sieurs lois d'affaires importantes, mais non toutefois du budget. Le ministère enfin paraissait moins obstiné; c'est du moins ce que l'on était porté à conclure de la retraite d'un de ses membres les plus intransigeants, M. Scavenius. Bientôt la scission entre les groupes de gauche devint manifeste, et tandis que les avancés, les Européens, comme on les appelait, demeuraient également agressifs, les modérés se rapprochèrent visiblement de la droite, disposée d'ailleurs à marcher à leur rencontre. Un accord devenait dès lors possible. Un compromis intervint effectivement au début de 1894. En échange de la suppression d'un corps de gendarmerie institué en 1885, et de diverses retouches à la loi militaire, la gauche consentit à admettre la loi de finances, qui, pour la première fois depuis longtemps, put être régulièrement votée (avril 1894). Retraite de M. Estrup. Ministères Reedtz Thott et Hörring. Le compromis du 1er avril eut pour conséquence la retraite de M. Estrup, non pas qu'il fût vaincu, mais du moment qu'on en revenait à un gouvernement normal et à une politique d'apaisement, il était convenable, pour ne pas dire nécessaire, que l'homme d'État qui avait présidé à la lutte cédât la place à un successeur moins compromis. Ce successeur fut M. de Reedtz Thott qui entra en fonction au mois d'août. Le programme du nouveau ministère était tout de conciliation : il se montrait disposé à des concessions nombreuses et complait gouverner le Parlement tout entier encore que de pareils manifestes ne fussent pas dans les usages donnés, il fit naître une occasion de l'annoncer officiellement aux chambres en déclarant que si un conflit se produisait entre elles à propos du budget, il se retirerait aussitôt. L'avertissement n'était pas superflu, mais demeura vain. Malgré tous ses efforts, le nouveau cabinet n'avait pas, tant s'en faut, une situation parlementaire assurée : le compromis d'avril n'était pas un accord suffisamment précis, et d'autre part la droite même n'était plus aussi unie que jadis. Sa position devint plus difficile encore à la suite des élections de 1895. Celles-ci avaient été cependant préparées par une loi remaniant les circonscriptions électorales et en créant douze nouvelles. Cette augmentation était parfaitement justifiée en un certain sens, les circonscriptions de l'agglomération de Copenhague étant incontestablement trop populeuses. On ne saurait nier cependant que l'on ne comptàt sur la réforme pour augmenter le nombre de voix du ministère. Le calcul fut déjoué: partisans et adversaires du cabinet se trouvèrent en nombre strictement égal, avec, entre eux, un groupe socialiste renforcé. En même temps les divers partis de gauche qui s'étaient séparés au moment du compromis se réunissaient de nouveau pour constituer le parti des réformes. Les réformes réclamées étaient toutes spéciales et les grands principes constitutionnels dont on parlait naguère demeuraient soigneusement à l'arrière-plan. Mais encore que personne ne parût disposé à recommencer la même lutte qu'au temps du ministère Estrup, de nouvelles batailles devenaient inévitables. En fait, le budget de 1897-98 ne put être voté en temps utile; on n'eut que le temps de voter un arrangement valable pour deux mois, vote de dépenses provisoires, et la discussion continua. Mais loin d'amener une entente, celle-ci aboutit à un conflit formel entre les deux chambres. Fidèle à sa déclaration, le ministre Reedtz Thott se retira aussitôt. Le roi fit appel alors à M. Hörring, qui est encore actuellement (décembre 1899) aux affaires et qui parvint à faire voter un budget définitif, mais dont tous les points litigieux avaient été soigneusement éliminés. BIBLIOGRAPHIE Il n'existe point pour la période tout à fait contemporaine d'ouvrages d'ensemble nous ne pouvons donc que renvoyer aux ouvrages généraux cités dans les volumes précédents et dont certains conduisent jusqu'au début de la période traitée dans le présent chapitre. Les renseignements doivent être cherchés surtout dans les articles des périodiques et dans les Annuaires notamment l'Annual Register anglais, en allemand, Schulthess, Europäischer Geschichtskalender, et en français, La vie politique à l'étranger, qui ne parut que pendant quelques années. Les brochures de circonstance sont si nombreuses qu'il est impossible d'énumérer même les principales elles n'offrent d'ailleurs, en général, aucun intérêt historique. On peut consulter également, avec profit, des articles d'encyclopédies, surtout le Nordisk farmiljelbok (Stockholm, 18 vol. in-8, plus un supplément), soit aux noms des pays, soit à certains mots spéciaux, landtmannaparti, kompromiss, etc., etc. CHAPITRE VIII L'ITALIE De 1870 à nos jours. La prise de Rome (septembre-octobre 1870) ouvre une ère nouvelle dans l'histoire de l'Italie contemporaine; elle marque la fin de la crise d'émancipation qui l'agitait depuis 1859, le commencement de la crise d'organisation qui devait l'absorber jusqu'à nos jours. Quelques semaines après (5 déc.) VictorEmmanuel, inaugurant à Florence la session parlementaire, résumait en ces termes les résultats obtenus et le but à poursuivre « L'Italie