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concurrence anglaise. L'industrie minière a pris un développement considérable; le Portugal, qui comptait seulement deux mines en exploitation en 1853, en avait 246 en 1874. La marine marchande est remontée à près de 100 000 tonnes. On a construit 2 500 kilomètres de chemins de fer qui rattachent les principales villes au réseau espagnol. De bonnes routes parfaitement entretenues ont remplacé les mauvais chemins muletiers d'autrefois, et la sûreté parfaite du pays y rend les voyages extrêmement agréables.

Mais ces progrès ont été réalisés trop vite, aux dépens de la bonne gestion des finances. Le Portugal s'est livré à la fièvre des entreprises et des spéculations; des syndicats de banquiers ont lancé des affaires, des milliers de titres ont été jetés sur le marché, et pendant quelques années une prospérité apparente a paru justifier toutes les espérances. Les gaspillages, les concussions, les mauvais rendements ont eu bien vite absorbé les ressources des compagnies; elles ont fait appel à la garantie de l'État. Pour équilibrer les budgets en déficit il a fallu contracter des emprunts, les impôts sont devenus trop lourds pour une population peu inventive, peu laborieuse et incapable de soutenir la concurrence étrangère. Le paysan s'est découragé, plus de quatre, millions d'hectares autrefois cultivés sont aujourd'hui en jachère, et la propriété foncière a subi dans les vingt dernières années une dépréciation de 25 p. 100.

Les institutions et les partis. — Le Portugal doit ces tristes résultats à la contradiction qui existe entre le degré de culture auquel il s'est arrêté et le régime politique auquel on l'a soumis. Le peuple portugais se compose pour les quatre cinquièmes d'illettrés, et le Portugal est pourvu des institutions parlementaires les plus compliquées. La constitution a été remaniée en 1886 dans le sens le plus libéral. La pairie n'est plus héréditaire, les députés ne touchent plus d'indemnité, les minorités sont représentées. La législation a été complétée par la publication d'un code civil (1869) et d'un code de procédure civile (1877). Le Portugal a des cercles politiques et trois cents journaux.

Mais les partis ne sont guère que des coteries, dont les chefs

luttent les uns contre les autres avec une complète absence de scrupules et un parfait oubli de l'intérêt public. Tout est apparence et mensonge. Le roi est censé ne pas gouverner, et il suspend les garanties constitutionnelles par simple décret. Les ministres sont censés responsables, et ils commettent impunément toutes les illégalités. Les élections sont censées libres, mais les Chambres sont toujours favorables au cabinet qui dirige les élections. Les municipalités, les magistrats ne sont pas plus indépendants que les députés. Les partis constitutionnels s'entendent pour persécuter le parti républicain et le parti socialiste, et ceux-ci gagnent chaque jour du terrain, parce que, malgré l'indifférence générale, les Portugais n'attendent plus rien des conservateurs ou « régénérateurs », ni des libéraux ou progressistes ».

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Don Luiz Ir. Deux rois ont régné en Portugal depuis 1870.

D. Louis Ier, prince instruit et bien intentionné, s'était heurté en 1879 à l'opposition conservatrice. Laissant désormais le champ libre aux manœuvres des partis, il subit tour à tour des ministères régénérateurs et des ministères progressistes. En 1877, il chercha à réveiller l'esprit d'aventures et envoya en Afrique une expédition commandée par le major SerpaPinto. L'explorateur traversa l'Afrique Australe de Loanda à Durban et fut un moment très populaire, mais le principal résultat de son voyage fut de réveiller la jalousie de l'Angleterre qui, dès 1881, ne dissimulait plus ses convoitises en Afrique Australe.

Le mariage du prince royal D. Carlos avec la princesse Amélie d'Orléans servit de prétexte au gouvernement français pour expulser le comte de Paris.

Un mouvement démocratique très marqué amena au pouvoir un ministre réformateur, M. Luciano y Castro; les Cortès furent dissoutes, mais la nouvelle assemblée comprit une majorité progressiste et même quelques députés républicains. Don Carlos Ir. Le prince D. Carlos succéda à son père D. Luiz le 19 octobre 1889, et se trouva aussitôt en face de l'Angleterre hostile. Dès cette époque les Anglais avaient formé

le projet de relier la colonie du Cap et d'Égypte par un chemin de fer à travers toute l'Afrique. Les Portugais possédaient le Benguéla, sur la côte atlantique, et le Mozambique sur la côte de l'océan Indien; ils se croyaient les maîtres incontestés de tout l'hinterland. La compagnie anglaise de l'Afrique du Sud s'entendit avec les Makololos du bas Chiré et les détermina à se placer sous son protectorat. M. Johnston, consul d'Angleterre à Mozambique, leur envoya même des drapeaux anglais. Au mois de novembre 1889, les Portugais battirent les Makololos et proposèrent à l'Angleterre de soumettre la question à un arbitrage. Le 11 janvier 1890, l'Angleterre réclama l'évacuation immédiate du territoire contesté, et somma le ministère portugais de répondre dans les vingt-quatre heures. Le Portugal céda à cette menace de guerre, mais les Cortès refusèrent de se soumettre. Il fallut les dissoudre, et M. SerpaPimentel n'obtint une Chambre à peu près docile qu'en restreignant le droit de réunion et en supprimant la liberté de la presse. Le 20 août, une convention abandonnait à l'Angleterre la partie sud du Nyassa et le Chiré supérieur. Le Portugal perdait tout espoir de rejoindre jamais ses possessions de Benguéla et de Mozambique. La nouvelle Chambre ne put se décider à accepter ce dur sacrifice. Le 31 janvier 1891 une insurrection républicaine éclata à Porto, et ce ne fut que le 28 mai que le cabinet Abreu et Souza obtint des Chambres la ratification du traité signé avec l'Angleterre.

Cette grosse affaire était à peine réglée qu'une crise financière terrible se déclarait. La dette du royaume représentait le chiffre énorme de 500 francs par tête d'habitant. Après avoir réduit le nombre des officiers, pratiqué sur les traitements des retenues variant de 5 à 30 p. 100, établi d'énormes impôts de consommation, le trésor se trouva au mois de juillet 1892 hors d'état de faire face à ses obligations et ne paya plus qu'un tiers des intérêts de la dette. La France dut même intervenir à plusieurs reprises pour protéger les intérêts de ses nationaux.

Toutes ces humiliations ramenèrent les conservateurs au pouvoir. Le cabinet Hintze-Ribeiro rédigea les plus beaux programmes, mais quand il voulut percevoir de nouveaux impôts,

des émeutes lui répondirent. A la fin de 1894, le Portugal faillit se trouver en guerre avec le Brésil, et une fâcheuse indiscipline se manifesta dans l'armée. Le gouvernement en profita pour accentuer sa politique de réaction. Le nombre des députés fut réduit de 180 à 120; la Chambre perdit le droit de vérifier les pouvoirs de ses membres. Fortifié par les nouvelles lois, le gouvernement a pu se réconcilier avec le Brésil, signer un traité de commerce avec la Russie, dompter quelques révoltes aux colonies. Mais la détresse financière a augmenté, et la perte de ses dernières colonies n'est plus pour le Portugal qu'une question de temps. Le « tout petit royaume de quatrevingt-dix lieues » ne peut espérer le salut que dans une politique d'économie et d'étroite union avec l'Espagne.

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