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de la cour, mais où jamais peut-être ni le roi ni la reine n'avaient mis le pied.

Le roi regarda la comtesse avec étonnement. Non, madame, dit-il, c'est une prière que

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Weber visita les appartements, et, connaissant le roi vous fait. les habitudes du roi et de la reine, il choisit celui qu'habitait la comtesse de la Marck et celui de MM. les maréchaux de Noailles et de Mouchy.

L'occupation de cet appartement, qu'abandonna aussitôt madame de la Marck, eut son bon côté c'est qu'il se trouva tout prêt pour recevoir la reine, avec ses meubles, son linge, ses rideaux et ses tapis, que Weber acheta.

Vers dix heures, on entendit le bruit de la voiture de Leurs Majestés qui rentraient.

Tout était prêt, et, en courant au-devant de ses augustes maîtres, Weber cria :

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Le roi est servi.

Oh! que ce Weber est un homme de ressources! dit le roi avec une exclamation de joie. Madame, vous lui direz de ma part que je suis très content de lui.

Je n'y manquerai pas, sire, dit la reine. Et, avec un soupir qui répondait à l'exclamation joyeuse du roi, elle entra dans la salle à 'manger.

Les couverts du roi, de la reine, de madame Royale, du dauphin et de madame Elizabeth étaient mis.

Il n'y avait point de couvert pour Andrée. Le roi, pressé par la faim, n'avait point remarqué cette omission qui, du reste, n'avait rien de blessant, puisqu'elle était faite selon les lois de la plus stricte étiquette.

Mais la reine, à qui rien n'échappait, s'en aperçut au premier coup d'œil.

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En ce cas, dit la comtesse, je prie le roi de m'excuser; mais je n'ai pas faim.

Comment! vous n'avez pas faim? s'écria le roi qui ne comprenait pas que l'on n'eût point faim à dix heures du soir, après une journée si fatigante et quand on n'avait pas mangé depuis dix heures du matin, heure à laquelle on avait si mal mangé.

- Non, sire, dit Andrée.

Ni moi, dit la reine.

Ni moi, dit madame Elizabeth.

Oh! vous avez tort, Madame, dit le roi ; du bon état de l'estomac dépend le bon état du reste du corps, et même de l'esprit ; il y a là-dessus une fable de Tite-Live, imitée par Shakspeare et par la Fontaine, que je vous invite à médi

ter.

Nous la savons, monsieur, dit la reine. C'est une fable qui fut dite un jour de révolution par le vieux Ménénius au peuple romain. Ce jour-là, le peuple romain était révolté, comme l'est aujourd'hui le peuple français. Vous avez donc raison, sire; oui, cette fable est tout à fait de circonstance.

Eh bien, dit le roi en tendant son assiette pour qu'on lui servît une seconde fois du potage, sa similitude historique vous décide-t-elle, comtesse?

Non, sire, et je suis vraiment honteuse de dire à Votre Majesté que, lorsque je voudrais lui obéir, je ne le pourrais pas.

- Vous avez tort, comtesse, ce potage est vraiment parfait ! Pourquoi est-ce la première fois qu'on m'en sert un pareil ?

Mais parce que vous avez un cuisinier nouveau, sire, celui de la comtesse de la Marck, dont nous occupons les appartements.

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Oui, murmura tristement la reine; quel malheur qu'on ne puisse pas le faire ministre ! Le roi n'entendit point ou ne voulut point entendre; seulement, comme il vit Andrée debout et très pâle, tandis que la reine et madame Elizabeth, quoiqu'elles ne mangeassent pas plus qu'Andrée, étaient assises à table, il se retourna vers la comtesse de Charny.

Madame, dit-il, si vous n'avez pas faim, vous ne direz pas que vous n'êtes point fatiguée ;

si vous refusez de manger, vous ne refuserez | Charny est heureux d'avoir trouvé un pareil point de dormir? phénix à la cour!

Puis, à la reine :

Madame, dit-il, donnez congé, je vous prie, à madame la comtesse de Charny: à défaut de la nourriture, le sommeil.

Et se retournant du côté de son service : J'espère qu'il n'en est pas du lit de madame la comtesse de Charny comme il en est de son couvert, et qu'on n'a pas oublié de lui préparer une chambre ?

-Oh! sire, dit Andrée, comment voulez-vous que l'on se soit occupé de moi dans un pareil trouble? Un fauteuil suffira.

