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publiques fussent confessionnelles, ou du moins ouvertes aux prêtres à certaines heures. L'extrême gauche a répliqué en réclamant la séparation de l'Église et de l'État. Ni l'une ni l'autre des deux propositions n'a été adoptée. Pendant les années où les cléricaux tenaient le pouvoir, ils ont fait voter la loi scolaire de 1889 qui favorise l'enseignement confessionnel; désormais l'État est tenu de donner des subventions non plus. seulement aux écoles publiques neutres, mais à toutes les écoles privées qui ont plus de 25 élèves, qui se conforment au programme officiel et qui sont organisées par une société ou un corps reconnu par la loi. Les libéraux avaient répliqué en proposant l'instruction gratuite et obligatoire, qui fut repoussée par 46 voix contre 38. Les calvinistes déclarèrent que la nouvelle loi qui accordait des subventions aux écoles confessionnelles avait amené la « pacification» en matière d'enseignement. Le régime scolaire de 1889 est encore en vigueur dans le royaume des Pays-Bas. Une nouvelle loi proposée par le ministère libéral de 1897 établira, si elle est adoptée, l'obligation pour les parents d'envoyer leurs enfants à l'école jusqu'à treize ans : mais elle reconnait de nombreux cas de dispense et elle n'impose pas la gratuité, qui dépend toujours de la décision des municipalités.

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La réforme électorale (1887-96). Avec le service personnel et le régime scolaire, la réforme électorale est la question qui a été le plus souvent posée dans la Hollande contemporaine. La loi sur le suffrage datait de 1850. Dès 1876, les libéraux réclamèrent une nouvelle revision constitutionnelle pour abaisser le cens. Les discussions à ce sujet se prolongèrent pendant onze années sans aboutir. Enfin le gouvernement accorda une revision de la Loi fondamentale (1887). Le cens fut abaissé à 10 florins d'impôt foncier, au lieu de 20 au minimum. On créa deux nouvelles catégories d'électeurs, qui doivent leur vote à l'impôt personnel calculé sur la valeur locative de la maison qu'ils habitent; ce sont : 1° les propriétaires ou principaux locataires d'une maison payant une taxe dont le minimum est plus élevé dans les villes que dans les campagnes; 2° tous les localaires d'appartement payant un loyer minimum.

Ces dispositions sont calquées sur celles de la loi anglaise : la première catégorie correspond aux householders, la seconde aux lodgers. Par ces mesures le nombre des électeurs passa de 140 000 à 300 000. Il devait être augmenté davantage encore, car la réforme de 1887 établissait que le suffrage serait accordé en principe à tous les citoyens possédant les signes d'aptitude et de bien-être social, qui seraient définis exactement par une loi postérieure. Les citoyens assistés pendant une année ne devaient en aucun cas figurer sur les listes électorales. Enfin on avait ajouté à la constitution un article qui proscrivait le suffrage universel.

L'interprétation de la loi de 1887 fut différée par le ministère. clérical de 1888 à 1891. Le cabinet libéral formé après les élections de 1891 eut pour tâche principale de définir ce qu'on entendait par signes d'aptitude et de bien-être social. Un ministre progressiste, Tak van Poortvliet, imposa à ses collègues un projet qui établissait un suffrage presque universel. Il entendait par signe d'aptitude le fait de savoir écrire; par signe de bienêtre, le fait de n'avoir reçu depuis un an aucun secours du bureau de bienfaisance. Pour voter, il aurait suffi de n'être pas assisté et d'aller à la mairie rédiger, en présence d'un fonctionnaire, une demande d'inscription sur les listes électorales.

