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plus avancé et du plus entreprenant, celui de la NouvelleZélande.

Il est le plus grand propriétaire foncier de la colonie et possède des terres pour plus de 30 millions. Il a les trois quarts des écoles primaires et instruit le dixième des enfants il est le seul entrepreneur des chemins de fer (2022 milles contre 167 à des particuliers); il est le plus grand patron et occupe près de la moitié des ouvriers; il a créé une banque nationale qui prête à un taux plus bas que les banques particulières; il prépare un projet d'assurances sur la vieillesse, analogue au projet Escuyer tant discuté en France, et assurant à chaque habitant 650 francs de rente annuelle à partir de soixantecinq ans, et il a depuis plusieurs années l'office le plus important d'assurance sur la vie. Ainsi se réalise la profession de foi faite, le 25 mars 1895, à New-Plymouth par M. Reeves, alors membre du ministère populaire et maintenant agent général de la colonie à Londres : « Plus l'État fait pour les citoyens, plus il remplit sa fonction... Les attributions de l'État doivent être étendues le plus possible... La vraie démocratie consiste dans l'extension des attributions de l'État. » C'est le principe de ce qu'on appelle en Angleterre socialisme municipal. La différence est dans l'application les services publics sont créés en Australasie par le gouvernement central, dans la métropole par les administrations locales.

Le déficit; les emprunts; les impôts progressifs. — L'intervention de l'État en matière de travaux publics et d'entreprises de tout genre a chargé les budgets d'autant plus lourdement que l'État ne cherche pas à réaliser des bénéfices immédiats, mais à satisfaire les électeurs. Si beaucoup de lignes ferrées donnent des revenus, d'autres, construites pour des intérêts locaux ou des sans-travail, sont loin de faire leurs frais. Chacune des colonies, sauf l'Australie méridionale, l'Australie occidentale et la Tasmanie, a un réseau ferré plus étendu que celui de l'Algérie (presque le double dans Victoria, grande comme les 4/9 de notre colonie); mais les revenus ordinaires n'ont pas suffi aux dépenses d'établissement; il a fallu recourir aux emprunts, si bien que les colonies australasiennes sont les

États les plus lourdement endettés du monde. La proportion de la dette par habitant y est en moyenne de 1 300 francs, contre 800 en France; elle atteint 1800 francs au Queensland. Près d'un quart des ressources est employé au service de la dette. Le déficit a apparu depuis une dizaine d'années dans presque tous les budgets coloniaux. Sa révélation a causé des crises. ministérielles; les mesures proposées pour le combler sont les mêmes que chez nous, avec cette différence qu'elles ont été appliquées plus vite et plus résolument. D'un côté, les conservateurs ont recommandé les économies, les suppressions de fonctionnaires et ils les ont pratiquées, renvoyant des employés, des ouvriers de chemin de fer, abaissant l'indemnité parlementaire. D'autre part les démocrates ont proposé des impôts progressifs sur les successions, sur le revenu mobilier, sur la propriété foncière. L'impôt sur les successions a été établi dans presque toutes les colonies et imité d'elles, comme tant d'autres réformes, par l'Angleterre. L'impôt progressif sur le revenu mobilier existe en Victoria et en Australie méridionale avec exemption au-dessous de 5 000 francs; en Nouvelle-Zélande et Nouvelle-Galles, avec exemption au-dessous de 7500. L'impôt progressif sur la propriété foncière a fait l'objet de débats très vifs dans les différents parlements. Il n'est établi que dans les deux colonies où la législation foncière semble s'inspirer des théories de la nationalisation du sol; la Nouvelle-Zélande a établi une taxe progressive sur les grandes propriétés valant plus de 125 000 francs; dans ce pays, sur 90 000 propriétaires fonciers, seuls les 12000 plus importants payent la taxe. La Nouvelle-Galles, sous le ministère Reid, a institué elle aussi une taxe foncière progressive. Pour 1 300 000 Néo-Gallois, on ne compte que 60 000 contribuables pour les impôts progressifs sur le revenu mobilier et sur les biens-fonds.

L'or, l'immigration et le régime parlementaire en Australie occidentale. L'Australie occidentale est près de cinq fois plus grande que la France; sa superficie dépasse même celle de l'Australie du Sud plus le territoire Nord. Mais l'Australie occidentale, dépourvue de pluies, était restée de beaucoup la plus pauvre et la moins peuplée des sept colonies.

HISTOIRE GÉNÉRALE. XII.