-Non pas, non pas, dit le roi; vous avez déjà peu ou point dormi la nuit passée; il faut que vous dormiez bien cette nuit : la reine a, non-seulement besoin de ses forces, mais encore de celles de ses amis.

Pendant ce temps, le valet de pied qui avait été s'informer rentra.

- M. Weber, dit-il, sachant la grande faveur dont la reine honore madame la comtesse, a cru entrer dans les intentions de Sa Majesté en faisant réserver à madame la comtesse une chambre attenante à celle de la reine.

La reine tressaillit, car elle songea que, s'il n'y avait qu'une chambre pour madame la comtesse, il n'y avait, par conséquent, qu'une chambre pour la comtesse et pour le comte.

Andrée vit ce frisson qui passait dans les veines de la reine.

Aucune des sensations qui atteignaient une de ces deux femmes n'échappait à l'autre.

- Pour cette nuit, mais pour cette nuit seulement, dit-elle, j'accepterai, madame. L'appartement de Sa Majesté est trop restreint pour que je veuille une chambre prise aux dépens de sa commodité; il y aura bien dans les combles du château un petit coin pour moi.

La reine se renversa sur le dos de son fauteuil pour cacher sa pâleur, non pas au roi, qui ne l'eût point vue, mais à madame Elizabeth, qui s'en fût effrayée.

Elle était près de se trouver mal.

VII.

LES QUATRE BOUGIES.

Aussi, dès que les enfants eurent mangé, la reine demanda-t-elle au roi la permission de rentrer dans sa chambre.

Bien volontiers, madame, dit le roi, car vous devez être fatiguée; seulement, comme il est impossible que vous n'ayez pas faim d'ici à demain, faites-vous préparer un en-cas.

La reine, sans lui répondre, sortit emmenant les deux enfants.

Le roi resta à table pour achever son souper. Madame Elisabeth, dont la vulgarité même de Louis XVI en certaine occasion ne pouvait altérer le dévouement, demeura près du roi pour lui rendre les petits soins qui échappent aux domestiques les mieux dressés.

La reine, une fois dans sa chambre, respira: aucune de ses femmes ne l'avait suivie, la reine leur ayant ordonné de ne point quitter Versailles qu'elles n'eussent reçu un avis.

Elle s'occupa donc de chercher un grand canapé ou un grand fauteuil pour elle-même, comptant coucher les deux enfants dans son lit.

Le petit dauphin dormait déjà : à peine le pauvre enfant avait-il eu apaisé sa faim, que le sommeil l'avait pris.

Madame Royale ne dormait pas, et, s'il l'eût La reine balbutia quelques mots inintelligi- fallu, n'eut pas dormi de la nuit : il y avait beaubles.

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coup de la reine dans madame Royale.

Aussi, le petit prince déposé dans un fauteuil, madame Royale et sa mère se mirent-elles en quête des ressources qu'elles pouvaient trouver.

La reine s'approcha d'abord d'une porte : elle allait l'ouvrir, lorsque, de l'autre côté de cette porte, elle entendit un léger bruit. Elle écouta et entendit un second soupir; elle se baissa à la hauteur de la serrure, et, par le trou de la clef, aperçut Andrée, à genoux sur une chaise basse, et priant.

Elle recula sur la pointe du pied et regardant:

toujours la porte avec une étrange expression de muscles de ses mains qui serraient les siennes douleur.

En face de cette porte, il y en avait une autre. La reine l'ouvrit et se trouva dans une chambre doucement chauffée et éclairée par une veilbeuse, à la lueur de laquelle, avec un tressaillement de joie, elle aperçut deux lits frais et blancs comme deux autels.

avec un si tendre et si profond amour filial.

Alors elle posa doucement les mains de sa fille près d'elle, les recouvrit du drap, afin qu'elle ne souffrit pas du froid, si la chambre se rafraîchissait pendant la nuit; puis, posant sur le front endormi de la future martyre, un baiser léger comme un souffle et doux comme un rêve, elle

Alors son cœur se dégonfla, une larme vint rentra dans sa chambre. mouiller sa paupière aride et brûlée.

-Oh! Weber, Weber, murmura-t-elle, la reine a dit au roi qu'il était malheureux qu'on ne pût pas faire de toi un ministre, mais la mère te dit à toi que tu vaux mieux que cela!

