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sitaire. Les adversaires de la coalition libérale forment deux partis 1° les conservateurs protestants, qui ont pris le nom général d'anti-révolutionnaires; 2° les catholiques. Les anti-révolutionnaires accusent le libéralisme d'être « un régime païen qui détourne les esprits du christianisme et infiltre des principes révolutionnaires dans les lois ». Ils s'appuient sur les paysans calvinistes. Les uns sont des aristocrates très conservateurs (fraction de Savornin-Lohman), les autres acceptent un élargissement du suffrage (fraction du D' Kuyper). Le parti catholique, appuyé sur le Brabant et le Limbourg, est le seul qui soit organisé fortement et qui ait conservé son unité. Encore a-t-il depuis. quelque temps une gauche assez semblable à la démocratie chrétienne de Belgique, sous la conduite du Dr Schaepman. Les catholiques ont été autrefois les alliés des libéraux; mais ils ont suivi les instructions de l'Encyclique et du Syllabus, ils ont commencé une lutte ouverte contre la société civile, et ils ont formé avec les anti-révolutionnaires une coalition dirigée surtout contre l'école laïque. Quelques pasteurs ont protesté récemment contre l'accord des calvinistes et des papistes. Ils ont essayé de refaire un mouvement anti-romain analogue à celui de 1853 et de ressuciter l'ancien parti chrétien historique, hostile à la fois au libéralisme et au catholicisme. Le centre des nouveaux chrétiens historiques est Utrecht. Avec des partis aussi divers et aussi divisés, les ministères sont très peu stables. De 1871 à 1888 les libéraux ont la majorité et les ministères sont formés par leurs chefs ou partagés entre eux et les conservateurs. De 1888 à 1891, la coalition anti-révolutionnaire catholique a la majorité et le pouvoir (ministère du baron Mackay). La grande question est alors la réforme électorale. La coalition cléricale ne la fait pas. Elle est renversée aux élections de 1891 par les libéraux, et l'un des membres du nouveau cabinet Tak van Poortvliet propose un mode de suffrage presque universel qui divise tous les partis sans exception et amène la formation de deux coalitions opposées, les « takkiens » et les « antitakkiens ». Les « takkiens » sont battus aux élections de 1894, qui donnent la majorité aux modérés. Après les élections de 1897, le pouvoir a été pris par un cabinet recruté dans toutes

les nuances de l'opinion libérale et présidé par M. Pierson. Les partis en 1898 sont représentés à la seconde Chambre de la manière suivante : 47 libéraux, en majorité progressistes; 5 radicaux; 1 chrétien historique; 22 anti-révolutionnaires; 22 catholiques. Ces deux derniers partis sont toujours alliés. Ils ont conquis la majorité dans trois provinces sur onze; il leur suffirait d'en gagner une nouvelle pour dominer la première Chambre, dont les membres sont élus par les conseils provinciaux. Le socialisme aux Pays-Bas. La seconde Chambre hollandaise de 1897 compte trois députés socialistes. Le parti socialiste hollandais date de l'Internationale des travailleurs (1864-1872). Il s'est développé lentement et il a recruté ses principaux adhérents parmi les ouvriers des villes commerciales, surtout à Amsterdam, et parmi les paysans et journaliers agricoles de la Frise, qu'il dispute au radicalisme. Son principal organisateur a été Domela Nieuwenhuis, un pasteur qui avait abandonné son ancienne foi et son ministère pour se consacrer à la propagande socialiste (1879). Les socialistes profitèrent de la crise économique de 1886 pour créer une agitation parmi les ouvriers. Ils tinrent à Amsterdam un grand meeting de << sans-travail » qui fut chargé par la police et l'armée; quelques jours après, ils tentèrent de transformer en émeute une manifestation populaire dirigée contre l'interdiction d'une réjouissance; après trois sommations la troupe fit feu sur la foule, tua 35 personnes et en blessa 90. Les libéraux n'hésitèrent pas à restreindre le droit de réunion en plein air accordé après 1848. On se mit à appliquer la loi de lèse-majesté aux révolutionnaires. Le parti socialiste ne renonça pas aux tentatives de révolution violente, car le suffrage restreint lui enlevait tout espoir d'arriver par les moyens pacifiques. Domela Nieuwenhuis avait bien été envoyé à la Chambre par une circonscription frisonne pendant une législature (1888-1891), mais les libéraux et les radicaux unis l'avaient empêché d'ètre réélu. Son parti se mit à prêcher l'emploi de la force. Le congrès socialiste de Zwolle proclama la nécessité de supprimer la propriété privée par tous les moyens possibles (1892). La municipalité dénonça les organisateurs du congrès, mais les tribunaux déclarèrent

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que la loi ne leur donnait pas le moyen de les condamner. Alors gouvernement prononça la dissolution du parti socialiste, qui se reforma sous le nom de socialisten Bond. Mais une fraction des socialistes adopta la conquête des pouvoirs publics par le suffrage universel et s'organisa en parti ouvrier socialiste démocratique, sur le modèle et avec l'appui des marxistes allemands. Aux élections de 1897, cette fraction a fait élire ses deux chefs. Le Bond s'est disloqué. Domela Nieuwenhuis et ses fidèles sont toujours opposés à l'action parlementaire. D'autres veulent agir à la fois par les moyens légaux et par les moyens révolutionnaires; ils ont depuis 1892 un représentant à la deuxième Chambre. Les partis socialistes hollandais sont remarquables surtout par l'activité de leurs chefs. Ils n'ont pas encore d'importance politique. Néanmoins leur agitation a décidé la gauche libérale à rompre avec l'ancienne orthodoxie du « laissez faire ». Le gouvernement a fait voter depuis 1887 une série de lois pour protéger les femmes et les enfants employés dans l'industrie, pour faciliter l'organisation syndicale et en général pour améliorer la condition des ouvriers.

