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nalité, consulaire, d'extradition et de répression du brigandage. Enfin il fut stipulé entre les puissances qu'une commission internationale aurait sous son contrôle absolu « la perception et l'emploi de revenus suffisant au service de l'emprunt pour l'indemnité de guerre et des autres dettes nationales », et serait établie à Athènes. La Grèce sortait donc meurtrie de la lutte qu'elle avait engagée si imprudemment, mais si ce traité marque un recul de l'hellénisme, il n'en est pas moins évident que les efforts des Grecs n'ont pas tous été perdus, puisque la Crète a acquis son autonomie sous le hautcommissariat du prince Georges de Grèce et qu'il n'est pas probable qu'elle revienne jamais sous la domination ottomane.

La question arménienne. Un insuccès beaucoup plus complet a marqué les efforts des Arméniens. Par l'article 61 du traité de Berlin, la Porte s'était engagée à « réaliser... les améliorations et les réformes qu'exigent les besoins locaux dans les provinces habitées par les Arméniens et à garantir leur sécurité contre les Circassiens et les Kurdes », et à donner « connaissance périodiquement des mesures prises à cet effet aux puissances, qui en surveilleront l'application ». Devant l'inaction de la Porte, un réveil de la nationalité arménienne se manifeste en 1885 et, en janvier 1893, un mouvement éclata à Césarée et à Marsivan, qui fut comprimé avec la dernière rigueur. De nouveaux soulèvements y répondirent à Biblis (août-septembre 1894) et à Sassoun. La répression fut féroce. Une population d'environ cinq mille àmes fut massacrée et ses villages détruits. Devant les énergiques représentations des trois ambassadeurs d'Angleterre, de France et de Russie, la Porte se décida à adopter quelques réformes (ordre grand-viziriel et décret du 24 octobre 1895).

L'annonce de ces réformes n'eut d'autres résultats que de donner le signal d'un véritable massacre des Arméniens, dans lequel la complicité des autorités turques paraît évidente à Trébizonde, à Erzeroum, à Biblis, à Diarbékir, à Marache, des milliers d'Arméniens furent égorgés sans distinction d'âge ni de sexe, tandis qu'à Zeitoun, deux mille Arméniens étaient assiégés par des forces considérables. A la fin de février 1896

on évaluait à plus de 37 000 le nombre des chrétiens tués. Plus de 290 000 étaient réduits à la misère, environ 40 000 maisons ayant été pillées. Cependant le gouvernement ottoman ayant consenti à une capitulation pour Zeitoun (11 février 1896), et l'impression de terreur produite par les massacres venant en aide à la détente produite par la tournée d'inspection de Chakir Pacha dans les villages où les réformes devaient être mises en pratique, un moment d'accalmie se produisit. La Porte en profila pour ne rien faire. C'est alors qu'afin d'attirer l'attention de l'Europe, un groupe d'Arméniens fit sur la Banque de Constantinople cette tentative à main armée qui fut le signal d'un épouvantable massacre (26 août 1896) dans les rues de la capitale. Cette fois l'Europe parut s'émouvoir. Les stationnaires de Constantinople furent doublés; les puissances envoyèrent leurs flottes dans les eaux ottomanes, et devant ces manifestations l'exécution de quelques réformes a été commencée (février 1897), mais la question arménienne n'en reste pas moins la plus difficile, la plus délicate de toutes celles que la politique internationale aura un jour à résoudre en Orient.

VI.

Résultats de la politique internationale depuis 1878.

Cette politique internationale, malgré la difficulté de maintenir un accord unanime entre six grandes puissances dont les traditions, les intérêts, les sentiments se trouvent si souvent divergents, n'en a pas moins depuis 1878 obtenu des résultats importants. Elle a, en assurant l'exécution du traité de Berlin, constitué l'indépendance de la Roumanie, de la Serbie et du Monténégro. Par elle la Bulgarie, réunie à la Roumélie Orientale, jouit d'une autonomie à peu près complète, et telle va être, par la force mème des choses, la condition de la Crète. Si la Grèce a payé durement, trop durement, les imprudences de sa politique, l'accord des puissances a du moins su localiser une guerre qui pouvait, en s'étendant, devenir générale et consti

RÉSULTATS DE LA POLITIQUE INTERNATIONALE DEPUIS 1878 525

tuer un lamentable désastre pour la civilisation et l'humanité. Enfin, si, dans les affaires arméniennes, l'accord international est resté à peu près impuissant, il ne faut pas s'en prendre seulement à ses divisions latentes, mais surtout aux difficultés particulières d'un problème qui consiste à assurer les garanties nécessaires à une nationalité dispersée, qui n'est en majorité nulle part et qu'unissent seules, avec la langue, la race et les traditions.

BIBLIOGRAPHIE

I. Sources. Aucun gouvernement n'ouvre ses archives pour la période postérieure à 1878. On peut consulter en revanche les divers recueils de documents diplomatiques officiels, livres jaunes (France), bleus (Angleterre), blancs (Allemagne), verts (Italie). Pour les Livres bleus voir le catalogue publié annuellement sous le titre de : Index to reports of Her Majesty's diplomatic and consular representatives abroad on trade of subjects of general interest (Londres, Harrison and sons, in-8).

Des résumés chronologiques des faits sont publiés chaque année en France (Année politique, Paris, in-12); en Angleterre (Annual Register, Londres, in-8); en Allemagne (Geschichtskalender, Berlin, in-8). Pour les années 1889, 1890 et 1891, voir aussi La vie politique à l'étranger publiée sous la direction de M. E. Lavisse (Paris, in-12).

