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montent vers le Transvaal. Les Boers, postés sur les montagnes, l'arrêtèrent pendant quinze jours et finirent par repousser un assaut désespéré des Anglais en leur tuant six officiers et le gouverneur (Majuba Hill, 27 février 1881). « Nos hommes, écrivait le général transvaalien Joubert, ont combattu en héros et Dieu nous a donné la victoire. » Le gouvernement anglais parut d'abord disposé à recommencer l'expédition; des forces furent concentrées à Natal. Mais le pouvoir passa aux mains de Gladstone, qui s'était déclaré contre l'annexion; le cabinet libéral offrit aux Boers un arrangement provisoire qui leur promettait un Volksraad et l'autonomie sous la suzeraineté de la reine. Les Boers acceptèrent (1881) et la convention définitive négociée à Londres ne laissa à l'Angleterre qu'un droit de veto sur les traités conclus par la République sud-africaine avec des puissances étrangères autres que l'Orange. Le commissaire anglais à Pretoria était remplacé par un agent diplomatique, l'autonomie rétablie avec l'ancienne constitution. Les Boers promettaient de ne pas maltraiter les indigènes (1884).

La guerre des Zoulous. Annexion de la côte est jusqu'au Mozambique. -Les Zoulous sont les tribus cafres établies entre le Transvaal et la côte Est; leurs guerriers armés de boucliers et de sagaies avaient été réunis en une seule armée sous Dingaan, puis sous son frère Panda, au commencement de ce siècle; ils combattaient en phalanges serrées, dangereuses par leur masse et par l'élan et la rapidité de leur attaque. Les Zoulous s'étaient battus longtemps contre les Boers du Transvaal, à propos de territoires et de vol de bestiaux. Ils venaient aussi piller la frontière nord de Natal. Le cabinet conservateur se décida à détruire leur armée en même temps qu'il intervenait au Transvaal. Un gouverneur énergique pris dans le service indien, Sir Bartle Frere (1877), se rendit à Natal, fit tracer la frontière d'une manière précise et somma le roi des Zoulous, Celtiwayo, fils de Panda, de livrer les Zoulous meurtriers d'Européens, de recevoir les missionnaires qu'il avait expulsés et d'accepter un résident britannique dont l'autorisation lui serait indispensable pour faire la guerre (1878). Cettiwayo n'ayant pas répondu, une colonne anglaise entra sur

son territoire en janvier 1879; elle ne rencontra d'abord aucune résistance, mais, pendant que son chef faisait une reconnaissance, 700 Européens et 600 auxiliaires noirs, qui gardaient le camp à Isandlhawna et qui n'avaient pas pris la précaution de se retrancher derrière leurs chariots, à la manière boer, furent surpris par 14 000 Zoulous qui s'avançaient en rampant dans la brousse, et presque tous tués à coups de lance; en même temps une phalange de Zoulous essayait d'envahir Natal, mais était arrêtée par le feu d'un détachement anglais. L'armée anglaise recula, se reforma à Natal et marcha en une seule masse de 4 000 hommes sur la capitale Ulundi, devant laquelle elle tailla en pièces les guerriers zoulous (4 juillet 1879). Cettiwayo fut fait prisonnier et déporté en Angleterre. Le Zoulouland fut déclaré territoire anglais et organisé comme la Cafrerie; on y laissa les chefs indigènes sous le contrôle d'un petit nombre de fonctionnaires blancs. En 1883, le gouvernement libéral crut pouvoir rétablir Celtiwayo sous le protectorat britannique; mais à peine était-il revenu que son frère et plusieurs chefs lui firent une guerre acharnée où périrent 6000 guerriers. Cettiwayo s'enfuit auprès des Anglais et mourut en exil. Pendant ces troubles, des aventuriers boers étaient intervenus; ils avaient fondé aux dépens du Zoulouland la petite république de Vrijheid, qui fut bientôt annexée au Transvaal. Le reste du Zoulouland, sous la royauté de Dissizoulou, fils de Cettiwayo, resta une possession britannique troublée par des émeutes et des brigandages. En 1888, Dissizoulou et plusieurs chefs ont été arrêtés par les autorités anglaises et déportés à Sainte-Hélène. En 1897 le Zoulouland britannique, avec 179 000 indigènes et 1100 blancs, a été incorporé à la colonie de Natal.

