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procès célèbres, tous intentés à divers pairs de France au grand criminel, tous portés et jugés au parlement de Paris, les pairs y séant, dans le même intervalle de quatre siècles, depuis Robert, comte Flandres, en 1311, jusqu'au duc d'AiguilJon, en 1777! fécondes nomenclatures qui fixent à la fois ce point de notre législation et de la jurisprudence ancienne.

>> Il est vrai, comme Vattel s'en plaint, que des ministres vindicatifs, surprenant la religion de nos rois, ont essayé quelquefois de toucher à l'arche sainte. L'écrit du maréchal Ney, loin de dissimuler ces entreprises passagères, les a toutes exactement relevées, parce que l'issue de toutes fut en dernière analyse le triomphe du principe.

» Ainsi, Réné d'Alençon, en 1482, dut à son titre de pair d'avoir contenu la passion des commissaires qui lui avaient été nommés.

Ainsi, en 1633, le parlement de Paris, entérinant, pour le duc de Bellegarde, des lettres d'abolition sur le procès qui lui avait été intenté à Dijon, supplia le Roi, par son arrêt d'enregistrement, de maintenir sa cour de parlement en ses priviléges de juger seule les pairs.

» Ainsi, en 1643, le duc d'Elbeuf, poursuivi de même à Dijon, sous prétexte de la même conspiration, obtint du parlement de Paris un arrêt

d'annulation des procédures, comme faites au préjudice des priviléges des pairs.

>> Dans la même année 1643, le même parlement de Paris, ayant à vérifier les titres de l'héritière du duc de Montmorency, condamné au parlement de Toulouse, déclara qu'elle le faisait «< sans ap>> probation de ce jugement, le feu sieur de Mont>> morency, en qualité de pair, n'ayant dû être » jugé qu'au parlement de Paris. »

>> Et dans l'affaire du duc de la Vallette, où tant de magistrats courageux avaient résisté à ce que des commissaires du conseil le jugeassent par contumace, le même parlement de Paris, purgeant la contumace, annula tout ce qui avait été fait au conseil, et acquitta le duc.

» Ce

que ces exemples démontrent simultanément, Messieurs, c'est que la cour, instituée comme cour des pairs, comme juge, n'eut pas moins de sollicitude que ses justiciables pour défendre le grand privilége de la pairie.

>> Je m'arrête, Messieurs, l'âme tout émue, à la vue de ces antiques monumens de la grandeur française, de la sagesse qui les érigea comme bases nécessaires de l'élévation et de la perpétuité du trône, à ces admirables efforts de la constance, et surtout du courage de tant de magistrats pour les consolider d'âge en âge.

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Et quelle preuve plus authentique et plus puissante de leur impermutable utilité, le digne successeur de tant d'augustes princes pouvait-il nous donner, que sa charte régénératrice, où la pairie reparaît si imposante et si forte à sa renaissance ? Quel témoignage plus patent de l'influence que S. M. accorde au jugement de la pairie, que cette restitution immédiate du droit de juridiction uni verselle sur les crimes d'état, et de juridiction intérieure sur tous ceux que ses membres pourraient commettre?

>> Sans se laisser aller à aucune crainte de la trop longue interruption de cette compétence, ou des diversités d'opinions créées par des chances contraires ou par des répartitions inattendues des faveurs primitives; certain que des hommes sur lesquels il faisait tomber son choix, en quelque rang qu'il les eût pris, ne pourraient être animés que de l'ardeur du bien public, ni recevoir d'alarmes, ni combattre entre eux, que pour les vrais intérêts de l'état, le Roi, dans la largesse de ses dispensations, a placé dans la charte l'art. 34, ainsi

conçu : « Aucun pair ne peut être arrêté, que de l'au» torité de la chambre, et jugé qué par elle en

» matière criminelle. » »

>>> Tout commentaire est inutile sur un texte aussi clair. En matière criminelle ! L'attribution

est générique aucun genre de délit, aucune forme d'accusation n'en sont exceptés : d'ailleurs, ce ne serait point sur les crimes d'état qu'une restriction aurait pu porter, puisque déjà l'art. 33 venait d'en déférer la connaissance à la chambre des pairs, sans avoir égard à la condition des individus qui en seraient les auteurs.

>> Ferme sur ces pivots de la monarchie constitutionnelle, et parlant à cette mâle magistrature qu'un mot d'ordre inconnu appelle soudain pour en être les premiers défenseurs, je brave désormais, pour le maréchal Ney, tous les assauts du sophisme, tous les emportemens d'un faux zèle.

» Essaiera-t on, Messieurs, de vous persuader que, par une ordonnance préalable du Roi, datée du même jour que l'ordonnance d'envoi au conseil de guerre, le maréchal Ney, ayant été destitué de la pairie royale, par suite d'abdication présumée antérieure, il n'a plus le droit de revendiquer l'égide de la charte?

>> Cette insinuation, captieuse au premier coup d'œil, passée au creuset de la raison, de l'équité, de l'intérêt social et du droit, ne serait faite, Messieurs, ni pour vous séduire, ni pour vous ébranler.

» Elle partirait de ce point, que l'ordonnance d'exclusion de la pairie déclare, contre le maréchal

Ney, qu'il a fait démission, en acceptant le siége incompatible en la pairie de Buonaparte.

>> Je m'interdis ici toute controverse, comme jurisconsulte, sur les considérans de cette première ordonnance. Assez de fois déjà la voix de la défense s'est fait entendre ici contre les actes d'un pouvoir que je vénère autant que j'en conçois l'extrême utilité. Limitant ma réfutation dans les strictes bornes de la nécessité, je la réduis à ces deux

assertions:

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Qu'en droit, la démission, même écrite, n'affranchirait pas le maréchal Ney de la juridiction des pairs;

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Que, d'ailleurs, le fait de son antériorité ne conclurait rien sur le point de compétence qui nous divise.

peu

Et je justifie l'une et l'autre assertion en bien de mots.

>> Dans l'application à faire des lois proprement dites, dans celle des simples actes de la puissance exécutive, des lois civiles, et plus encore des lois pénales, on doit prendre pour boussoles deux principes également sauveurs pour le corps social entier, et pour chacun de ses membres dépouillés ou accusés.

» C'est à savoir, Messieurs, que la déchéance des droits civils, et de droits civils aussi sacrés

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