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» majorité, plus une. Eh bien! vous faites done » un acte mixte, et qui participe de vos deux fonc»tions. Vous avez rejeté toutes les formes que » peut-être la justice, et certainement l'humanité » réclamait : la récusation et la forme silencieuse » du scrutin, qui, seule, peut garantir la li»berté des suffrages. On paraît délibérer ici » dans une convention libre; mais c'est sous les » poignards et les canons des factieux : je le pense. >> Daignez, citoyens, peser toutes ces considéra>>tions; c'est pour obtenir l'exécution de la loi » que je les présente ; c'est en faveur de la justice >> et de l'humanité que je demande, aux termes » de la loi, qu'il faille LES TROIS QUARTS des >> suffrages. >>

>> On n'eut aucun égard aux raisons de M. Lanjuinais; on passa à l'ordre du jour, motivé sur ce que tous les décrets de l'assemblée devaient être indistinctement rendus à la majorité absolue

seulement.

Qu'arriva-t-il ?

» Le résultat du scrutin fut que, sur 721 votans, 366 avaient voté pour la mort, 34 pour la mort avec des amendemens, 2 pour la peine des fers, et 319 pour la détention pendant la guerre, et le bannissement à la paix. En conséquence, la majo

rité n'étant que de 361 voix, le président a prononcé la peine de mort contre Louis.

» Ainsi cinq voix seulement décidèrent de cette affreuse condamnation.

» Les défenseurs de Louis parurent immédia

tement.

>> Ils remirent un écrit, signé de sa main, renfer mant son appel au peuple.

>> Ils ajoutèrent à cet acte des considérations sur la faiblesse de la majorité qui condamnait Louis.

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» Voici leurs discours (1):

» M. Desèze..... « Maintenant que nous venons

d'apprendre que le décret fatal qui a condamné >>> Louis à la mort n'a obtenu la majorité, sur les

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suffrages de la Convention, que de cinq voix, » et encore, peut-être, pourrions-nous réclamer » toutes les voix des membres absens, et penser >> qu'elles auraient pu être en sa faveur; per» mettez, soit comme défenseurs de Louis, soit >> comme citoyens, soit comme pétitionnaires, de >> vous observer, au nom de l'humanité, au nom de >> ce principe sacré qui veut que tout soit adouci, » que tout soit mitigé en faveur de l'accusé >> permettez-nous de vous dire que, puisqu'il s'est

(1) Moniteur du 21 janvier 1793, pag. 107..

» élevé des doutes si considérables parmi les >> membres de la Convention pour la ratification >> de ce jugement par le peuple, une circonstance si » extraordinaire mérite bien, de votre profond dé>> vouement pour ses intérêts, de votre amour pour >> lui, de votre respect pour ses droits, que vous >>> vous déterminiez volontairement à lui demander >> cette ratification; encore que vous sachiez que >>> >> les principes ne commandaient pas cette mesure.

Citoyens, nous n'ignorons pas que c'est par » un décret, rendu ce matin, que vous avez jugé » que la majorité de plus d'une voix suffirait » pour la validité du jugement que vous avez >> rendu; mais je vous le demande encore ici, au >> nom de la justice, au nom de la patrie, au nom » de l'humanité, usez de votre extrême puissance; » mais n'étonnez pas la France du spectacle d'un >> jugement qui lui paraîtra terrible, quand elle » considérera son étonnante minorité. »

.

>> M. Tronchet: « Nous pourrions vous dire » qu'il paraîtra peut-être inconcevable à quel>>ques personnes que le plus grand nombre de >>> ceux qui ont prononcé la peine terrible de la » mort, aient pris pour base le code pénal, et » qu'on ait invoqué contre l'accusé ce qu'il y a >> de plus rigoureux dans la loi; tandis que', de » l'autre, on écartait tout ce que l'humanité de

>> cette même loi avait établi en faveur de l'accusé. » Vous concevez, vous entendez que je dois vous » parler de ce calcul rigoureux par lequel la loi » exige les deux tiers des voix pour que l'accusé puisse être condamné. Mais je vous prie d'obser» ver que le décret que vous avez rendu ce matin » n'est pas un véritable décret ; que vous n'avez fait » que passer à l'ordre du jour sur des observations » très-légères qui vous ont été faites, et que nous >>>> croyons devoir nous permettre, par les sentimens » qui sont dans nos cœurs, par l'obligation sacrée >> dont nous sommes chargés, et que nous som-* » mes obligés de remplir; nous osons nous croire >> autorisés à vous observer que, quand il s'agissait » de déterminer quelle devait être la majorité et » la force du calcul des voix, une affaire aussi >> importante que celle-là méritait d'être traitée » par un appel nominal, et non pas par un simple » passé à l'ordre du jour ; et c'est ainsi qu'en qua»lité de citoyens, de pétitionnaires, nous osons » vous demander, comme on l'a fait quelquefois » quand on se croyait lésé par quelqu'un de vos » décrets, nous osons vous demander de rappor»ter ce décret, sur lequel vous avez passé à l'ordre » du jour sur la manière de prononcer touchant » la personne de Louis. »

Lamoignon-Malesherbes. -« Citoyens, je

» n'ai pas, comme mes collègues, l'habitude de » la parole; je n'ai point, comme eux, l'habitude » du plaidoyer.

» Nous parlons sur-le-champ sur une matière >> qui demande la plus grande réflexion. Je ne suis >> point en état d'improviser sur-le-champ; je ne >> suis point capable d'improviser tout de suite..... » Je vois avec douleur que je n'ai pas eu un mo»ment pour vous présenter des réflexions capables >> de toucher une assemblée.... Oui, citoyens, sur >> cette question: Comment les voix doivent-elles » étre comptées ? j'avais des observations à vous » présenter... ; mais j'ai, sur cet objet, tant d'idées » qui ne me sont suggérées ni par l'individu, » ni par la circonstance.... Citoyens, pardonnez

à mon trouble.... Oui, citoyens, quand j'étais » encore magistrat, et depuis, j'ai réfléchi spé» culativement sur l'objet dont vous a entretenus >> Tronchet. J'ai eu occasion, dans le temps que » j'appartenais au corps de la législation, de pré>> parer, de réfléchir ces idées. Aurais-je le mal» heur de les perdre, si vous ne me permettez pas » de les présenter d'ici à demain ? >>

>> Ces illustres avocats eurent pour adversaires Robespierre et Merlin. Robespierre leur opposa, comme fin de non recevoir, le décret même contre lequel ils réclamaient,

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