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des zemindars ont été complétées; dans le Dekkan, pays de petits propriétaires chargés de dettes, on a donné aux tribunaux le droit de réduire les intérêts et dans certains cas le principal des créances; on a pu dire que le gouvernement était plus révolutionnaire et les travailleurs agricoles mieux protégés au Dekkan et au Bengale qu'en Irlande ou en Angleterre; ces mesures ont d'ailleurs excité les protestations des conservateurs anglais. La production agricole a été encouragée par le développement des voies de communication et par le remaniement des tarifs douaniers. L'Inde a aujourd'hui plus de 30 000 kilomètres de chemins de fer, le réseau le plus important de l'Asie; ils ont été construits pour développer le commerce, pour ravitailler les régions menacées par la famine et enfin, surtout au nord-ouest, pour assurer la défense. Le gouvernement s'est mis à en construire depuis 1875: la plus grande partie de ceux qui datent des dix dernières années appartiennent à l'État et sont exploités par lui ou par des compagnies fermières. Les douanes des États fendataires ont été supprimées. Pour les douanes extérieures on a vu qu'elles avaient été établies en partie au profit de l'industrie et du commerce anglais contre ceux de l'Inde. Les producteurs de l'Inde ont protesté et on leur a fait plusieurs concessions. En 1873 le droit d'exportation sur les blés indiens a été supprimé. Le Pendjab et le Gange moyen se sont mis à envoyer du blé en Europe et leur exportation augmente chaque année. C'est un événement capital dans l'histoire économique de l'Inde.

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La renaissance de l'industrie du coton est peut-être plus importante encore. L'ancien tissage à la main avait été tué par la concurrence des filatures à vapeur du Lancashire et de Glasgow. L'Inde, après avoir été le seul pays producteur d'étoffes de coton, élait devenue la cliente obligée de l'Angleterre. Les cotonnades étaient la principale exportation de la métropole aux Indes. Elles furent longtemps comme tous les objets importés frappées d'un droit de 10 p. 100 à leur entrée aux Indes. Mais les manufacturiers anglais obtinrent, malgré l'op

4. Voir ci-dessus, t. X. p. 951.

position du vice-roi, le libre-échange avec les Indes (1879-82). L'administration financière protesta à cause du déficit créé dans le budget par la suppression des droits; les membres des conseils et des Chambres de commerce, anglais aussi bien qu'indigènes, réclamèrent au profit de l'industrie indoue, menacée dès sa naissance. On songea d'abord au budget, et le conseil législatif de Calcutta rétablit les droits d'importation sur tous les objets, sauf sur les cotonnades (1893). L'équilibre n'étant pas rétabli, le conseil législatif frappa tous les cotons et tissus importés ou indigènes d'un droit égal: les fabricants des Indes ne sont pas satisfaits et continuent à réclamer des droits protecteurs. L'industrie indoue emploie environ 220 000 ouvriers, presque tous occupés dans des filatures à vapeur de coton ou de jute et dans des distilleries de riz. On a commencé à exploiter des mines de houille qui occupent 61 000 personnes et donnent 4 millions de tonnes de combustible par an. La culture du coton, qui avait rapidement baissé une fois la guerre de sécession finie, augmente chaque année : l'Inde en file sur place une quantité toujours plus grande. Les colonnades indoues, grossières et à bon marché, s'exportent déjà sur la côte occidentale d'Afrique. Le coton est la seule des anciennes productions de l'Inde qui reprenne son importance. La soie décline de plus en plus. De même le café, tué par la maladie et la concurrence du Brésil. Par contre, le thé, planté par les Anglais sur les pentes de l'Assam et des Ghats occidentales, tend à remplacer celui de Chine dans la consommation anglaise et australasienne (46 p. 100 contre 32 p. 100). A Ceylan, le café, ruiné, a été remplacé par le thé, dont l'exportation, commencée en 1875, fournit déjà un cinquième du thé acheté par l'Angleterre. Des changements de culture sont dus à l'initiative des Anglais : grâce à eux et au développement des voies de communication, le commerce de l'Inde est sans cesse en progrès. C'est surtout un commerce d'exportation.

La chute de la roupie. -Les dépenses militaires; le déficit. Le commerce indien a souffert beaucoup de la dépréciation de l'argent. L'Inde a comme monnaie légale une monnaie d'argent, dont l'unité est la roupie, qui était évaluée à

2 fr. 50. Par suite de la grande production d'argent, la roupie est tombée de plus en plus et ne valait en 1893 que 0 fr. 70. Elle continuait à circuler pour sa valeur nominale aux Indes, mais perdait les deux tiers au change contre l'or. Or, la monnaie légale de l'Angleterre étant la monnaie d'or, les commerçants et industriels indous devaient solder en or leurs dettes avec la métropole, ce qui les doublait ou les triplait. Le budget indou souffrait de la même aggravation pour les sommes qu'il devait payer en Angleterre (emprunts, pensions, traitements). Enfin les fonctionnaires européens se plaignaient que le pouvoir d'achat des sommes qu'ils recevaient eût beaucoup baissé ailleurs que dans l'Inde. Comme la valeur de l'argent ne se relevait pas, le gouvernement ordonna une enquête à la suite de laquelle la valeur officielle de la roupie fut réduite à 1 fr. 60 et la frappe libre de l'argent interdite dans les Hôtels des monnaies indous.

