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tion de 1848, qui abattit les barrières cantonales, sauf certains octrois des villes, soit l'ohmgeld, droit de consommation sur les vins suisses. Ces dernières taxes ont été abolies. Quant au commerce extérieur, un premier tarif avait été édicté en 1849. A la suite des traités de commerce signés, de 1862 à 1869, avec les puissances voisines, notamment avec la France en 1864, les affaires en Suisse passaient par une phase heureuse et l'industrie nationale trouvait de nombreux débouchés. Mais après la guerre franco-allemande et la paix de Francfort, le pays a souffert des restrictions toujours plus grandes apportées au libreéchange. De nouveaux traités de commerce ayant été conclus, la Suisse s'est vue dans l'obligation d'établir les tarifs de plus en plus protectionnistes, qui ont encore été réformés en 1891 sous l'empire de préoccupations fiscales. Le traité franco-suisse de 1882 prenait fin en 1892, à la réserve de la convention relative à la zone frontière, qui doit rester en vigueur jusqu'en 1911. Un projet de règlement commercial ayant été rejeté par la France en 1892, on assiste dans les années suivantes à une guerre de tarifs. En 1896, la Suisse n'en maintient pas moins les privilèges de la zone neutre, et il est à espérer que l'accord commercial se rétablira un jour.

L'activité intellectuelle des Suisses ne laisse rien à désirer. L'éducation nationale, tant physique que morale, a toujours été particulièrement soignée. Les sociétés de gymnastique, de carabiniers, le club alpin, les sociétés d'agriculture, les sociétés d'utilité publique, les sociétés d'étudiants, et tout d'abord celle de Zofingue, sont des centres d'éducation pratique. L'initiative privée a créé de nombreux foyers de culture, sociétés des sciences naturelles, d'histoire, d'art, de lecture. Une presse nationale, qui dispose de 500 organes, se donne pour but non seulement l'étude des questions politiques et sociales, mais encore le développement littéraire du peuple. Dans la patric de pédagogues tels que Me Necker de Saussure, Pestalozzi, Fellenberg, Girard, Naville, l'instruction, à tous les degrés, est arrivée à de beaux résultats. Les cantons les plus cultivés tiennent à honneur d'entretenir à grands frais des écoles supérieures d'agriculture, de commerce, d'industrie, d'art, de lettres et de

sciences. La vieille université de Bâle, célèbre au moyen âge, a vu s'élever près d'elle, dans les temps modernes, des écoles rivales Berne et Zurich dans la Suisse allemande, avec le Polytechnicum fédéral, Genève, Lausanne, Fribourg et Neuchâtel dans l'autre partie du pays. L'école de Neuchâtel ne porte encore que le nom d'académie; les autres sont des universités qui, sauf Lausanne et Fribourg, sont douées de leurs cinq facultés. Ces foyers de culture éclairent le pays et attirent de nombreux étrangers.

Les sciences physiques et naturelles ont été cultivées par des Suisses qui sont devenus, dans la seconde partie du siècle, des célébrités européennes. A cet égard la ville de Genève n'a cessé de briller au premier rang. Faut-il rappeler les noms du mathématicien Sturm, de l'astronome Plantamour, des naturalistes F.-J. Pictet, de Candolle père et fils, Claparède, Vogt, Fol, Favre, Tschudi, Agassiz, Desor, Heer, Merian, Studer, des physiciens Auguste de la Rive et Colladon? Les docteurs Kocher, Dufour, Reverdin, le professeur Raoul Pictet, soutiennent dignement le renom scientifique de leur patrie. Que si nous passons aux sciences morales et politiques et aux belles-lettres, nous citerons les théologiens Hess, Schultheiss, Schweizer, Vinet, Cellérier, Bouvier et Monod, qui se sont fait connaître. au milieu du siècle; les philologues Adolphe Pictet, Wyttenbach et Gaspard d'Orelli, après lesquels le professeur actuel Ferdinand de Saussure continue à travailler au progrès de la science linguistique. Ernest Naville est aujourd'hui le plus connu des philosophes de la Suisse, parmi lesquels on a complé les Bonstetten, les Prevost, les Secretan. Pour le droit et l'éccnomie politique, Rossi, Bellot, Dumont, Odier ont fait école à Genève; Gonzenbach et Bluntschli dans la Suisse allemande. En histoire et en archéologie, les successeurs de Sismondi et de Jean de Muller ont été les Monnard, les Vulliemin, les Hotlinguer, Burckhardt, Merle d'Aubigné, Zellweger, Wyss, Segesser, Rilliet, Pictet de Sergy, Daguet, Daendliker, Hilty, Liebenau, H. Fazy, F. Keller, Meyer de Knonau, et tant d'autres parmi lesquels se distingue l'égyptologue Édouard Naville, actuellement professeur à l'Université de Genève. La littérature

