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>> Consolons-nous, Messieurs, de tant d'affligeantes pensées; l'objection qui les a soulevées, vient expirer confuse devant un dernier argument, qu'elle ne s'avisera pas sans doute de repousser. C'est l'acte de l'autorité royale, l'ordonnance accusatrice du 24 juillet, qui me le fournit : il est, Messieurs, plus particulièrement décisif pour vous. » C'est que le maréchal Ney y est accusé du crime de haute trahison: remarque maintes fois déjà faite, et que je ne saurais trop reproduire : c'est le crime de haute trahison n'est pas un délit militaire, et que, dans l'acception du Code militaire, il tombe dans la classe des délits communs qui sortent de la compétence des conseils de guerre; c'est enfin que la charte, révocatoire en cette partie de toutes attributions précédentes, l'attribue exclusivement à la chambre des pairs, art. 33.

que

TROISIÈME PROPOSITION.

La qualité de Maréchal de France.

>> Votre zèle pour la justice, Messieurs, votre libérale indulgence pour moi, les droits de l'accusé m'enhardissent à poursuivre la tâche que son choix a imposée à mon courage. Ce que j'en ai à parcourir en ce moment, Messieurs, est celle qui sourit le plus à mes efforts.

» Auguste ministère, qui réclamait un autre organe!

» Je vais parler des maréchaux de France,

» De leur noblesse personnelle,

>> De leur dignité acquise,

>> De leur patrimoine de gloire.

>>

Que votre modestie se rassure, Messieurs ; je ne parlerai que de vos aïeux d'adoption ; je ne parlerai que de ceux dont vos vertus militaires vous ont fait recueillir l'impérissable, l'immortelle hérédité. Ce sont vos inscriptions sur le registre sacré des destins que je vais reconnaître : j'en parlerai avec la précision que commande d'ailleurs leur nature; heureux, mille fois heureux, si j'en pouvais atteindre la sublimité!

» Nous avons parcouru, Messieurs, la France judiciaire et la France nobiliaire et ducale; maintenant revoyons la France guerrière, la France martiale, où plus d'un temple érigé au dieu des combats est remplacé, de nos jours, par des milliers d'autels.

>> Ma raison admire, mon jugement confirme cette brillante institution de la dignité des maréchaux de France, élevée au-dessus des grades militaires les plus éminens, accordée loin des caprices de la naissance, à cette dominatrice des générations, la valeur personnelles! à ces hauts faits

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d'armes, à cette longue suite, ou à cette importance occasionelle de services rendus à l'état au prix

du sang..

» Je me plais au milieu de ces casques brisés, dont la rupture atteste qu'ils couvrirent les plus généreux fronts; de ces magnifiques trophées qui m'avertissent de la présence d'une divinité, la Victoire; de ces manteaux drapés qui me rappellent la présence du vainqueur; de ces armures gigantesques qui semblent le protéger contre la mort. Mais je l'avouerai, Messieurs, je n'ai plus d'expression pour rendre ce qu'imprime à mon âme étonnée l'aspect subit du báton de maréchal de France.

>> Pour que le corps des maréchaux ait obtenu et conservé tant d'éclat, tant de vénération, il était nécessaire et naturel que les princes qui l'avaient créé l'environnassent de tout ce qui pouvait garantir son indépendance, et lui concilier en toute rencontre la considération et les hommages des peuples: la récompense, qui n'aurait consisté que dans des signes extérieurs, n'aurait pas protégé aussi dignement qu'elles devaient l'être, la personne, les propriétés, la famille, la race du maréchal de France.

>> On a dû, pour compléter l'œuvre de l'illustration, accorder aux maréchaux de grands priviléges; et c'est ce que le discernement de nos rois a réalisé

par maintes concessions. Ils les associèrent aux pouvoirs et prérogatives de la première charge de l'état, celle du connétable, dont ils furent d'abord les suffragans, et qu'ils remplacèrent ensuite, Ils les nommérent grands-officiers de leur couronne, et, comme tels, inamovibles. Ils les honorèrent du titre de cousins. Ils se firent accompagner par eux dans leurs lits de justice, avec droit de séance en la cour des pairs. Enfin, ils aliénèrent en quelque sorte à leur profit le droit de juridiction sur les gens 'de guerre au point que les maréchaux, possédant ce droit comme fief, à titre d'inféodation, en faisaient au Roi foi et hommage lors de leur prestation de serment.

» Vous avez eu, Messieurs, sous vos yeux, en forme de consultation délibérée par le chef de l'ordre des avocats de Paris, leur maître et leur modèle, une savante compilation de toutes les chartes, de toutes les ordonnances qui, dans le cours de huit cents ans, ont fondé la dignité de MM. les maréchaux, leurs éminens priviléges, leurs hautes prérogatives.

» Aurait-il pu se faire qu'un ordre mis au-dessus de tant d'autres dignitaires, rendant ou faisant rendre la justice en son nom, eût été exposé à voir ensuite ses membres isolés, assujétis à la juridiction ordinaire, descendre de leur tribunal pour

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être confondus dans les rangs des autres justiciables! Une telle inconséquence n'a pas pu échapper.

:

>> Aussi avez-vous vu que plus d'une fois le parlement de Paris a revendiqué les causes des maréchaux de France; et si des exemples plus nombreux'n'en ont pas été conservés, la raison en est tout honorable c'est que, parmi les braves, l'honneur étant le premier guide des actions, celles des maréchaux furent toujours calquées sur ses lois, et que dans l'immense intervalle de buit cents ans, il n'en est qu'un très-petit nombre qui aient démérité.

>> Entre maréchal de France et artisan de trahison, il y eut toujours incompatibilité.

» A une époque ennemie des dignités et des priviléges, le corps des maréchaux de France fut dissous.

» Rétabli en l'an 12, sur quel pied l'a-t-il été ? » Je citerai ici, comme conservant en cè point son autorité, le sénatus-consulte de floréal an 12, quoique abrogé dans la plupart de ses dispositions, parce que celles constitutives du titre et des prérogatives de MM. les maréchaux ont été virtuellement conservées par la charte constitutionnelle.

» L'art. 69 porte: « Les militaires en activité » de service, les officiers et soldats en retraite, » les veuves, les officiers et soldats pensionnés

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