Puis, comme le petit dauphin dormait, elle voulut commencer par mettre madame Royale au lit; mais celle-ci, avec le respect qu'elle avait toujours eu pour sa mère, lui demanda la permission de l'aider, afin qu'elle-même, à son tour, pût se mettre plus promptement au lit.

La reine sourit tristement: sa fille pensait qu'elle pourrait dormir après une pareille nuit d'angoisses, après une pareille journée d'humiliations! Elle voulut la laisser dans cette douce croyance.

On commença donc par coucher M. le dauphin.

Puis, madame Royale, selon son habitude, se mit à genoux et fit sa prière au pied de son lit. La reine attendait.

-Il me semble que ta prière dure plus longtemps que d'habitude, Thérèse? dit la reine à la jeune princesse.

- C'est que mon frère s'est endormi sans songer à faire la sienne, pauvre enfant! dit madame Royale; et, comme chaque soir il était accoutumé à prier pour vous et pour le roi, je dis sa petite prière après la mienne, afin qu'il ne manque rien à ce que nous avons à demander à Dieu.

La reine prit madame Royale et la pressa sur son cœur. Cette source de larmes, déjà ouverte par les soins du bon Weber et ravivée par la piété de madame Royale, s'élança de ses yeux, vive et abondante, et des pleurs profondément tristes, mais sans amertume, coulèrent le long de ses joues.

Elle resta près du lit de madame Royale, debout et immobile comme l'ange de la Maternité, jusqu'au moment où elle vit se fermer les yeux de la jeune princesse, jusqu'au moment où elle sentit se détendre, relâchés par le sommeil, les

Cette chambre était éclairée par un candélabre portant quatre bougies.

Ce candélabre était posé sur une table.

Cette table était couverte d'un tapis rouge. La reine alla s'asseoir devant cette table, et, les yeux fixes, elle laissa tomber sa tête entre ses deux poings fermés, sans rien voir autre chose que ce tapis rouge étendu devant elle.

Deux ou trois fois elle secoua machinalement la tête à ce sanglant reflet; il lui semblait que ses yeux s'injectaient de sang, que ses tempes battaient de fièvre et que ses oreilles bruissaient.

Puis, comme dans un brouillard mouvant, toute sa vie repassait devant elle.

Elle se rappelait qu'elle était née le 2 novembre 1755, jour du tremblement de terre de Lisbonne, qui avait tué plus de cinquante mille personnes et renversé deux cents églises.

Elle se rappelait que, dans la première chambre où elle avait couché à Strasbourg, la tapisserie représentait le Massacre des Innocents, et que, cette même nuit, à la lueur vacillante de la yeilleuse, il lui avait semblé que le sang coulait des plaies de tous ces pauvres enfants, tandis que la figure des massacreurs prenait une expression si terrible, qu'épouvantée, elle avait appelé au secours et avait ordonné qu'on partît avec l'aube naissante de cette ville qui devait lui laisser un si terrible souvenir de la première nuit qu'elle avait passée en France.

Elle se rappelait qu'en continuant son chemin vers Paris, elle s'était arrêtée dans la maison du baron de Tavernay; que là elle avait rencontré pour la première fois ce misérable Cagliostro, qui avait eu depuis, lors de l'affaire du collier, une si terrible, influence sur sa destinée, et que, dans cette halte, si présente à sa mémoire qu'il lui semblait que cet événement fût de la veille, quoique, depuis, vingt ans se fussent écoulés, il lui avait, sur ses instances, fait voir dans une carafe quelque chose de monstrueux : une machine de mort terrible et inconnue, et, au bout

de cette machine, une tête roulant détachée du corps, et qui n'était autre que la sienne!

Elle se rappelait que, lorsque Mme Lebrun avait fait son charmant portrait de jeune femme, belle, heureuse encore, elle lui avait, par mégarde sans doute, mais présage terrible, donné la pose que Mme Henriette d'Angleterre, femme de Charles Ier, a dans son portrait.