Au nord des Zoulous, d'autres tribus cafres habitent deux territoires le Tongaland ou Amatongoland avec 38 000 indigènes; sur la côte, le Souaziland (80 000 indigènes), pays de vallées adossées aux monts Drakenberg, où les Boers viennent pendant une partie de l'année faire paître leurs troupeaux. L'Amatongoland est devenu anglais en 1887 et a été incorporé à Nalal en même temps que le Zoulouland. Le Souaziland, déclaré indépendant par la convention anglo-transvaalienne

de 1884, a été, après la mort de son principal chef, placé sous le contrôle commun des Boers et des Anglais (1889), puis sous l'administration de la République sud-africaine seule (1894-95). Tous ces territoires sont gouvernés par les chefs indigènes sous le contrôle européen. Les Cafres paient une taxe des huttes; le gouvernement leur garantit les droits de chasse et de pâture, interdit de leur vendre de l'alcool et protège les missionnaires.

Le Pondoland (ancienne Cafrerie indépendante), qui séparait le Cap de Natal, ayant été incorporé à la première de ces deux colonies (1894), toute la côte Est jusqu'à Mozambique et presque tout l'ancien territoire des diverses tribus ont passé sous l'administration directe de l'Angleterre.

Entre les plaines du Pondoland et l'État d'Orange se trouvent les pays montagneux des Griquas de l'Est et des Basoutos. Les Basoutos, annexés au Cap depuis 1871, se sont révoltés, avec l'aide des Griquas, quand on a voulu les désarmer en 1880, et ont tué un résident, mais ils ont été soumis par les volontaires. Le Griqualand Est a été incorporé au Cap. Le Basoutoland, que la colonie avait pris malgré elle et dont elle ne voulait pas payer les frais d'occupation, est devenu une colonie à part (1884), administrée à peu près comme les pays zoulous. Ainsi les deux États boers se sont trouvés bloqués du côté de la mer par les possessions anglaises.

Du Bechouanaland au Tanganyka.

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M. Rhodes

et la Compagnie à charte. - Vers l'ouest, les Anglais ont également réussi a empêcher l'expansion des États boers. De ce côté vivaient, au nord de la colonie du Cap, les tribus peu nombreuses des Bechouanas, pasteurs paisibles. Leur pays a été disputé entre les Anglais et les Boers, depuis la convention de 1852. Au moment où fut conclu le traité de 1884, des Voortrekkers boers avaient fondé chez les Bechouanas de petites républiques, le Stellaland, l'Eugenia, le Goschen. On décida que le territoire contesté serait partagé entre la République Sud-Africaine et l'Angleterre, qui voulait s'assurer une route vers l'Afrique centrale. Les deux pays prétendirent à la possession de la principale agglomération, Mafeking; la bourgade fut occupée par les volontaires anglais et la police à

cheval et resta britannique (1884). Tout le territoire au sud. du Molopo devint le Bechouanaland britannique (1885), d'abord colonie de la Couronne, puis incorporée au Cap (1895). La suzeraineté de l'Angleterre avait été dès 1885 proclamée d'une façon générale jusqu'au Zambèse. C'est ce qu'on appela le protectorat de Bechouanaland: ce nom s'est réduit actuellement à la région la plus déserte (Kalahari), qui renferme à peine 200 000 habitants sur un espace grand comme la France. Ces solitudes ont été occupées pour empêcher les Allemands établis sur la côte atlantique (1885) de fermer aux Anglais le chemin de l'intérieur la frontière anglo-allemande a été tracée en 1890. Le protectorat de Bechouanaland est administré par des chefs indigènes, dont le principal est Khama, sous un résident britannique dépendant du haut commissaire.

