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anglais, seront fort contents d'apprendre la nouvelle que donne l'Hindoo Patriot, c'est à savoir que les trois évêques de l'Inde, qui sont également reconnus comme les chefs des missionnaires, sont unanimes à confesser que jusqu'à ce jour leurs prédications, leurs exhortations et tous leurs efforts n'ont produit aucun effet. Bien plus, ces sermons, ces exhortations et ces efforts ont produit un effet contraire à celui qu'ils espéraient, car aujourd'hui beaucoup d'Anglais distingués ont abandonné la religion chrétienne, sont devenus musulmans et sont restés attachés à leur nouveau culte, bien que les musulmans ne soient pas très empressés à parcourir les rues et les ruelles et à y prêcher, comme le font les chrétiens. S'ils le faisaient, il ne serait pas étonnant que les conversions à leur culte prissent de l'extension ». L'exagération de ce passage, dans le journal d'un homme qui a donné tant de preuves de son loyalisme anglais et de son libéralisme, montre à quel point les musulmans se montent l'imagination, quand il s'agit de leurs espérances religieuses. Tout ce qu'ils ont appris à l'école des Européens, il l'ont, comme les Turcs, approprié à leur rêve de grandeur et à leur inaltérable foi dans l'avenir.

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BIBLIOGRAPHIE 2

Voir ci-dessus, t. XI, la bibliographie du chap. XV, p. 560.

Islam : Seyd Amir Ali, Spirit of Islam. Id., A critical examination of the life and teaching of Mohammed, 1874. Mollah Tcheragh Ali, Critical exposition of the law of Jihad.

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Turquie : De la Jonquière, Histoire de l'Empire ottoman, 1881. F. Charmes, L'avenir de la Turquie, 1883. Georgiadès, La Turquie actuelle, 1892. Victor Bérard, La politique du Sultan, 1897. L'Albania

(journal séparatiste publié à Bruxelles).

Inde : Garcin de Tassy, La langue et la littérature hindouslanies (brochures annuelles depuis 1870).

préface de J. Harmand, 1892.

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Sir John Strachey, L'Inde, trad. fr. et

1. Garcin de Tassy, année 1875, p. 108-109.

2. Les livres et les périodiques imprimés en turc et en arabe ne figurent pas dans cette biographie.

CHAPITRE XV

LA POLITIQUE EUROPÉENNE DEPUIS

LE TRAITÉ DE BERLIN

Triple Alliance. - Alliance franco-russe. Affaires d'Orient.

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Le traité signé à Berlin le 13 juillet 1878 a été l'événement diplomatique le plus important du XIXe siècle depuis le traité de Francfort. Il n'a pas seulement mis fin à une guerre sanglante et opéré des remaniements territoriaux considérables dans la péninsule des Balkans; il a créé une situation politique nouvelle, grosse de conséquences pour l'avenir.

C'est à indiquer sommairement ces remaniements territoriaux en Europe, à étudier cette situation politique nouvelle, à exposer ces conséquences, soit dans l'exécution même du traité, soit, depuis lors, dans la politique générale européenne, que nous

allons nous attacher.

Turquie. Roumanie. Serbie. Monténégro. Bulgarie. Avant la guerre, la Turquie, soit directement, soit par ses vassaux, touchait aux Carpathes, au Danube et à la Save. Après la campagne, elle en était violemment écartée et rejetée vers le sud. Non seulement l'indépendance de la Roumanie, de la Serbie et du Monténégro était formellement reconnue, et leur territoire considérablement agrandi, mais encore l'Au

triche-Hongrie s'installait en Bosnie et en Herzégovine, en vertu d'un droit d'occupation et d'administration, et était autorisée à faire de même, le cas échéant, dans le district de NoviBazar. Par la création d'une principauté de Bulgarie autonome et tributaire et d'une province privilégiée de la Roumélie Orientale, la véritable frontière nord des États du sultan était même reculée jusqu'en deçà des Balkans, tandis que, au sud, le congrès suggérait » l'idée d'une rectification qui faisait reculer les limites ottomanes, au profit des Hellènes, en deçà de Larisse et de Janina.

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La Roumanie, nous l'avons vu, devenait indépendante. Elle le payait, assez cher, par l'échange de la fertile Bessarabie contre les marais de la Dobroulcha.

La Serbie, reconnue, elle aussi, indépendante, obtenait à l'ouest Mali Zwornik et Sakhar, au sud-est le cours supérieur de la Morava jusqu'à Vrania, les districts de Pirot et de Nisch.

Le Monténégro jouissait déjà de l'indépendance; cette indépendance était reconnue formellement, le territoire de la principauté augmenté de près du double, notamment de Podgoritza. Enfin il obtenait un large accès à la mer par Antivari, sous condition toutefois de n'avoir ni bâtiments ni pavillon de guerre.