Elle se rappelait que, le jour où pour la première fois elle entra à Versailles, lorsque, descendue de sa voiture, elle mettait le pied sur le funèbre pavage de cette cour de marbre où la veille elle avait vu couler tant de sang, un terrible coup de tonnerre avait retenti, précé-| dant la chute de la foudre qui avait sillonné l'air à sa gauche, et d'une si effrayante façon, que M. le maréchal de Richelieu, qui n'était point facile à effrayer cependant, avait secoué la tête en disant: Mauvais présage! ›

Et elle se rappelait tout cela en voyant tourbillonner devant ses yeux cette vapeur rougeâtre qui lui semblait devenue de plus en plus épaisse.

Cette espèce d'assombrissement était si sensible, que la reine leva les yeux jusqu'au candélabre, et s'aperçut que, sans motif aucun, une des bougies venait de s'éteindre.

Elle tressaillit: la bougie fumait encore, et rien ne donnait une cause à cette extinction.

Tandis qu'elle regardait le candelabre avec étonnement, il lui sembla que la bougie voisine de la bougie éteinte pâlissait lentement, et que peu à peu sa flamme de blanche devenait rouge, et de rouge bleuâtre; puis la flamme s'amincit et s'allongea, puis elle sembla quitter la mèche et s'envoler; puis, enfin, elle se balança un instant comme agitée par une haleine invisible, et s'éteignit.

La reine avait regardé l'agonie de cette bougie avec des yeux hagards, sa poitrine haletant de plus en plus, ses mains étendues se rapprochant davantage du candélabre au fur et à mesure que la bougie allait s'éteignant; enfin, quand elle s'était éteinte, elle avait fermé les yeux, s'était renversée en arrière sur un fauteuil, et avait posé ses mains sur son front qu'elle avait trouvé ruisselant de sueur.

rêve et qu'elle était sous le poids de quelque hallucination fatale. Elle essaya de se lever; mais il lui sembla qu'elle était enchaînée sur son fauteuil. Elle essaya d'appeler madame Royale, que, dix minutes auparavant, elle n'eût pas réveillée pour une seconde couronne; mais la voix s'éteignit dans sa gorge. Elle essaya de tourner la tête, mais sa tête resta fixe et immobile, comme si cette troisième bougie mourante eût attiré à elle son regard et son haleine. Enfin, de même que la seconde avait changé de couleur, la troisième bougie prit des tons différents, pâlit, s'allongea, flotta de droite à gauche, puis de gauche à droite, et s'éteignit.

Alors l'épouvante fit faire un tel effort à la reine, qu'elle sentit que la parole lui revenait ; à l'aide de cette parole, elle voulut se rendre le courage qui lui manquait.

- Je ne m'inquiète pas, dit-elle tout haut, de ce qui vient d'arriver à ces trois bougies; mais si la quatrième s'éteint comme les trois autres, oh! malheur ! malheur à moi!

Tout à coup, sans passer par les préparations qu'avaient subies les autres, sans que la flamme changeât de couleur, sans qu'elle parût ni s'allonger, ni se balancer, comme si l'aile de la Mort l'eût touchée en passant, la quatrième bougie s'éteignit.

La reine jeta un cri terrible, se leva, fit deux tours sur elle-même, battant l'air et l'obscurité de ses bras, et tomba évanouie.

Au moment où le bruit de son corps retentissait sur le parquet, la porte de communication s'ouvrit, et Andrée, vêtue de son peignoir de batiste, parut sur le seuil, blanche et silencieuse

comme une ombre.

Elle s'arrêta un instant, comme si, au milieu de cette obscurité, elle voyait passer dans la nuit une sorte de vapeur; elle écouta, comme si elle avait entendu s'agiter daus l'air les plis d'un suaire.

Puis, abaissant son regard, elle aperçut la reine, atterrée, étendue et sans connaissance.

Elle fit un pas en arrière, comme si son premier mouvement eût été de s'éloigner; mais aussitôt, se commandant à elle-même, sans dire une parole, sans demander-demande qui, au reste, eût été bien inutile-sans demander à la reine ce qu'elle avait, elle la souleva entre ses bras, et avec une force dont on l'eût crue incapable, guidée seulement par les deux bougies

Elle était restée ainsi les yeux fermés pendant dix minutes à peu près, et, quand elle les avait rouverts, elle s'était aperçue avec terreur que la lumière de la troisième bougie commençait à s'altérer comme celle des deux premières. Marie-Antoinette crut d'abord que c'était un qui éclairaient sa chambre, et dont la lueur se

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prolongeait à travers la porte jusque dans la chambre de la reine, elle la porta sur son lit.

