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gène, le député Galvez soulève la population, le général Contreras prend le commandement des forces insurgées, l'escadre cuirassée se joint aux cantonalistes et cherche à soulever Alicante, Elche, Valence. Elle n'est arrêtée que par les escadres des puissances européennes.

Placé le 7 septembre à la tèle du gouvernement, Castelar apporta à la République sa large intelligence, ses talents et son immense popularité. Il se proposa de rétablir les armées, de terminer la guerre civile, de réorganiser le pays, « de constituer enfin la République, quand l'expérience aurait rallié la majorité des Espagnols sur le terrain qui les divisait le moins ». Il rappela au service les officiers d'artillerie démissionnaires, donna à l'actif Pavia la capitainerie générale de Madrid, envoya Moriones en Navarre, Martinez Campos en Catalogne, Lopez Dominguez devant Carthagène. A l'intérieur, il s'efforça de rendre à l'administration sa marche régulière. Au dehors, il réussit à terminer l'affaire du Virginius qui pouvait mettre l'Espagne aux prises avec les États-Unis.

Cette sage politique ne pouvait plaire aux fédéralistes qui se promirent de renverser Castelar dès la rentrée du Parlement. Pavia essaya de décider Castelar à un coup d'État; il lui dit que sa chute « serait la mèche qui ferait partir la mine de l'anarchie ». Castelar resta résolu à obéir au vole des Cortès. Alors Pavia, « placé dans l'unique position en Espagne où il pouvait se lancer instantanément sur l'anarchie et l'étouffer à sa naissance, sans écouter d'autres voix que celle de sa conscience, et sans être mû par un autre mobile que son affection pour sa patrie, se décida à exécuter l'acte violent du 3 janvier 1874 ».

Les Cortès s'étaient réunies le 2 janvier à deux heures de l'après-midi. Dans la nuit elles renversaient Castelar, et le 3, au matin, Pavia, qui avait fart occuper militairement Madrid, envoyait deux aides de camp prier très courtoisement les députés d'avoir à se disperser. Personne ne protesta, et après avoir songé un instant à prendre la dictature, Pavia donna le pouvoir à Serrano qui essaya de gouverner « avec la droite de la révolution ».

La situation de l'Espagne devenait de plus en plus critique.

Le gouvernement avait 85 000 hommes à Cuba, 200 000 hommes dans la Péninsule, il fallait 40 millions par mois pour empêcher les armées de mourir de faim. Le brigandage réparaissait. Personne ne semblait croire à l'avenir de la république; tous les partis se préparaient ouvertement à l'attaquer.

Serrano essaya d'en finir avec la guerre civile, pensant que le pays lui saurait gré d'avoir rétabli l'ordre. Il réussit à débloquer Bilbao (1-2 mai), mais au lieu de pousser ses avantages, il revint à Madrid et accentua la politique réactionnaire à laquelle la plupart des généraux étaient attachés. Le clergé, les alphonsistes profitèrent de ces dispositions pour faire une active propagande. La mort de Concha (27 juin), l'abandon où le gouvernement laissait les armées indisposèrent les chefs militaires contre Serrano. En novembre, le maréchal songea à reprendre la campagne contre les carlistes, mais l'hiver était rigoureux ; Serrano dut se cantonner à Logroño, et avant qu'il eût commencé les opérations, le pronunciamiento de Sagunto avait rendu la couronne au fils d'Isabelle II (28 décembre 1874).

La guerre civile. -La république avait eu à combattre les carlistes et les cantonalistes. Elle ne put triompher des premiers; elle vint à bout des seconds.

Dès la fin de juillet 1873 Pavia partit de Madrid avec un millier d'hommes, arriva le 23 juillet devant Cordoue, dispersa la garde nationale et occupa la ville. Le 26, il se mit en marche sur Séville avec 3 000 hommes et 16 pièces de canon; il s'en empara le 31 après quatre jours de combat. Le 4 août, il était à Cadix, le 12 à Grenade, mais il se trouva arrêté par les hésitations de Salmeron qui n'osait pousser les choses à bout contre les cantonalistes. Pavia ne reprit sa marche sur Malaga qu'après l'arrivée de Castelar à la présidence du conseil. Le 19 sept., il était maître de la ville; le cantonalisme était vaincu en Andalousie.

