Page images
PDF
EPUB

blesse. Pouvais-je oublier qu'il obéit à tous les gouvernemens établis, plutôt avec trop de promptitude qu'avec lenteur, avec cet élan de l'enthousiasme guerrier qui admettait dans tous le principe de l'ordre, la conservation de ce qui constitue la patrie ? Pouvais-je oublier qu'à travers des explosions qui parurent un moment le séparer du souverain, ce fut ce sentiment national qui le domina?

>> J'ai donc dû, dans mes observations premières sur ce procès trop fameux, faire entrer en première ligne l'autorité des formes.

>> Ce crime capital, d'avoir trahi le roi dans la journée du 14 mars dernier, imputé au maréchal Ney, pair de France, de la nomination royale, prince, grand dignitaire, du corps illustre des maréchaux, soulevait, par sa seule articulation, 'une foule de questions d'ordre public supérieur. - Questions de la sûreté individuelle de chacun en matière criminelle. - Questions sur la nature des débats qui devront s'ouvrir. - Questions sur les droits consécutifs et inviolables des diverses dignités, dont l'accusé était ou est encore revêtu; dignités qui ne sont pas d'une vaine institution, et qui forment autant de colonnes de l'édifice monarchique.

» A des objets de délibérations déjà si imposans,

H

[ocr errors]
[ocr errors]

viennent se joindre, dans l'intérêt particulier de la situation du maréchal Ney, des exceptions d'une classe non moins relevée, et dont la principale sera d'examiner si des paroles les plus récentes émanées de tant de souverains, si de celles données surtout par le prince auguste qui nous gouverne sous le titre religieux de Majesté TrèsChrétienne, il ne résulte pas que toute action criminelle sur les événemens auxquels le maréchal a plus ou moins participé avant juillet dernier, soit désormais éteinte, et, à son égard, hors de toute poursuite légalement praticable?

» S'il y a crime qui appelle la flétrissure, lá dégradation ou toute autre peine, dans la démarche, trop aveuglément précipitée sans doute, d'un chef qui s'est trouvé la troisième victime de la défection des troupes, d'un général sans armée, et de plus sans instruction depuis la pénible retraite de Lyon; d'un commandant sans force obéissante, ou plutôt réduit à la désespérante condition de n'en pouvoir comprimer les flots tumultueux ?

i » Et dans la recherche du fait réputé criminel, quel doit être le mode d'investigation des circonstances dont il fut précédé et accompagné; quelle appréciation des motifs qui y ont porté, des causes qui l'ont rendu inévitable? - Quelles règles de décision, surtout, on doit se faire, ou de la simple

matérialité de l'action, ou de l'intention qui la fit commettre, et qui, sans la sauver de tout reproche, l'affranchit du moins de criminalité?

» Voilà, Messieurs, en aperçus très-sommaires, les différens points de vue sous lesquels cette trop malheureuse affaire s'est offerte à mes méditations et à ma conscience.

» De quoi le maréchal Ney est-il accusé? Du crime de haute trahison contre la France, contre le Roi, contre son gouvernement.

manent.

>> Ce texte seul, dans son effrayante intensité, repousse à jamais l'intervention de tout conseil de guerre indistinctement. Conseil de guerre perConseil de guerre extraordinaire. Commission militaire; sous quelque dénomination qu'ils apparaissent, je les décliné tous. J'en décline, non pas les membres, mais l'insti

tution.

Vous avez maintenant, Messieurs, tout le système fondamental de ce déclinatoire. Vous en découvrez tout le dessein : je dois m'attacher à vous en développer soigneusement toutes les parties.

» Loin de moi, loin de vous, Messieurs, l'idée de le confondré avec une récusation proprement dite! Dans les combats judiciaires, l'incompétence du tribunal saisi est un moyen de la défense; la récusation du tribunal entier, pour cause de sus

picion légitime, ou de l'un de ses membres pour cause de prévention, en est un autre.

› Respectueuse dans son apparition, sage dans sa route, utile dans son but, qu'est-ce que l'exception déclinatoire ?

» L'exception déclinatoire n'est autre chose que la dénégation faite au juge de sa puissance; c'est la méconnaissance de son caractère public ou juridictionnel; c'est la demande à fin de vérification des pouvoirs qu'il a reçus, et dont il est prêt à user.

>>> Mais c'est souvent, au criminel surtout, et Jorsqu'il s'agit de se soustrain à la tranchante méthode des tribunaux extraordinaires ou spéciaux, c'est souvent l'arme défensive la plus sûre, et qui, comme une égide, plus d'une fois garantit à l'innocence l'invulnérabilité. La loi l'environne d'une telle faveur, qu'elle la déclare préjudicielle, c'està-dire, qu'elle en prescrit l'examen, indépendamment de tous indices de culpabilité, et que régulièrement elle enjoint à ceux qu'elle délégue pour la répression de certains crimes déterminés, de rendre, par admission ou par rejet, jugement ad hoc sur leur compétence, avant qu'ils puissent s'immiscer en aucune connaissance du fond des accusations.

>> De cette scrupuleuse formalité dépend, pour les juges, la vérification de leur capacité active et publique; pour l'accusé, la conviction que la qua

lité spéciale du délit dont il est prévenu se trouve invariablement fixée, et que c'est contre une instruction plus rapide et moins indulgente qu'il doit se prémunir.

>> Ces premières déductions des règles de la justice criminelle, je le sens, ont déjà une aspérité qui peut être importune à des courages bouillans, à des âmes fortes, que les grandes choses seules sont en possession d'attacher et de soutenir. Mais c'est une grande chose aussi que la mission de juger les hommes, de prononcer sur l'existence de son semblable, loin du siége de la mêlée; et lorsque le glaive de Bellone s'échange contre celui de Thémis irritée, la moindre étincelle qui jaillit aux yeux du magistrat guerrier, est un feu sacré que recueille son âme ardente et généreuse.

[ocr errors]

>> Bannissons donc toute crainte de lassitude ou de répugnance, en arborant, comme nous devons le faire, dans cette arène peu battue où nous entrons, l'étendard des principes positifs, et en marchant sous la bannière des formes protectrices.

» Est-il, après tout, de plus nobles souvenirs à retracer pour la France, que ceux de l'ordre antique, immuable, de ses juridictions, des pairies, de l'institution des maréchaux?

» Ici commence, Messieurs, la discussion plus directe des deux actes de l'autorité qui ont traduit

« PreviousContinue »