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La chute de la roupie, l'augmentation des dépenses publiques, et surtout des charges militaires ont fortement grevé le budget et accru la delte de l'Inde. Le déficit a apparu lorsque les grandes expéditions ont recommencé, en 1881; il est devenu chronique à partir de 1892. En 1898, le budget indou a montré 981 millions de roupies de dépenses, en face de 956 millions de recettes la dette s'est élevée à 2320 millions de roupies. Les principales dépenses sont celles de l'armée (241 millions de roupies, 280 pendant la guerre de 1880-82), des chemins de fer (234 millions contre 206 millions de recettes), des appointements du service civil (154 millions) et de la collection de l'impôt foncier (93 millions). Les principales sources de revenu sont : 1° l'impôt foncier, qui est toujours la source de recettes la plus importante (256 millions de roupies), mais que l'administration directe n'a pas voulu accroître; 2° les recettes des chemins de fer; 3° le monopole du sel, établi de différentes façons, mais étendu à toute l'Inde en 1878 pour parer à la diminution constante des droits sur l'opium, causée par la fermeture du débouché chinois. La tendance du gouvernement de Calcutta est d'augmenter les impôts indirects et les tarifs douaniers. Les membres non fonctionnaires des conseils repoussent

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les premiers et n'acceptent la seconde solution que si elle est établie de manière à protéger les industries indiennes. L'expédition d'Afghanistan (1878-1880). L'augmentation des dépenses militaires qui est la principale cause du déficit, est due au recommencement de la politique d'annexion. Après vingt années de paix, le ministère Disraeli entreprit tout d'un coup une grande expédition contre les Afghans. Leur émir, Chir-Ali, l'un des fils de Dost Mohammed, avait été reconnu par le vice-roi et était considéré comme un voisin neutre. Les Anglais et les Russes avaient échangé la promesse de ne rien entreprendre contre lui. En 1878 il reçut une ambassade russe aussitôt une ambassade anglaise lui fut envoyée; il refusa de la laisser entrer sur son territoire; alors trois colonnes anglaises envahirent l'Afghanistan par les passes de Khaïber, de Kouram et de Bolan. Chir-Ali s'enfuit dans le Turkestan et y mourut. Son fils Yacoub accorda aux Anglais la frontière scientifique (c'est-à-dire la possession des passages de l'Indou Kouch), et le droit de faire contrôler sa politique extérieure par un résident à Caboul. Le premier résident fut assassiné immédiatement après son arrivée; une deuxième expédition anglaise s'empara de Yacoub, qui fut déporté (1879). Pendant ce temps le cabinet conservateur était remplacé par un ministère Gladstone, opposé aux guerres et aux annexions, et le vice-roi lord Lytton par lord Ripon, chargé de faire la paix. Malgré la bonne volonté du gouvernement, la guerre traina encore une année, parce qu'un prétendant, gouverneur de Hérat, s'était soulevé contre les étrangers. Enfin les Anglais réussirent à installer comme émir Abdour Rhaman, descendant de Dost Mohammed, qui leur garantit l'exécution du traité de 1879, et leurs garnisons évacuèrent Caboul, puis Kandahar. Le parti de l'expansion fut très mécontent contre Gladstone; il aurait voulu que l'Angleterre conservat l'Afghanistan. Par contre les contribuables indous furent satisfaits de la fin d'une guerre dont ils payaient les frais, qui s'élevèrent, tout compris, à 17 millions de livres. L'équilibre du budget, compromis par ces dépenses, fut rétabli pour plusieurs années. L'effectif des troupes fut ramené à 111 000 hommes.

L'extension récente de la frontière nord-ouest. La paix paraissait assurée pour longtemps. Mais dès 1884 les progrès de la Russie dans l'Asie centrale ont entraîné de nouvelles annexions, de nouvelles expéditions, qui ont fait porter l'effectif de l'armée à 215 000 hommes, dont 74 000 Européens (1898). Voici les principales modifications de la frontière nordouest de l'Inde dans la période contemporaine. Le Khan de Beloutchistan est devenu, moyennant subside, un prince vassal sous le contrôle d'un agent qui dépend du vice-roi (traités de 1854 et 1876). En 1893, le gouvernement des Indes l'a contraint d'abdiquer parce qu'il avait tué son ministre, et l'a remplacé par son fils. Un chemin de fer stratégique parlant de l'Indus traverse le Beloutchistan, suit la passe de Bolan et aboutit au col de Khodjak, qui mène à la ville afghane de Kandahar; il a été construit très rapidement et à grands frais après la paix de 1880; 40 000 indigènes y étaient employés à la fois et gagnaient une roupie par jour : 10 000 moururent du choléra. Le district beloutchi de Quetta, où se trouve la passe de Bolan et le point terminus de la ligne, a été cédé par le khan à l'Inde anglaise (1882). Les frontières du Beloutchistan et de l'Afghanistan ont été déterminées d'accord avec les Russes (1895), celles du Beloutchistan et de la Perse marquées par une ligne de bornes installées dans le désert (1896).

L'émir d'Afghanistan garde son indépendance, mais il est pratiquement sous la surveillance du gouvernement indou, qui lui paye un subside annuel. Il a demandé à traiter directement avec le gouvernement métropolitain, mais sans succès (1895). Les Anglais ont fait avec lui deux séries de conventions territoriales 1° Entre l'Afghanistan et la Russie, les frontières ont été déterminées par deux missions militaires, l'une anglaise, l'autre russe; on a d'abord fixé la frontière nord-ouest, entre Hérat, afghan, et Merv, occupé par les Russes en 1884. Pendant ces opérations, les Russes attaquèrent les Afghans dans la ville de Pendjeh, qu'ils leur enlevèrent (1885). On crut la guerre imminente entre l'Angleterre et la Russie. Le gouvernement des Indes leva des troupes et permit aux princes vassaux d'armer à l'européenne des régiments auxiliaires, mais la paix

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