On calculait que si cette interprétation était adoptée, le nombre des électeurs s'élèverait de 300 000 à 800 000. Le projet Tak divisa tous les partis sans exception. Il fut soutenu par les radicaux et les libéraux de gauche, par la fraction la plus importante des calvinistes ou anti-révolutionnaires (Dr Kuyper) et par quelques catholiques (Dr Schaepman). Il eut contre lui les libéraux modérés, les calvinistes aristocrates (de SavorninLohman) et la majorité des catholiques. Un ancien radical, Van Houten, abandonna Tak et passa aux modérés avec quelques-uns de ses amis. Le projet Tak ayant échoué à la Chambre, le cabinet fit prononcer la dissolution (1894). Les nouvelles élections eurent lieu uniquement sur le projet de réforme électorale; les deux coalitions, l'une hostile, l'autre favorable à l'interprétation de Tak, restèrent unies chacune de leur côté sans distinction de parti et se combattirent avec acharnement. Les

<< takkiens » vainqueurs au premier tour furent battus au ballottage; ils revinrent à la Chambre au nombre de 46 (dont 35 libéraux avancés) contre 54 « antitakkiens» (dont 24 catholiques). Le ministère fut formé par les libéraux modérés, et leur allié Van Houten fut chargé de préparer une nouvelle interprétation de la réforme de 1887. Le projet Van Houten a été adopté en 1896. Il donne le droit de vote à tous les Hollandais mâles à partir de vingt-cinq ans, et aux conditions suivantes : 1° payer un impôt direct (si c'est l'impôt foncier, il suffit de payer un florin ; cette disposition très favorable aux paysans est une concession accordée au parti conservateur); 2° être householder ou lodger dans les conditions indiquées plus haut, ou bien être propriétaire ou locataire d'un bateau de 24 tonneaux au moins; 3° gagner depuis un certain temps des appointements ou un salaire de 570 francs par an au moins, ou bien avoir une inscription de 100 florins au livre de la Dette publique, ou un dépôt de 50 florins à la Caisse d'épargne. Certaines capacités donnent le droit de suffrage. L'obligation du vote, réclamée par les catholiques, n'a pas été établie. La réforme de 1896 a porté le nombre des électeurs hollandais à 700 000 (un par 7 habitants). On a déjà vu que sa première application (1897) avait été favorable aux libéraux progressistes.

En somme la vie politique hollandaise est toujours dominée par les mêmes questions que la vie politique belge : les écoles, le suffrage, le service personnel. Mais le parti libéral a eu plus de chance en Hollande qu'en Belgique. Comme ses adversaires cléricaux sont une coalition peu cohérente de calvinistes et de catholiques, ils n'ont jamais pu le déloger longtemps du ministère. Son œuvre scolaire a été entamée, mais non détruite comme celle du parti libéral belge. Comme la Hollande n'est pas un pays industriel, les radicaux et les socialistes n'ont pu y prendre la force qu'ils ont en Belgique, et contraindre les libéraux à leur céder le suffrage universel. Le vieux parti libéral libre-échangiste, qui eut une si grande importance politique dans l'Europe occidentale au milieu de ce siècle, a été écrasé partout; il n'occupe plus le pouvoir que dans un seul État, le royaume des Pays-Bas.

III.

Le grand-duché de Luxembourg
depuis 1815.

Le grand-duché de Luxembourg avait été donné en 1815 au roi des Pays-Bas comme indemnité pour les domaines allemands de la famille d'Orange-Nassau annexés à la Prusse. Il faisait partie de la Confédération germanique. La ville de Luxembourg était une place forte fédérale, occupée par une garnison prussienne. Le grand-duché avait sa constitution particulière et il n'était rattaché aux Pays-Bas que par une union personnelle.

Les habitants du Luxembourg étaient catholiques et la plupart d'entre eux parlaient français. Lors de la révolution de 1830 ils se révoltèrent avec les Belges. La ville, seule occupée par la garnison prussienne, ne bougea pas. Lors du traité de 1839 la plus grande partie du Luxembourg devint une province du royaume de Belgique. Un petit morceau de l'ancien grand-duché, avec la forteresse, resta sous la domination du roi des Pays-Bas. C'est le grand-duché actuel. Il continua à faire partie de la Confédération germanique jusqu'à ce que celle-ci eût été dissoute après les victoires de la Prusse (1866).