On pourra compléter ces renseignements par les documents et articles. publiés dans les Archives diplomatiques, le Mémorial diplomatique, la Revue diplomatique et consulaire, la Revue générale de droit international public (qui publie dans chaque numéro une chronique des faits internationaux), la Revue de droit international et de législation comparée (Bruxelles, in-8), etc. Consulter également : 1 en France, les chroniques bi-mensuelles de MM. Ch. de Mazade puis F. Charmes dans la Revue des Deux Mondes, les articles de la Revue de Paris, de la Nouvelle Revue, du Correspondant et de la Revue Bleue, les correspondances des grands journaux, Temps, Débats, Figaro; 2o en Allemagne, outre les principales revues et journaux, Staatsarchiv (Berlin, in-8); -3° en Angleterre, outre les journaux et revues, la collection, inestimable pour l'histoire, des Parliamentary papers.

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II. Travaux publiés. 1° OUVRAGES GÉNÉRAUX A. Debidour, Hist. diplomatique de l'Europe, t. II, Paris, 1891, in-8; E. Hippeau, Hist. diplomatique de la Troisième République, 1870-1889, Paris, 1889, in-8; Max. Choublier, La question d'Orient depuis le traité de Berlin, Paris, 1897, in-8.

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2o SUR LE TRAITÉ DE BERLIN ET SON EXÉCUTION: A. d'Avril, Négociations relatives au traité de Berlin, Paris, 1886, in-8; B. Brunswick, Le traité de Berlin annoté et commenté; — Charmes (Gabriel), L'avenir de la Turquie, Paris, in-12, 1883. Georgiadès, La Turquie actuelle, 1892, in 8. Victor Bérard, La Turquie et l'hellenisme contemporain, Paris, 1893, in-18. 3o SUR LA ROUMANIE J. Bengesco, Bibliographie franco-roumaine du XIXe s., 1895; R. Bergner, Rumänien, 1887; Petrescu et Stourdza,

Actes et documents relatifs à l'histoire de la régénération de la Roumanie, 1887-92, 7 vol.

4° SUR LA SERBIE: L. Leger, La Save, le Danube et les Balkans; Sp. Gopcevič, Serbien und die Serben, 1888; Id., Makedonien und Alt-Serbien, 1889.

5 SUR LA BULGARIE : Draudar, Le prince Alexandre de Battenberg, 1884; Farley, New Bulgaria; Sp. Gopcevič, Bulgarien und Ostrumelien, 1886; A. von Huhn, Der Kumpf der Bulgaren um ihre Nationaleinheit, 1886; Jirecek, Das Furstenthum Bulgarien 1891; - F. Kanitz, La Bulgarie Danubienne et le Balkan; Koch, Mittheilungen aus dem Leben und der Regierung des Fursten Alexander von Bulgarien ; L. Leger, La Bul

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garie; - Sobolew, Der erste Fürst von Bulgarien, Leipzig, 1886.

6o SUR LA BOSNIE ET L'HERZÉGOVINE: De Caix de Saint-Aymour, La Bosnie et l'Herzégovine après l'occupation austro-hongroise, Paris, 1884, in-12; Die Occupation der Bosnien und der Herzegovina im Jahre 1878, 1879-1880, Vienne, in-8; Bosnien unter österreichische-ungarische Verwaltung, Leipzig, 1886, in-8; Coquelle, Histoire du Monténégro et de la Bosnie depuis des origines, Paris, 1895, in-8.

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7° SUR LA TRIPLE ALLIANCE E. Simon, L'empereur Guillaume et son règne, Paris, 1886, in-8; Id., Histoire du prince de Bismarck, Paris, 1887, in-8; Id., L'Allemagne et la Russie au XIXe siècle, Paris, 1893, in-12 ; — P. H. X., La politique française en Tunisie, Paris, 1891, in-8.

8° SUR L'ALLIANCE FRANCO-RUSSE E. Daudet, Histoire diplomatique de l'alliance franco-russe, Paris, 1894, in-8.

9° SUR LES RÉCENTS ÉVÉNEMENTS D'ORIENT: Victor Bérard, La politique du Sultan, in-18; La Macédoine, in-18; Les Affaires de Crète, in-18.

CHAPITRE XVI

L'ÉGLISE ET LES CULTES

De 1870 à nos jours.

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L'orage qui secouait la coupole de Saint-Pierre, à l'heure même où le pape Pie IX promulguait le dogme de l'infaillibilité pontificale, était un présage. Un autre orage, religieux et politique, allait fondre sur l'Église d'abord le Vieux-Catholicisme, qui eut quelque importance en Allemagne et en Suisse, mais n'aurait cependant constitué qu'une agitation superficielle, si le prince de Bismarck n'avait cru avantageux pour sa politique de le soutenir; ensuite le Kulturkampf, forme nouvelle de la vieille hostilité des princes contre l'Église catholique, développement inattendu des doctrines joséphistes, qui, après avoir agité l'Allemagne, la Suisse, l'Autriche, fut adopté leualirs sous l'influence grandissante des sectes anti-chrétiennes; terminé maintenant en Allemagne, il ne l'est pas encore dans d'autres pays. — Il en est résulté une conséquence imprévue : l'Église, repoussée partout par les chefs d'État sur l'alliance desquels. elle s'était accoutumée à compter, a évolué. Sous l'habile direction de Léon XIII, elle s'est retournée vers les peuples; elle a fait alliance avec la démocratie. Gràce à l'impulsion donnée par les encycliques et les « directions pontificales », un mouvement nouveau se produit: les catholiques abandonnent les questions

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