Par l'article 1er du traité, « la Bulgarie est constituée en principauté autonome et tributaire sous la souveraineté de Sa Majesté Impériale le Sultan; elle aura un gouvernement chrétien et une milice nationale ». Mais la Bulgarie, telle qu'elle était délimitée par l'article suivant du traité, était bien loin de comprendre tout le territoire auquel prétendaient les Bulgares. En fait, la principauté nouvelle n'était formée que des pays compris entre la Roumanie, la mer Noire et les Balkans, et du pachalik de Sofia. Une autre partie des pays revendiqués par les Bulgares, le versant sud des Balkans jusqu'au pachalik d'Andrinople, devait être placée sous un régime spécial. « Il est formé au sud des Balkans, disait l'article 13 du traité, une province qui prendra le nom de Roumélie Orientale et qui restera placée sous l'autorité politique et militaire directe de Sa Majesté Impériale le Sultan, dans des conditions d'au

tonomie administrative. Elle aura un gouverneur général

chrétien »'.

Conséquences morales du traité de Berlin. — En somme, la situation territoriale créée en Europe par le traité de Berlin se résumait dans deux faits essentiels : un recul considérable de la Turquie; l'entrée de l'Autriche-Hongrie dans la péninsule des Balkans. Des efforts prodigués et du sang versé, la Russie ne semblait avoir profité en Europe que pour acquérir la Bessarabie. L'Autriche, restée spectatrice de la lutte, paraissait en avoir recueilli le principal bénéfice.

Ce point de vue semblait encore plus juste quand on examinait, après la situation territoriale, la situation morale créée par le traité de Berlin.

Personne n'en était satisfait. La Turquie d'abord, qui espérait que l'héroïsme de ses soldats lui vaudrait au moins quelques ménagements. Tous les États des Balkans ensuite.

Nous avons dit plus haut les raisons que croyait avoir la Roumanie de se trouver lésée. La Serbie aurait préféré l'exécution pure et simple du traité de San Stéfano en ce qui la concernait. Le Monténégro regrettait d'avoir été obligé de laisser Spizza à l'Autriche et Dulcigno aux Albanais. Les Grecs, mécontents de ne pouvoir qu'espérer une rectification de frontières, craignaient pour leurs prétentions en Macédoine doublement menacées par les ambitions des Autrichiens et des Bulgares. Ces derniers enfin, à la place de la Grande Bulgarie indépendante qu'ils avaient rêvée, voyaient leur pays divisé et placé sous trois dénominations différentes, depuis la Bulgarie du traité presque complètement indépendante, jusqu'aux parties de la Bulgarie restées provinces turques, en passant par système de transition adopté pour la Roumélie Orientale, à laquelle on n'avait même pas voulu laisser le nom de Bulgarie Méridionale.

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La Russie. La Russie enfin acquérait en Europe la Bessarabie, ce qui la refaisait riveraine du Danube, et des avantages appréciables en Asie (Ardahan, Kars et Batoum); mais,

1. Nommé par la Sublime Porte, avec l'assentiment des puissances, pour un terme de cinq ans » (art. 17).

en dehors du prestige justement remporté par ses armes, elle semblait, après le traité, avoir autant et plus perdu que gagné.

Elle se trouvait séparée de la Méditerranée non plus par la Turquie seule, mais par un double cordon de petits États jeunes, remuants, paraissant devoir se montrer, ce qui était leur droit, fort jaloux de leur indépendance et fort disposés, sauf le Monténégro, à oublier le puissant protecteur qu'ils invoquaient naguère. De plus, sur le seul point où s'interrompait ce cordon de petits États, un État voisin et rival, sachant avoir, lui aussi, une politique habile à prévoir et tenace à réaliser, capable, lui aussi, d'appuyer ses conceptions par la force d'une armée brave et disciplinée, avait pour ainsi dire établi ses avant-postes, prêt à la devancer dans ces fertiles plaines du Wardar et de la Maritza, sorte de champ clos fixé par la nature aux hommes pour y décider le sort de la péninsule balkanique.

L'Angleterre et l'Autriche. Ainsi donc aucun des pays qui avaient pris part à la guerre ne semblait en avoir profité. Seules l'Angleterre et l'Autriche paraissaient sortir victorieuses du grand tournoi diplomatique par lequel elle avait pris fin. L'Angleterre y avait gagné de se poser en protectrice du sultan et d'ajouter une sûreté de plus à sa situation déjà si forte dans la Méditerranée; nous venons de voir quels avaient été les bénéfices de l'Autriche.

Mais, à côté des belligérants, à côté de l'Angleterre et de l'Autriche, à côté de l'Italie, qui avait su observer et attendre, et de la France qui, réservée sans être effacée, s'était bornée à défendre des traditions aussi désintéressées que séculaires, une autre puissance avait joué un rôle de tout premier ordre au congrès de Berlin. C'était celle-là même qui, après avoir lancé les invitations, avait donné l'hospitalité à ses membres, celle-là dont le principal homme d'État avait présidé et dirigé les délibérations, c'était l'Allemagne.

L'Allemagne. Sans contrecarrer en rien la politique de l'Angleterre, tout en assurant le succès de l'Autriche, elle avait su, en affectant à l'égard des Ottomans un désintéressement complet, poser les fondements d'une influence qui pouvait

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