suisse du milieu et de la fin du siècle a été illustrée et l'est encore, à l'heure qu'il est, par Töpffer, Zschokke, Jeremias Gotthelf Bitzius, Gottfried Keller, Conrad-Ferdinand Meyer, les frères Olivier, Marc Monnier, Rambert, Amiel, Victor Cherbuliez, Édouard Rod. Les beaux-arts ont été cultivés par les musiciens Niedermeyer et Bovy-Lysberg, les sculpteurs Pradier, Chaponnière, Vela, Marcello (d'Affry, duchesse Colonna), le graveur Bovy, les peintres Diday, Calame, Bodmer, Lugardon, Hornung, Girardet, Léopold Robert, Benjamin Vautier, Gleyre, Anker, Bocklin, Van Muyden, Giron, Hodler. A côté des musées cantonaux, où l'on admire les œuvres de ces artistes, un musée national vient d'être fondé dans l'opulente ville de Zurich, qui est, en réalité, la capitale de la Suisse allemande, comme Genève est celle de la Suisse française.

L'activité des Suisses est féconde, même pour le reste du monde; leur droit public les recommande à l'attention de l'Europe; leurs institutions sont vivantes et originales. Leur Conseil fédéral est tout à la fois un directoire et un ministère qu'un vole des chambres ne renverse pas et dont les membres, sauf le cas de démission fondée sur des motifs personnels, sont indéfiniment réélus. Leur Assemblée fédérale, composée de deux Conseils représentatifs, ne peut être dissoute, mais le referendum et l'initiative populaire en limitent l'autorité législative. A côté de ces Conseils, à l'abri de toute influence extérieure, le Tribunal fédéral incarne la justice souveraine, tandis qu'au-dessous les autorités cantonales, privées de leur souveraineté et constituées d'une façon toujours plus uniforme, n'en jouissent pas moins encore de l'autonomie administrative. Une solide armée de milices dépend du gouvernement fédéral que les relations extérieures concernent seul. Quoique le Kulturkampf ait cessé, la nonciature romaine reste supprimée en Suisse, sans que la réorganisation diocésaine du pays, qui compte les cinq évêchés de Sion, Coire, Saint-Gall, Soleure (soit Bâle-Lugano), Fribourg (soit Lausanne-Genève) en ait souffert. Avec les autres puissances les relations diplomatiques sont réglées d'une façon normale; la Confédération se trouve représentée auprès d'elles par six ou sept légations et un grand nombre de consulats. Elle se

trouve en effet liée à l'Europe par de nombreux traités généraux et spéciaux.

Enfin la Suisse remplit un rôle international important en devenant le siège des grandes institutions des peuples civilisés. C'est à l'instigation d'un citoyen de Genève, Henri Dunant, que fut créé dans cette ville, en 1863, un comité international de secours aux blessés, dont le premier président fut le général Dufour. Des congrès ayant été réunis, les plénipotentiaires de divers États signèrent, en 1864, la Convention dite de Genève, qui a fait éclore dans presque tous les pays du monde ces sociétés de la Croix-Rouge, si utiles à l'humanité en temps de guerre. M. Gustave Moynier en est le président central. On aurait voulu aller plus loin et abolir la guerre même. A Genève, en 1830 déjà, le comte de Sellon avait fondé la première société de la paix; en 1867, il s'y réunit un congrès de la paix et de la liberté. Le 1er décembre 1891, Berne est devenu le siège du bureau international de la paix et, en 1892, celui du bureau des conférences interparlementaires pour la paix. Ces créations ont au moins pour effet de recommander aux puissances la solution des conflits par voie d'arbitrage. C'est ainsi qu'en 1872 fut résolue pacifiquement à Genève la contestation qui avait surgi entre l'Angleterre et les États-Unis au sujet des déprédations commises par des bateaux frétés en Angleterre pour le compte des Sudistes (affaire de l'Alabama).

