3), en réclamant l'observation scrupuleuse de la Charte, et en soutenant que, dans aucun cas, il ne peut être apporté de modifi

(1) Ordonnance du 6 septembre 1815, concernant le sieur Lavalette.

(2) Circulaire de M. Barbé-Marbois, du 2 octobre 1815. (3) « Ceux-là seuls qui aiment la Charte, aiment vraiment le Roi.." (Ordonnance du 9 mars 1815, Bulletin n°. 91.)

cation que d'après les formes constitutionnelles (1).

>>> C'est dans cet esprit que nous avons prétendu

que

M. le maréchal Ney n'était pas justiciable d'un conseil de guerre, et qu'il était fondé à demander son renvoi devant la chambre des pairs, pour y être jugé conformément à la Charte constitutionnelle (2).

>>> Cette exception déclinatoire a été accueillie par le conseil de guerre ; la décision de ce conseil n'a donné lieu à aucun recours, soit en révision, soit en cassation; elle est aujourd'hui passée en foree de chose jugée. Il y a mieux, la conformité de cette décision avec la Charte ayant été reconnue par les ministres (3), une ordonnance en date du 11 novembre 1815, a décidé qu'en effet la chambre des pairs était seule compétente pour connaître du crime imputé à M. le maréchal Ney.

(1) Ordonnance du 13 juillet 1815, sur la convocation des colléges électoraux.

(2) Voyez, 1o. la Consultation de M. Delacroix Frainville; 2°. celle de M. Dupin; 3°. le Plaidoyer de M. Berryer.

(3) « Le maréchal Ney est accusé de haute trahison : AUX TERMES DE LA CHARTE, c'est à vous qu'il appartient de juger ces sortes de crimes. » (Discours de M. de Richelieu à MM. les pairs.)

» Il restait encore à déterminer la procédure à suivre pour arriver au jugement.

>> Les ministres ne virent pas la nécessité de porter une loi sur cet objet; ils croyaient que les formes usitées pour les propositions de lois étaient assez solennelles et assez rassurantes pour juger un homme, quel que fût son grade ou sa dignité. Ils regardaient comme inutile de suivre la méthode des magistrats qui accusent en énumérant avec détail toutes les charges qui s'élèvent contre l'accusé; enfin, ils pensaient que la procédure tenue devant le conseil de guerre subsistait dans son intégrité, MALGRÉ l'incompétence et A CAUSE MÈME de l'incompétence prononcée (1).

>> Cette opinion des ministres fut combattue au nom de M. le maréchal dans une première requête, dans laquelle on établissait, au contraire, que l'instruction faite devant des juges déclarés et reconnus incompetens, était nulle et devait nécessairement être recommencée; que les formes mystérieuses employées dans la discussion des lois (2), ne pouvaient pas s'allier avec la publicité

(1), Voyez le discours des ministres, imprimé ci-après. (2) Charte, art. 32.

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