Puis, tirant un flacon de sels de sa poche, elle l'approcha des narines de Marie-Antoinette.

Malgré l'efficacité de ces sels, l'évanouissement de Marie-Antoinette était si profond, que ce ne fut qu'au bout de dix minutes qu'elle poussa un soupir.

A ce soupir qui annonçait le retour de sa souveraine à la vie, Andrée fut encore tentée de s'éloigner; mais, cette fois comme la première, le sentiment de son devoir, si puissant sur elle, la retint.

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Elle retira seulement son bras de dessous la tête de Marie-Antoinette, qu'elle avait soulevée pour qu'aucune goutte de ce vinaigre corrosif dans lequel les sels étaient baignés ne pût couler sur le visage ou sur la poitrine de la reine. Le même mouvement lui fit éloigner le bras qui tenait le flacon.

Mais alors la tête retomba sur l'oreiller; le flacon éloigné, la reine sembla plongée dans un évanouissement plus profond encore que celui dont elle avait paru vouloir sortir.

Andrée, toujours froide, presque immobile, la souleva de nouveau, approcha d'elle une seconde fois le flacon de sels qui produisit son effet.

Un léger frissonnement courut par tout le corps de la reine : elle soupira, son œil s'ouvrit; elle rappela ses pensées, se souvint de l'horrible présage, et, sentant une femme près d'elle, elle lui jeta les deux bras au cou en lui criant: Oh! défendez-moi! sauvez-moi!

- Votre Majesté n'a pas besoin qu'on la défende, étant au milieu de ses amis, répondit Andrée, et elle me paraît sauvée maintenant de l'évanouissement dans lequel elle était tombée.

- La comtesse de Charny! s'écria la reine, lâchant Andrée qu'elle tenait embrassée, et que, dans un premier mouvement, elle repoussa presque.

Ni ce mouvement ni le sentiment qui l'avait inspiré n'échappèrent à Andrée.

| mir, madame, répondit Andrée, mais pour veiller sur le sommeil de Votre Majesté.

Et, après avoir salué respectueusement la reine, elle se retira chez elle de ce pas lent et solennel qui serait celui des statues, si les statues marchaient.

VIII.

LA ROUTE DE PARIS.

Le soir même où s'étaient accomplis les événements que nous venons de raconter, un événement non moins grave avait mis en rumeur tout le collége de l'abbé Fortier.

Sébastien Gilbert avait disparu vers les six heures du soir, et, à minuit, malgré les recherches minutieuses faites dans toute la maison par l'abbé Fortier et mademoiselle Alexandrine Fortier, sa sœur, il n'avait point été retrouvé. On s'était informé à tout le monde, et tout le monde ignorait ce qu'il était devenu.

La tante Angélique seule, sortant de l'église où elle était allée ranger les chaises vers les huit heures du soir, croyait l'avoir vu prendre la petite rue qui passe entre l'église et la prison, et gagner tout courant le Parterre.

Ce rapport, au lieu de rassurer l'abbé Fortier, avait ajouté à ses inquiétudes. Il n'ignorait pas les étranges hallucinations qui parfois s'emparaient de Gilbert, quand cette femme qu'il appelait sa mère lui apparaissait, et plus d'une fois, en promenade, l'abbé, qui était prévenu de cette espèce de vertige, avait suivi l'enfant des yeux quand il l'avait vu par trop s'enfoncer dans le bois, et, au moment où il craignait de le voir disparaître, avait lancé après lui les meilleurs coureurs de son collége.

Les coureurs avaient toujours trouvé l'enfant haletant, presque évanoui, adossé à quelque arbre ou couché tout de son long sur la mousse, tapis verdoyant de ces magnifiques futaies.

Mais jamais pareils vertiges n'avaient pris Sébastien le soir; jamais, pendant la nuit, on

Mais, sur le premier moment, elle resta immo- n'avait été obligé de courir après lui. bile jusqu'à l'impassibilité.

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Il fallait donc qu'il fût arrivé quelque chose d'extraordinaire; mais l'abbé Fortier avait beau se creuser la tête, il ne pouvait deviner ce qui était arrivé.

Pour parvenir à un plus heureux résultat que l'abbé Fortier, nous allons suivre Sébastien Gilbert, nous qui savons où il est allé.

La tante Angélique ne s'était point trompée :

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