Plus au nord se trouvent d'immenses régions plus fertiles et plus peuplées; leur occupation par les Anglais a soulevé les réclamations du Portugal, qui se croyait possesseur de l'intérieur de l'Afrique entre ses colonies d'Angola et de Mozambique, mais qui a fini par reconnaître à l'Angleterre la possession de la zone contestée (1889-91). Ces nouvelles. annexions sont devenues le domaine de la Compagnie à charte du Sud de l'Afrique. La compagnie administre 1° au nord du Kalahari les plateaux habités par les nègres machouas, race indigène, et par les Matabélés, conquérants cafres venus de la côle (1889); - 2o au nord du Zambèse toute l'Afrique centrale anglaise (1891), moins le Nyassaland, qui forme un protectorat à part en tout plus de deux fois l'étendue de la France. La compagnie a été fondée par un Anglais, M. Cecil Rhodes, venu d'abord áu Cap pour rétablir sa santé, et retenu ensuite par les mines de diamants. M. Rhodes eut l'idée de syndiquer ces mines qui se faisaient concurrence, de manière à régler la production sur la demande; les diamants épuisés, il fonda un syndicat analogue de mines d'or à Johannesburg. En même temps il prenait parti pour la politique d'annexion; c'est lui qui en 1884 avait réclamé et obtenu l'occupation de Mafeking. A peine le protectorat anglais était-il proclamé jusqu'au Zambèse que M. Rhodes fondait une comapgnie pour exploiter

les mines des montagnes du Matabéléland, l'ancien Ophyr, où se dressent les ruines peut-être phéniciennes de Zymbabey (1888). Le gouvernement anglais venait alors de conclure avec le principal chef matabélé, Lobengula, un pacte d'amitié par lequel le chef promettait de ne pas traiter avec les étrangers sans l'assentiment du haut commissaire. Pour mettre en valeur ce pays éloigné, le gouvernement anglais accepta les propositions de la compagnie Rhodes; le 29 octobre 1889 il lui donna une charte (monopole), et les droits de souveraineté (administration, justice, armée, vente de concessions) à condition qu'elle prolongerait le chemin de fer arrêté à Kimberley, le télégraphe arrêté à Mafeking, qu'elle encouragerait l'émigration, le commerce et l'exploitation des mines. Immédiatement la compagnie réunit une équipe de pionniers, leur fit construire une route de plus de 600 kilomètres pour pénétrer dans les montagnes, élever à l'extrémité de cette route les constructions du fort Salisbury, capitale de la Rhodesia, puis les employa aux travaux des mines (1890). La colonisation fut bientôt troublée par les Matabélés, gens de guerre et de pillage comme les Cafres. En 1893, ils arrêtèrent le courrier et dévalisèrent plusieurs négociants : le haut commissaire permit alors à la compagnie de faire la guerre à leur chef Lobengula. La compagnie a 670 blancs et 570 noirs à cheval, commandés par un ancien médecin, le docteur Jameson; les expéditions sont des raids de cavalerie d'un kraal à un autre ou d'une bande de guerriers à une autre; on tue beaucoup d'indigènes, plusieurs sont enfumés dans des grottes enfin le village fortifié de Lobengula, Boulouwayo, est pris, et le chef disparaît. La guerre a recommencé en 1896, après que l'expédition de Jameson au Transvaal eut dégarni le pays d'une partie de la police à cheval. Cette fois ce fut une insurrection générale; il fallut demander des volontaires au Cap, organiser des corps irréguliers. La compagnie dépensa plus de 50 millions. Les blancs pénétrèrent de différents côtés dans les montagnes et firent une sorte de chasse à l'homme. Un des épisodes les plus curieux de cette campagne est celui de deux volontaires qui réussirent à gagner à travers les rochers une grotte où vivait le

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