Les questions coloniales et le déficit. On a vu dans le tome précédent' que l'abandon presque total du système des cultures et l'entreprise de travaux publics avaient fait disparaître l'excédent de revenu colonial dont la métropole avait absolument besoin pour équilibrer son budget. Le déficit avait donc été la principale conséquence des réformes aux Indes orientales. Il a été accru à la suite d'une tentative d'expansion malheureuse. En 1871-72, la Hollande a cédé ses possessions de la côte de Guinée à l'Angleterre, qui lui a reconnu en échange le droit d'occuper le nord de Sumatra. Là se trouvait un état musulman indépendant, celui du sultan d'Atjeh (Atchin). Les Hollandais lui font la guerre depuis 1873 sans pouvoir le réduire; ils ont dû augmenter leur armée coloniale; ils ont perdu beaucoup d'hommes, surtout par les fièvres et le choléra, et ils ont dépensé à Sumatra des sommes considérables. Le déficit colonial s'est ajouté au déficit métropolitain, et tous deux ensemble ont fini

1. Voir ci-dessus, t. XI, p. 420.

par s'élever en certaines années à près de 60 millions de francs. Les ministres des Colonies, ne pouvant réduire les dépenses, ont été fréquemment renversés par les Chambres. Plusieurs cabinets sont tombés parce que le Parlement leur refusait de nouveaux impôts pour augmenter les recettes. L'impôt sur le revenu a été proposé huit fois sans succès. Enfin, un ministère libéral a réussi à le faire adopter (1892). Il est obtenu de manière à frapper surtout les profits commerciaux et industriels, ainsi que les appointements et honoraires, les uns et les autres à partir de 650 florins par an; il épargne les intérêts du capital, les loyers, les profits agricoles. Le ministère a fait encore voter en 1892 un impôt sur le capital, à partir de 13 000 florins. Avant l'institution de ces taxes, la Hollande avait été obligée de contracter plusieurs emprunts. La nécessité de trouver de nouvelles recettes a donné quelques nouveaux adhérents aux protectionnistes, qui s'appuient sur les paysans. Les tarifs protecteurs soutenus par tous les catholiques et par la moitié des anti-révolutionnaires ont été jusqu'à présent rejetés par les différentes majorités libérales.

L'armée hollandaise

Le service militaire personnel. se composait autrefois entièrement de mercenaires, comme l'armée anglaise en 1861, c'est-à-dire à une époque où l'on craignait à la fois Napoléon III et la Prusse, on institua la conscription, mais avec la faculté de remplacement. A côté de l'armée permanente existe une milice ou réserve (schutterij) qui est exercée seulement dans les villes et dont les hommes n'ont, pour les deux tiers, jamais fait partie de l'armée active. Dans la période d'armements qui suivit la guerre de 1870-71, on commença à réclamer en Hollande comme en Belgique : 1° le service personnel sans remplacement; 2o la transformation de la milice en une véritable réserve composée d'hommes ayant servi. Ces réformes furent demandées surtout par les radicaux et les libéraux avancés. Elles se heurtèrent, comme en Belgique, à l'opposition irréductible du parti catholique et de la majorité des anti-révolutionnaires qui, les uns et les autres, désirent le maintien des privilèges de la bourgeoisie et craignent l'influence de la ville sur le paysan pendant son séjour à la

caserne. Les socialistes, de leur côté, protestent pour des raisons d'humanité contre les armements. Domela Nieuwenhuis a donné à son parti une attitude anti-militariste et il a conseillé aux ouvriers de faire la grève générale, pour rendre la mobilisation et la guerre impossibles en cas de conflit entre les gouvernements. Malgré tout, le système de service personnel a paru s'imposer en Hollande. Le ministère de la coalition cléricale (1888-1891) l'a proposé à son tour, au grand mécontentement de sa majorité; c'est en partie pour cela qu'il a été battu aux élections générales. Les libéraux, vainqueurs, ont repris le projet. Enfin, après vingt-cinq années de discussions, le principe du service personnel a été voté (1898). Il reste à l'appliquer et à proposer une loi pour le recrutement de l'armée nouvelle. Le ministère libéral a accordé à la bourgeoisie des dispenses pour les étudiants, aux catholiques l'exemption pour tous les ecclésiastiques, prêtres, missionnaires, moines et membres de n'importe quel ordre.

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L'enseignement primaire (1878 et 1889). On se rappelle que les élections se faisaient en partie sur la question des écoles depuis que les catholiques et les calvinistes s'étaient coalisés contre l'enseignement neutre établi par la loi de 1857. Les catholiques protestaient contre l'école sans Dieu ». Les calvinistes réclamaient l'école avec la Bible ». Le parti libéral a toujours défendu l'école laïque. En 1878, il fit voter une loi importante qui confirmait celle de 1857, qui améliorait le traitement des instituteurs et augmentait les subventions accordées par l'État aux écoles publiques neutres. Les catholiques et les calvinistes avaient fait signer des pétitions au roi pour le prier de ne pas promulguer la loi de 1878, mais ce fut en vain. L'assaut de la coalition cléricale contre l'enseignement laïque n'a jamais cessé. En 1885, un ministère composé de conservateurs et de libéraux modérés a proposé d'abandonner l'enseignement à l'initiative privée sous prétexte d'économie ce projet appuyé par les catholiques et les calvinistes a été repoussé, mais à une seule voix de majorité, quand on a revisé la constitution (1887) pour changer le mode de suffrage; l'opposition cléricale en a profité pour demander que les écoles

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