est libre et une désormais il ne dépend que de nous de la rendre grande et heureuse ». C'était en quelques mols un programme de gouvernement; donner au pays celte prospérité économique et cette unité morale qui font les grandes nations, à l'État celte influence extérieure et cette force matérielle qui font les grandes puissances, telle était la double tâche que le roi assignait à ses ministres. Ils eurent pour la plupart le tort de n'en retenir que la première partie; désireux d'élever leur patrie au mème degré d'importance politique que les autres monarchies européennes, ils s'attachèrent. à y implanter les mêmes institutions armée et flotte redoutables, alliances imposantes, vaste empire colonial, suffrage étendu, vie parlementaire active, administration centralisée, corps de fonctionnaires nombreux. Ils oublièrent trop souvent que leurs réformes, trop coûteuses pour un pays pauvre et : trop radicales pour une nation encore neuve, ne pouvaient être appliquées sans porter le désordre dans les finances et le malaise dans les esprits. Cette ambition, qui fit l'unité de leur politique, et en expliqua l'insuffisance, se retrouve, mais avec des caractères divers, dans la pensée de tous; elle se dessine pendant le gouvernement de la Droite (1870-1876), se déclare pendant le gouvernement de la Gauche (1876-1887) et s'exagère pendant le gouvernement de Crispi (1887-1897). I. - Le Le gouvernement de la Droite (1870-1876). Le ministère Lanza (1870-1873). - De 1870 à 1876, la Droite conserva le pouvoir qu'elle exerçait depuis 1861. D'accord avec la Gauche sur presque toutes les questions de principe, elle se séparait d'elle sur les questions de méthode. Elle s'était toujours imposé pour règle de concentrer son activité sur un programme restreint et facilement réalisable. Sa devise, qui était avant 1870: « Indépendance et unité à tout prix, devint après la prise de Rome : « Équilibre du budget, liberté de l'Église ». Subordonner toute la politique extérieure au règlement de la question romaine, toute la politique intérieure à la solution de la question financière, tel fut le plan dont elle confia l'exécution au cabinet Lanza (en fonctions depuis 1869). Trois hommes en personnifiaient les tendances. Le président du Conseil, Giovanni Lanza, avait été surnommé par ses amis le « Caton », par ses ennemis le « Guizot » de l'Italie; portant la fermeté jusqu'à l'obstination, la conviction jusqu'à l'intolérance, la dignité jusqu'à la raideur, il mettait une volonté tenace au service d'un esprit étroit et d'une àme intègre : mais ses défauts mêmes devenaient une force alors qu'il s'agissait, non plus d'oser, mais de se borner. Le ministre des Finances, Sella, Piémontais comme lui, avait comme lui les qualités d'un homme d'affaires plutôt que le tempérament d'un homme d'État connaissances techniques développées par des études approfondies de mathématiques, talent de vulgarisation exercé par dix années de vie parlementaire, souci du bien public poussé jusqu'au mépris de la popularité. Enfin le ministre des Affaires étrangères, Visconti-Venosta, originaire de la Valteline, cachait sous les dehors corrects d'un gentleman anglais une remarquable dextérité diplomatique, un sens très fin des intérêts de son pays et une habileté consommée à éviter de les compromettre. La question romaine. La « Loi des garanties ». — A la suite du plébiscite d'annexion des provinces romaines (2 oct. 1870) et de la loi de transfert de la capitale (26 janv. 1871) une question se posait qu'il était urgent de résoudre avant toute autre. Comment régler la situation du pape, dépouillé désormais de ses États? Fallait-il s'attacher surtout à rassurer l'Europe, en lui accordant les garanties nécessaires à l'exercice de son pouvoir spirituel? Fallait-il au contraire viser à satisfaire l'Italie, en lui enlevant les moyens de reprendre son pouvoir temporel? Devait-on se borner à le protéger, ou chercher à l'enchaîner? La première solution, défendue par Lanza, finit par prévaloir sur la seconde, soutenue par Sella, comme plus conforme aux intérêts extérieurs de l'Italie, à la formule de l'Église libre dans l'État libre, au principe de l'indépendance du pouvoir civil et du pouvoir spirituel. La loi des garanties, votée par le Parlement dans la dernière session qu'il tint à Florence (13 mai 1871), accordait au pape pour sa personne, l'inviolabilité, défendue par les mêmes sanctions que celle du roi et protégée par une garde armée; pour son indépendance, la jouissance et l'inviolabilité (sans la souveraineté) des palais épiscopaux, ainsi que l'octroi d'une liste civile de trois millions; pour sa mission, la faculté de libre communication postale et télégraphique avec le monde catholique et le droit de recevoir des représentants des États étrangers, investis de toutes les immunités diplomatiques; pour sa succession, la liberté des conclaves. L'État lui abandonnait en outre ses pouvoirs sur le clergé italien, ainsi que la nomination des évêques, et abolissait le placet et l'exequatur. La loi des garanties n'avait ni caractère international ni caractère constitutionnel, et fut sanctionnée comme loi d'ordre intérieur. |