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>> 2°. Dans les poursuites de crimes d'état, la chambre des pairs (substituée aux anciens parlemens) sera exclusivement saisie; et c'est une garantie de plus que vous obtenez dans cette noble entremise de la première corporation du royaume.

» 3°. Le roi renonce aussi saintement que l'ont fait ses aïcux sur les saints Évangiles, au jour de leur sacre, à la funeste création de tous tribunaux extraordinaires ou de commissions. Il avertira même du rétablissement des juridictions prevôtales, s'il est jugé nécessaire.

» Il faudrait, certes, prêter à S. M. une résolution bien prononcée de mutiler son propre ouvrage, pour croire qu'elle ait voulu investir un conseil de guerre du pouvoir de juger identiquement le même fait de haute trahison, constitutionnellement dévolu à la chambre des pairs.

>> Mais j'entends les partisans de la compétence militaire, pressés par l'évidence, imaginer des faux-fuyans, et me dire:

« Le Roi, par l'art. 4 de son ordonnance da » 24 juillet, a déclaré qu'il dérogeait, pour ce cas (les événemens de mars), aux lois constitution>> nelles.

» Le Roi a pu y deroger, d'autant que l'art. 14 » de la charte lui reconnaît la puissance de faire » les règlemens et ordonnances nécessaires pour

» l'exécution des lois et la sûreté de l'état ; » d'autant que, dès le 6 mars, S. M. avait usé de >> ce pouvoir contre les complices de Napoléon. » D'ailleurs, S. M. a parlé; son ordonnance >> subsiste; elle doit recevoir son exécution. »

» Messieurs, je n'ai rien dissimulé de l'objection puisée dans l'ordonnance royale; voici mes ré

ponses:

» Je ne crois pas d'abord qu'il soit dans l'ordre des convenances, quand nous ne recherchons que ce que le Roi a voulu, ce qu'il s'est proposé, de s'appesantir ni sur ce qu'il a pu faire, ni sur la mesure prise dès le 6 mars, ni sur ce que l'ordonnance discutée est entière.

» Ce sont là, j'ose le dire, d'inconséquentes divagations, ou des fins de non-recevoir abusives, que la grande âme et l'esprit supérieur du prince désavoueraient également.

» Qu'il nous suffise d'observer que S.M., non moins généreuse que ses prédécesseurs, s'est ellemême soumise à l'empire de sa loi constitutionnelle; que, de plus qu'eux, elle a scellé avec ses peuples le nouveau pacte qui, pour régler des compétences nouvelles, exige le concours des deux chambres.

» Disons, sur l'art. 14 de la charte, qu'en abandonnant à la seule puissance du Roi la confection

des règlemens et ordonnances nécessaires pour l'exécution des lois et la sûreté de l'état, cet article 14 n'a fait que l'investir de toute la plénitude du pouvoir exécutif ; qu'il ne se peut que dans un recueil de constitutions où toutes les parties ont été mises en balance et des limites fortement posées, il existe un moyen, même spécieux, de tout désassembler et de tout franchir.

» Pourvoir à la sûreté de l'état, voilà le domaine réservé du souverain qui commande; mais ce n'est pas dire que, pour y pourvoir, encore moins après

y

avoir pourvu, il pourra seul intervertir l'ordre des juridictions, créer des juges spéciaux, on dénaturer les attributions des juges ordinaires.

» S. M. a usé de son droit le 6 mars, en prenant les précautions que comportaient l'urgence et la gravité des incidens d'alors; et ce n'est pas après six mois de la crise cessée que l'on peut venir exhumer, comme encore coërcitives, ces mesures transitoires.

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>> Revenant donc à l'examen de l'ordonnance du

24 juillet, considérée privativement ; j'avoue, Messieurs, qu'il m'est difficile d'y apercevoir l'ombre d'intention d'y régler souverainement la compétence des conseils de guerre en fait de crimes ď'état; la vôtre surtout, Messieurs, telle que l'a

organisée l'arrêté de S. Exc. le ministre de la guerre. du 50 août dernier.

» Je m'explique:

» Quelque prépondérance que l'on accorde à cet acte de l'autorité royale, il sera toujours vrai de dire que c'est l'acte d'une partie plaignante, accusatrice, intéressée, poursuivante dans sa propre cause, et qui n'a pu, par cela seul, rien y juger ni préjuger.

» Ce sera, si l'on veut, si l'on veut, dans le vocabulaire des tribunaux criminels, l'ordonnance de tradition ; » Ce sera l'acte d'accusation a;

» Ce sera le mandat d'arrêt, ou l'ordonnance de prise de corps;

» Ce sera le règlement ordonné d'office du procès à l'extraordinaire, comme procès au grand criminel:

» Mais ce ne sera jamais un jugement de compétence rendu sur le vu de pièces et la chambre

assemblée.

>> Ce peut être d'autant moins une décision sur la compétence qui exclue le déclinatoire, que le titre seul de l'action ou de l'attaque l'aurait déterminée.

>>> Et ne sait-on pas que la plainte isolée, articulant l'existence du crime, n'en constitue pas elle-même encore la prévention légale; qu'il faut qu'elle soit

appuyée du moins, et qu'elle naisse, cette prévention, d'indices assez graves ?

» Ne sait-on pas que jusqu'à la mise en accusation, tout accusé a le droit de proposer les nullités, les exoines, les demandes en renvoi à un autre tribunal, soit à raison de la nature ou du lieu du délit, soit à raison du statut personnel, ou de la dignité, ou du domicile, soit enfin à raison de la composition irrégulière du tribunal saisi; ou de toutes autres exceptions, telles que la prescription ou l'extinction de la peine?

» Ne faisons pas au meilleur des princes l'injure de supposer qu'il ait voulu priver un accusé de la classe du maréchal Ney de tous ces secours de la loi à la fois ; qu'il ait eu l'inhumaine pensée, lui le plus humain et le plus digne des mortels, de décider, dans une procédure illégale, intolérable contre un pair de son choix, contre un maréchal de France, recommandé par de grands services, du sort d'un accusé.

>> Observons avec quelle honorable franchise S. M. elle-même, depuis son ordonnance publiée du.24 juillet, en a donné, la première, l'interprétation à la fois la plus sûre et la plus salutaire, dans l'intérêt de M de la Valette qui s'y trouvait mal à propos compromis et confondu.

« Et voulant (a-t-elle dit en son ordonnance

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