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>> Merlin entreprit de réfuter M. Tronchet; mais, par quels sophismes? On en va juger.

Je demande qu'au moins la Convention natio>>nale n'accorde pas les honneurs de l'ajournement » à une erreur grossière qui a été avancée à cette >> barre par le citoyen Tronchet, et qui a été » répétée par Guadet (et son erreur est d'autant plus dangereuse, et elle mérite d'autant plus » d'être relevée, qu'elle a plus de consistance par » les lumières de son auteur). Le citoyen Tron>>chet vous a dit que, d'après le code pénal, il » fallait les deux tiers des voix pour appliquer la >> peine ; je dis que c'est une erreur. Non pas le » code pénal, mais la loi sur les jurés, distingue le » jugement des faits d'avec le jugement sur l'ap>>plication de la peine pour la déclaration du fait, » La loi exige, non pas les deux tiers des voix, » mais dix sur douze, ou douze sur quinze » pour condamner; au lieu que, lorsqu'il s'agit » d'appliquer la peine, la loi exige, lorsqu'il y a >> quatre juges, trois sur quatre, et lorsqu'il y a » cinq juges, trois sur cinq. Voilà la loi textuellement; et j'en suis d'autant plus sûr, que je » l'ai pratiquée moi-même pendant neuf mois. » L'allégation de Tronchet tombe d'elle-même. » >> Disons plutôt que l'argumentation de Merlin est d'une insigne mauvaise foi. Il est évident que

sa distinction entre les jurés et les juges était fausse dans l'espèce, puisque la Convention s'arrogeait les deux pouvoirs à la fois. Il est évident surtout que, même en admettant cette proportion fixée pour les juges, savoir: trois sur quatre qu trois sur cinq, il n'en résultait pas que la simple majorité d'une voix pût décider du sort de l'accusé; il en résultait qu'il fallait les trois quarts ou les trois cinquièmes des voix pour la simple application de la peine à un fait qui, dans le vœu de la même loi, avait d'abord dû être déclaré constant par la déclaration de dix jurés sur douze.

>> Reste donc, pour incontestable, l'opinion émise par MM. Lanjuinais, Desèze, Tronchet et Malesherbes.

» Venons maintenant à notre espèce, et supposons que MM. les pairs sont au nombre de deux cent un; que cent votent pour la peine de mort, et cent pour toute autre peine, ou pour le renvoi de l'accusation : serait-il juste que la vie de l'accusé dépendît d'une seule voix ?

>>> Les conseils de M. le maréchal n'entendent ici fixer aucune proportion: à défaut de loi qui soit particulièrement applicable à la chambre des pairs, ils se sont contentés de rapporter les autorités et les lois qui excluent le système de condamnation à la simple majorité d'une voix.

» La sagesse et l'impartialité de MM. les pairs

feront le reste.

DEUXIÈME QUESTION.

Ceux d'entre MM. les pairs qui sont absens, pourront-ils voter par procuration ?

» Cette question a été agitée à la chambre des pairs. Les journaux disent qu'elle a été ajournée; donc elle est encore indécise. Il ne nous appartient pas de la résoudre; máis, sans alléguer ici l'usage de l'Angleterre, qui n'est pas encore devenu le nôtre sur ce point, nous nous contenterons de citer une autorité qui nous est propre, et qui, à ce titre, nous paraît devoir faire plus d'impression.

» Lorsque Charles VII voulut faire faire le procès au dục d'Alençon, il consulta le parlement de Paris sur plusieurs questions que faisait naître ce procès, et entre autres sur celle-ci, qui est la cinquième :

<< Veut savoir le Roi si les douze pairs de >>>-France doivent être présens au jugement, ɔu » s'il suffit de les appeler, jaçoit qu'ils n'y vien» nent; et, s'ils n'y viennent, si ceux qu'ils enver>> ront doivent être reçus à assister au jugement » dudit procès pour et au nom d'eux.

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>> Semble qu'ils y doivent être appelés ; et,

s'ils

» y viennent, doivent être présens à assister audit procès; et, s'ils n'y viennent, le Roi ne doit >> surseoir de procéder audit procès pour leur ab» sence; et, s'ils envoient aucuns pour être pré» sens audit procès pour eux et en leur absence, >> semble qu'ils n'y doivent être reçus; car ils >> y sont appelés et y peuvent être présens pour

l'autorité, dignité et prérogatives de leurs per>> sonnes et seigneuries, en quoi ils ne doivent » ni ne peuvent subroger autres en leurs lieux, >> et ne se trouve point qu'ès procès dessus » dits, autrement ait été fait. » (Voyez dans les archives du parlement, tome XIX des ordonnances, commençant le 19 avril 1458, et finissant en septembre 1461, la pièce intitulée : CONSULTATION faite au parlement, par Charles VII, sur diverses questions relatives au duc d'Alençon. )

TROISIÈME QUESTION.

Opinera-t-on à haute voix ou par scrutin secret?

de

« C'est encore une question que les conseils de M. le maréchal Ney n'entreprennent pas décider.

» >> On emploie la voie du scrutin secret pour voter l'adoption ou le rejet des lois.

>>> Ce mode semble garantir davantage l'indépenpendance des opinions.

>>> Mais il exclut toute discussion; il ne peut porter que sur le oui ou le non, et n'admet ni explication ni modification.

>> Il nous suffit d'appeler les méditations de MM. les pairs sur ces trois questions. Ils en sentiront toute l'importance, non-seulement pour le procès actuel, mais pour les procès à venir.

Ad te post paulò ventura pericula sentis? Nam tua res agitur, paries quùm proximus ardet. >> Paris, ce 30 novembre 1815.

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Effets de la convention militaire du 3 juillet 1815, et du traité du 20 novembre 1815, relativement à l'accusation de M. le maréchal Ney.

« Après la bataille de Waterloo, la fuite de Buonaparte et son abdication, l'armée française s'était ralliée sous les murs de Paris, bien décidée à s'y défendre, et à vendre chèrement sa vie à ceux qui oseraient l'attaquer dans ses lignes.

» Mais bientôt quelques hommes sages cherchèrent à ébranler cette résolution, en représen

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