La révolte de Carthagène fut beaucoup plus difficile à dompter. Valence, tombée un moment au pouvoir des rebelles, fut reprise le 4 août. Le 18, Contreras subit un échec au pont de Chinchilla; les escadres anglaises s'emparèrent de deux frégates insurgées et les conduisirent à Gibraltar. Cependant rien de sérieux ne fut tenté contre Carthagène avant le mois d'octobre;

Martinez Campos n'avait que 2000 hommes, 7 mortiers et 2 canons et ne pouvait rien entreprendre contre la place qui passait pour la plus forte de l'Espagne. Les travaux d'approche ne commencèrent qu'en novembre, les batteries n'ouvrirent le feu que le 26 novembre. Le 12 décembre, Lopez Dominguez vint prendre le commandement et imprima aux opérations un redoublement d'activité. L'incendie du vaisseau le Tetuan, l'explosion du parc d'artillerie, la capitulation du fort des Atalayas amenèrent enfin la reddition de la place, qui ouvrit ses portes le 13 janvier 1874, après avoir tiré 6234 coups de canon et reçu 17579 projectiles. Les insurgés les plus compromis étaient montés à bord des frégates Numancia et Mendes Nuñez et s'étaient refugiés à Oran.

Au nord, la lutte fut encore plus longue et plus acharnée, sans pouvoir être décisive. La guerre carliste fut une réédition de la « guerre des sept ans », mais s'il y eut plus d'hommes engagés, si les armes étaient plus perfectionnées, les partis semblèrent avoir perdu beaucoup de leur antique foi. Moins longue, et probablement moins sanglante, la guerre ne fut qu'un conflit d'intérêts privés et le peuple paraît avoir compris vaguement que la monarchie de D. Carlos ne différerait pas essentiellement de celle de D. Alphonse.

Au mois d'avril 1872 commença le soulèvement des Vascongades. En peu de jours 14 000 hommes furent sur pied. Le 2 mai, D. Carlos arrivait à Vera. Le 4 mai, Serrano le battait à Oroquieta et l'obligeait à repasser en France. A la fin de mai, la convention d'Amoreviela pacifiait la Biscaye. En septembre, l'armée du Nord était licenciée.

La proclamation de la république réveilla l'insurrection. Le 17 février 1873, un ancien officier de l'armée régulière, Dorrégaray, prit le commandement des forces carlistes. Le 18 mars, il s'empara de la fabrique d'armes d'Orbaiceta; au milieu d'avril, il occupa Оñate et, au mois de juillet, D. Carlos reparaissait en Navarre. L'armée libérale se bornait à garder Pampelune et la ligne de l'Ebre, le général Sanchez Bregua restait cantonné à Victoria et déclarait ne pas pouvoir mobiliser plus de 6 500 hommes.

Une brillante campagne en Biscaye amena le prétendant sous les murs de Bilbao. Il ne put s'en emparer, mais cette déconvenue fut en partie réparée par la prise d'Estella dont il fit sa capitale. A la fin de septembre, D. Carlos disposait de 22 000 hommes; Moriones lui livra l'inutile bataille de Montejurra, réussit à débloquer Tolosa et fut ramené en arrière par ordre des ministres, qui songeaient avant tout à fermer à D. Carlos la route de Madrid.