Alors se posèrent deux questions: 1o Le Luxembourg resterait-il indépendant? 2o La garnison prussienne évacuerait-elle la capitale? Napoléon III fit proposer l'achat du Luxembourg au roi de Hollande, qui accepta les ouvertures de la France; mais le ministre de la Prusse, Bismarck, intervint et empêcha la vente. Une conférence internationale se réunit à Londres et

décida que le grand-duché serait un État indépendant et neutre, sans armée, et que les fortifications de la capitale seraient rasées. Le roi de Prusse avait déjà retiré sa garnison du Luxembourg. Le premier ministre belge Rogier avait demandé sans succès à la conférence d'annexer la partie indépendante à la province belge de Luxembourg (1867). Le grand-duché resta, avec sa constitution particulière, sous l'administration du roi de Hollande. Mais quand Guillaume III mourut (1890), il ne laissa

qu'une fille. Or le grand-duché est héréditaire de mâle en måle dans la famille d'Orange-Nassau. Il fut donc complètement séparé des Pays-Bas et forma un État minuscule sous le gouvernement d'Adolphe, duc de Nassau, dépossédé de ses États allemands par la Prusse en 1866, mais réconcilié depuis avec l'empereur-roi Guillaume II.

Le grand-duché a 220 000 habitants. Il a un Parlement nommé par les citoyens qui payent au moins 10 francs d'impôt. La majorité appartient aux libéraux, dont plusieurs sont partisans du suffrage universel. Ils ont fait adopter une loi scolaire analogue à la loi belge de 1879. Les cléricaux forment le parti français. La langue officielle est le français; la majorité des habitants parle allemand. Le Luxembourg fait partie du Zollverein (depuis 1843); ses chemins de fer appartiennent à une compagnie allemande.

Belgique.

BIBLIOGRAPHIE

Parmi les documents parlementaires, Enquête scolaire de 1881 (faits de pression cléricale), et Rapports de 1883, Brux., 1881-83, 4 vol. in-f. Voir les principaux journaux : L'Indépendance belge, L'Étoile belge, La Réforme (progressiste), Le Peuple (socialiste), le Journal de Bruxelles (cathol.), le Courrier de Bruxelles (ultramontain). Parmi les revues, la Revue sociale et politique (rad.-social.), la Revue générale (cathol.). L. Arnaud, La revision belge, 1890-93, Paris, 1894, in-18. E. Bernisnolin, Les institutions provinciales et communales de la Belgique, Brux., 1891-92, 2 vol. in-8. L. Demarteau, Histoire de la dette publique belge, 1886, in-. C. Frère, La dette publique belge de 1830 à 1882, Brux., 1884. E. de Laveleye (lib.), Le parti clerical en Belgique, Brux., 1874. Émile Vandervelde (dép. socialiste), Enquête sur les associations professionnelles d'artisans et d'ouvriers en Belgique, Brux., 1892, 2 vol. in-8; · Le même, et J. Destrée (dép. soc.), Le Socialisme en Belgique, Paris. 1898, in- 18. P. van Nerom, Les lois ouvrières et sociales en Belgique, Brux., 189, in-8. Ch. Woeste (ultramontain), Vingt ans de polémique, Brux., 1890, in-8 (recueil d'articles et de discours).

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Pays-Bas. Nuyens, Geschiedenis van het Nederlandschen Volk van 1815, 4 vol., 1883-86. F. de Bosch-Kemper, Geschiedenis van Nederland na 1830, 5 vol., 1873-82. - Hartog, Das Staatsrecht des Königr. Niederlande, 1886 (Coll. Marquardsen).

Luxembourg. Eyschen, Das Staatsrecht des Gross-Herzogthums Luxemburg, 1890 (Coll. Marquardsen).

HISTOIRE GÉNÉRALE, XII.

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