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Les habitants, manquant de travailleurs, avaient réclamé des convicts alors que toutes les autres colonies refusaient d'en recevoir, et on leur en avait envoyé jusqu'en 1863. En 1870, toute la colonie ne possédait pas 25 000 habitants. Elle n'avait pas obtenu le gouvernement responsable et était administrée par un gouverneur et un conseil de fonctionnaires. La situation a changé récemment après la découverte de l'or. En 1886, on a trouvé des pépites et de la poudre d'or dans des alluvions; aussitôt s'est produit un rush de diggers armés de pioches et de cribles; il fallait s'enfoncer dans l'intérieur à près de 1 000 kilomètres, vivre dans un pays sans arbres, sans eau, où les objets nécessaires à la vie sont d'un prix extraordinaire à cause des frais de transport. Ces obstacles n'ont pas arrêté les immigrants. Au milieu des champs s'est dressée en 1893 une ville de tôle ondulée et de toile, Coolgardie, où l'eau est si rare et si chère que l'on en manque pour se laver, mais qui possède déjà le télégraphe, une gare et plusieurs journaux. Entre 1881 et 1891, la population de la colonie a passé de 30 000 à 50 000 habitanjs. Une partie des nouveaux venus se sont mis à l'élevage du mouton et du bétail, à la culture des céréales pour la nourriture de la population minière. Le gouvernement a augmenté son réseau télégraphique et a fait construire des chemins de fer, au moyen d'emprunts et du produit des douanes. La colonie pouvait enfin se suffire à elle-même. Le gouvernement impérial résolut de l'abandonner à ses propres ressources et de lui donner en échange un gouvernement responsable. Cette réforme a été hâtée par un mouvement en faveur de l'autonomie de la colonie occidentale qui est parti de la NouvelleGalles et dont l'initiateur a été sir Henry Parkes ; le mouvement avait pris pour formule « l'Australie aux Australiens ». Le gouvernement anglais accorda sans difficulté la concession qu'on lui demandait. En 1890, il a donné à l'Australie occidentale une constitution sur le modèle de celles de 1855. La colonie a deux Chambres. La Chambre haute a été d'abord nommée par la couronne; elle est élue pour six ans par des censitaires depuis que la population a dépassé 60 000 habitants. La seconde Chambre est élue pour quatre ans au suffrage à

peu près universel. Les membres ne sont pas rétribués. Le ministère est pris dans la majorité parlementaire. La vente des terres publiques est abandonnée par la métropole au gouvernement colonial. En 1897 la population de l'Australie occidentale s'était élevée à 160 000 habitants (y compris près de 6 000 indigènes civilisés). L'année précédente, le nombre des immigrants avait dépassé 55 000. Cette colonie, si longtemps morte, est aujourd'hui celle où la population s'accroît le plus vite.

Annexions et intervention dans le Pacifique. Quoique les colonies australiennes renferment encore bien des terres vacantes, elles ont depuis longtemps demandé au gouvernement anglais de leur annexer des îles océaniennes. Elles désiraient 1° agrandir le domaine propre aux cultures tropicales, et prendre des pays peuplés d'indigènes qu'on puisse employer au travail des plantations et qui ne menacent pas, comme les Chinois, de devenir immédiatement des concurrents pour les ouvriers européens; 2° placer sous la domination britannique les archipels où pourraient s'établir des puissances navales dont les flottes seraient redoutables pour l'Australasie. La première des annexions océaniennes a été celle des iles Fidji. Cet archipel se trouve à dix jours de navigation de Sydney; il comprend environ 200 îles dont la plus importante a la grandeur de la Jamaïque. Sa principale production est le sucre. Il a été annexé en 1874, sous le ministère Disraeli. L'archipel est devenu une colonie de la Couronne, administrée par un gouverneur assisté d'un conseil exécutif et d'un conseil législatif non élu. Il renferme environ 105000 indigènes et métis, 10 milliers d'Indous et plus de 3000 Européens, planteurs de canne, négociants ou missionnaires.

Les annexions ou les interventions suivantes sont dues aux demandes pressantes des Australasiens. Dès l'année 1875 une députation se rendait à Londres pour prier Disraeli d'annexer la Nouvelle-Guinée où les colons du Queensland ont des plantations et de laquelle ils tirent des coolies. En même temps, une société de colonisation préparait en Angleterre une expédition pour ce pays. Mais la Société contre l'esclavage priait

le ministre d'empêcher cette tentative, en disant que les blancs maltraitaient les Néo-Guinéens et les forçaient à travailler. Le ministre ne fit rien ni dans un sens ni dans l'autre. Le gouvernement du Queensland attendit quelques années, puis il se décida à prendre de sa propre autorité possession de la Nouvelle-Guinée et envoya dans l'île un délégué à cet effet (1883). Le ministère libéral désapprouva cette intervention; mais le parlement de la Nouvelle-Galles déclara qu'il regrettait que le gouvernement impérial n'eût pas secondé l'action du Queensland. Celui de Victoria s'associa aux prétentions du Queensland et fit parvenir à la reine une adresse pour la prier d'annexer les Nouvelles-Hébrides et les îles Salomon, sous prétexte que la France allait les prendre pour y déporter ses condamnés. Enfin la première conférence fédérale réunie en septembre 1883 afin de pourvoir à la défense de l'Australie déclara que désormais aucune puissance étrangère ne devait s'établir dans le Pacifique à l'ouest de l'Australie. C'était comme une doctrine de Monroë australasienne le gouvernement impérial donna une demi-satisfaction aux Australiens en annexant la partie sud-est de la Nouvelle-Guinée. Il a été convenu que cette nouvelle possession serait placée sous l'autorité d'un licutenantgouverneur et que ses dépenses seraient payées par le Queensland, la Nouvelle-Galles et Victoria (1887-88). Les États australiens ont pris des mesures pour surveiller dans l'intérêt des indigènes le recrutement des travailleurs indigènes aux Fidji et en Nouvelle-Guinée.

Ce sont les colonies australasiennes qui ont empèché la France d'annexer les Nouvelles-Hébrides. Le gouvernement impérial ne paraissait pas vouloir s'opposer à l'annexion (1886). Mais les Australiens envoyèrent à Londres une députation, qui parla, s'il faut en croire sir Charles Dilke, à lord Salisbury avec une franchise tout exotique. Un délégué aurait dit au ministre que l'Australie était d'humeur à chasser les Français mème de la Nouvelle-Calédonie, s'il le fallait; puis lord, Salisbury ayant imputé la lenteur des négociations au « chaos » où les crises ministérielles jetaient la France, un autre délégué aurait répliqué: « C'est ici qu'il nous faudrait un peu de

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