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» nous ne devrions jamais vouloir le faire et le > pratiquer autrement (1). »

» Aussi la Charte constitutionnelle, dont on ne peut trop admirer la profonde sagesse, a-t-elle posé, comme sauve-garde de la liberté individuelle, que «< personne ne peut être POURSUIVI ni >> arrêté que dans les cas prévus par la LOI, et » DANS LA FORME QU'ELLE PRESCRIT (Art. 4). »

Or, c'est en vain que nous cherchons, dans la législation existante, quelle est la forme prescrite par la loi, pour la poursuite des crimes dont la connaissance est réservée à la chambre des pairs.

» Si nous ouvrons le code d'instruction criminelle, nous voyons bien qu'il règle la procédure à suivre devant les tribunaux correctionnels, les cours d'assises et les cours spéciales; mais on n'y trouve rien sur la procédure à observer devant la chambre des pairs, par la raison toute simple, qu'à l'époque où ce code a été promulgué, la chambre des pairs n'existait pas encore, et qu'on ne prévoyait pas même qu'elle dût exister.

» Il est donc indispensable de régler cette procédure par une loi.

» Mais, dira-t-on, l'ordonnance du 12 novembre déclare que la procédure des cours spéciales

(1) Ayrault, loco citato, liv. 1, n. 13.

sera suivie devant la cour des pairs pour l'affaire de M. le maréchal Ney.

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» La réponse à cette objection est qu'une ordonnance n'est pas une loi ; et la preuve en est,. qu'une ordonnance n'est qu'un acte du gouvernement dont les ministres sont responsables; tandis qu'une loi est l'ouvrage «< de la puissance législative

qui s'exerce collectivement par le Roi, la >> chambre des pairs, et celle des députés des dé»partemens.» (Charte, art. 15.)

» On ne peut pas objecter que, suivant l'article 14, « le Roi fait les règlemens et ordonnances » nécessaires pour assurer l'exécution des lois. >>

» Il ne s'agit pas ici d'un simple règlement pour l'exécution d'une loi; il s'agit de la loi elle-même.

» En effet, le code d'instruction criminelle est une loi, et s'il a fallu une loi pour régler la procé dure d'un tribunal correctionnel ou d'une cour spéciale, comment croire qu'il suffise d'un règlement pour tracer la procédure à observer devant la chambre des pairs? Une ordonnance serait impuissante pour changer la moindre forme de la procédure civile: une ordonnance serait à plus forte raison insuffisante pour changer la procédure en matière criminelle, puisque celle-ci est plus importante que celle-là.

» Vainement on dirait

que

l'ordonnance du 12

le

novembre ne créé pas une procédure criminelle; que cette procédure se trouve tout établie par code d'instruction criminelle; et que l'ordonnance la déclare seulement applicable aux accusés traduits devant la cour des pairs.

»Nous répondrions d'abord que c'est la même chose de créer une loi ad hoc pour un cas donné, ou bien de déclarer applicable dans telle circonstance, une loi qui a été faite pour un cas tout différent.

Ainsi, par exemple, si une ordonnance disait que la procédure des tribunaux correctionnels sera dorénavant observée devant les cours d'assises, il est évident que ce ne serait pas là un simple règlement fait pour assurer l'exécution du code d'instruction criminelle, et que ce serait, au contraire, un changement, une extension apportée aux dispositions de ce code:

De même donc, une ordonnance portant que la procédure des cours spéciales cessera d'être spéciale pour ces cours, et qu'elle devra être observée devant la chambre des pairs, n'est pas un simple règlement fait pour assurer l'exécution du code d'instruction; c'est une véritable loi dont l'effet est de modifier ce code, en étendant ses dispositions à des cas qu'il n'a point prévus.

>> Cela est d'autant plus vrai, que l'ordonnance

du 12 novembre ne dit pas que la procédure des cours spéciales sera suivie à la lettre devant la chambre des pairs; mais qu'elle y apporte des restrictions, et qu'elle y fait des changemens nécessités par la différence énorme qui existe entre l'organisation de ces cours et celle de la chambre des pairs.

» Ainsi, point de recours en cassation, soit pour l'appréciation de la compétence, soit sur la mise en accusation, soit pour le jugement préalable des nullités (1); enfin (et n'y eût-il que ce seul exemple, il suffirait), l'article 8 de l'ordonnance du 12 novembre contient une dérogation formelle à l'article 591 du code d'instruction criminelle.

» Cette ordonnance renferme donc des disposi→ tions législatives; elle est donc inconstitutionnelle; procéder en vertu de cette ordonnance, ce ne serait donc pas (comme le veut l'article 4 de la Charte), procéder dans la FORME PRESCRITÉ PAR

LA LOI.

>> En termes de droit, alors même qu'il ne s'agit que d'une simple interprétation de la loi, cette

(1) Voyez le Code d'Instruction criminelle, art. 567, 568, 570.-Il en est résulté, dans la procédure signifiée, plusieurs nullités qu'on proposera quand le moment en

sera venu.

interprétation ne peut être donnée que par le pouvoir législatif, suivant la règle si connue, ejus est interpretari, cujus est condere.

» A plus forte raison donc, s'il ne s'agit pas seulement de lever l'obscurité d'un texte, mais qu'il s'agisse de modifier la loi dans telle ou telle disposition, la modification ne peut pas être apportée par une simple ordonnance; il faut une loi..

» La Charte nous en offre plusieurs exemples, dans les articles 59, 65 et 68, qui sont ainsi

conçus :

» Art. 59. « Les cours et tribunaux ordinaires, >> actuellement existans, sont maintenus; il n'y » sera rien changé qu'en vertu d'une loi. ».

» Art. 65. « L'institution des jurés est conser»vée. Les changemens qu'une plus longue ex» périence ferait juger nécessaires, ne peuvent » être effectués que par une loi. »

» Art. 68. « Le Code civil et les lois actuelle» ment existantes, qui ne sont pas contraires à la » présente Charte, restent en vigueur jusqu'à ce qu'il y soit LÉGALEMENT dérogé. »

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» Il est donc évident, 1 . que la procédure établie exclusivement pour les cours spéciales, n'a pas pu être étendue à la chambre des pairs par l'ordonnance du 12 novembre; 2°. que cette or

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