La situation géographique et la neutralité de la Suisse la désignent pour devenir ce que l'on a appelé le home des institutions internationales. On y trouve les bureaux de cinq unions universelles. A la suite de la convention relative à l'union télégraphique internationale, signée à Paris en 1865, Berne est devenu le siège du bureau international des administrations télégraphiques. En 1874, l'union postale universelle ayant été conclue à Berne, un bureau international y a été créé l'année suivante. La ville fédérale renferme l'office central des transports internationaux, dirigé dès 1893 par M. Numa Droz, ancien président de la Confédération; il a été institué en conséquence de la convention relative au transport international des marchandises par les chemins de fer, qui a été signée

à Berne en 1890. Le bureau international de la propriété industrielle ou des marques de fabrique y a été établi en 1885; celui de la propriété intellectuelle ou des droits d'auteur a été érigé à la suite de ce dernier durant l'année 1888.

On voit que la Suisse doit sa sécurité non seulement à sa situation géographique, à son système politique, au patriotisme de ses habitants, mais encore à la confiance qu'elle inspire à l'Europe et aux services qu'elle rend à la cause de l'humanité.

BIBLIOGRAPHIE

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Ouvrages généraux (voir ci-dessus, t. VIII, p. 825; t. IX, p. 476; t. X, p. 611; ajouter l'Histoire Suisse de Morin, Genève, 1856, 3 vol. in-12). Oechsli, Bausteine zur Schweizergeschichte, Zurich, 1890, in-8. — Rambert, Études historiques, Lausanne, 1889, in-12. Mulinen, Prodromus einer Schweizer Historiographie, Berne, 1874, in-8. Hilty, Constitutions fédérales, Neuchâtel, 1891, in-8. Baumgarten, Die Schweiz v. 1830-1850, Zurich, 1868, 4 vol. in-8. - B. Bulle, Geschichte der neuesten Zeit, 1888. Kampf der Eidgenossen gegen Jesuitismus und Sonderbund, Soleure, 1848, in-8. Sieg wart-Muller, Joseph Leu v. Ebersoll, Altdorf, 1863, in-8. Bluntschli, Der Sieg des Radicalismus, Schaffhouse, 1850, in-8. Crétineau-Joly, Histoire du Sonderbund, Paris, 1850, 2 vol. in-8. Dufour, Campagne du Sonderbund et événements de 1856, Paris, 1876, in-8. - Elgger, Luzerns Kampf gegen den Radicalismus, Schaffhouse, 1850, in-8; autres ouvrages sur le Sonderbund et la constitution de 1848, voir ci-dessus, t. X, p. 612. Hottinger, Neuenburg und seine geschichtliche Verhaeltnisse zur Schweiz und Preussen, 1833. — Schulze, Die staatsrechtliche Stellung des Fürstentums Neuenburg, léna, 1854. Mémoires de Bismarck, Cavour, Ernest II de Cobourg. Escher, Memorabilia Tigurina, 1850

1860.

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J.-C. Kern, Souvenirs politiques, Berne, 1887. Rustow, Der italienische Krieg von 1859, Zurich, 1860. - Gonzenbach, La Suisse et la Savoie, considérées dans leurs relations de neutralité, Lausanne, 1860, in-12. Vulliemin, La Suisse dans la question de Savoie, Paris et Lausanne, 1860.

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- Clossmann, Die Savoyerfrage vom europaeischen Standpunkt, Berne, 1860. Hornung, Un mot sur la question de Savoie, Genève, 1860.

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- De la Rive, Schweizer, Die Schweizerische NeuSimon Kaiser, Untersuchungen über die Sidney Schopfer, Le principe juridique Secretan, L'armée de l'Est, 1894.

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Davall, Les troupes françaises internées en Suisse. Rapport au département militaire fédéral, Berne, 1873, in-4. Bluntschli, Biographie Herzogs (Neujahrsblatt, 1895). Adams et Cunningham, La Confédération suisse, Genève, 1890, in-8. La Suisse au XIXe s., pub. par Seippel, Lausanne, 1898, in-4. Précis historique par Numa Droz (le reste en cours de publication). - Gavard, Histoire de la Suisse au XIXe s., la Chaux-de-Fonds, 1898, in-4. En préparation Oechsli, Geschichte der Schweiz im XIX Jahrh., Leipzig.Bluntschli, Aus meinem Lehen, Nordlingen, 1884, 3 vol. in-8. H. Escher, Erinnerungen, Zurich, 1867, in-12.- Bechtold, G. Kellers Leben,

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