Le grand fait d'armes de l'année 1874 fut le siège de Bilbao. D. Carlos, maître d'un port, eût reçu par mer armes et renforts, et se flattait de se faire reconnaitre par plusieurs puissances européennes. Dorregaray s'empara de Portugalete, couvrit de batteries le Somorrostro et menaça Bilbao. Moriones essaya de le tourner par Miranda et Venta de Baños; il échoua le 26 février à l'attaque du Somorrostro. Le 3 mars, Serrano prit le commandement, livra deux assauts (25-27 mars), perdit 2000 hommes et ne put briser les lignes carlistes. Il appela à lui le maréchal Concha, qui, le 28 avril, tourna les positions de l'ennemi. Le 1er mai les carlistes levèrent le siège de Bilbao, où Serrano et Concha entrèrent le jour suivant.

Il eût fallu poursuivre l'ennemi. Serrano rentra à Madrid, et Concha, laissé en Navarre avec des forces insuffisantes, vint se faire tuer sous les murs d'Estella (27 juin). La guerre languit pendant les derniers mois de l'année. Moriones réussit seulement à ravitailler Pampelune, et La Serna débloqua Irun. Serrano allait commencer une campagne énergique quand l'avènement d'Alphonse XII l'obligea à repasser en France.

La guerre fut encore plus décousue en Catalogne et en Valence. La point d'armée, mais de simples bandes d'une mobilité merveilleuse, qui, tournant autour des massifs, défient la poursuite des chefs libéraux, descendent en plaine quand on les cherche dans la montagne et regagnent les hauteurs quand les généraux reparaissent dans la plaine.

En Catalogne, Savalls, Castets, Tristany organisent les bandes catalanes. Le 18 juillet 1873, Savalls s'empare d'Igualada et fait fusiller quinze prisonniers en présence de D. Alphonse de Bourbon, frère du prétendant. Au mois de février 1874,

HISTOIRE GÉNÉRALE. XH.

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Tristany tombe sur Vich et la prend; au mois de mars, Olot est pris à son tour et presque toute la province de Girone est aux mains des carlistes. Au mois de juillet ils peuvent réunir 14 000 hommes. En août ils s'emparent d'Urgel.

En Valence l'insurrection commença par une série d'émeutes contre le service militaire. Le mouvement cantonaliste de l'été 1873 divisa les forces des libéraux et permit aux carlistes d'organiser les leurs. Le Maestrazgo leur servait de citadelle. De là ils s'élancèrent vers la Huerta de Valence, ou dans la plaine de Castellon, ou sur Teruel, rançonnant les gros bourgs et ramenant leur butin dans la montagne.

En 1874, D. Carlos chercha à organiser son parti en Valence. Il nomma son frère D. Alphonse généralissime. Les forces carlistes montaient à 12 000 hommes et 1000 chevaux, mais aucun des chefs ne voulut enrégimenter ses soldats. Pendant six mois Santos, Valles, Marco, Cucala tinrent en échec les forces libérales; puis, le 14 juin, D. Alphonse fut battu à Alcora par le général Montenegro et rejeté en Aragon. Il allait s'emparer de Teruel quand Pavia le força à la retraite. Perdant tout espoir d'organiser l'armée carliste en Valence, D. Alphonse se retira en Catalogne.

La Restauration.

Au moment où Alphonse XII fut proclamé roi, les carlistes avaient peut-être 80 000 hommes en armes de Valence à Bilbao, et les troupes nationales étaient partout réduites à la défensive. A la chute d'Amédée, les députés alphonsistes n'avaient pas pris part au vote qui établissait république. Un député républicain ajouta malignement : « La solution de ces messieurs fait ses études au collège de Sandhurst ».

Vers la fin de 1874, D. Alphonse, roi titulaire d'Espagne depuis l'abdication d'Isabelle II (25 juin 1869), adressa aux Espagnols un manifeste rédigé par Canovas, où il se proclamait «bon Espagnol, bon catholique et libéral ». Ce manifeste ne fit point grande sensation. C'était le moment où Serrano partait pour l'armée du Nord. Les généraux alphonsistes furent mème sur le point de renoncer à toute tentative, et Canovas, agent de D. Alphonse à Madrid, déclarait à qui voulait l'en

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