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trente dernières années, perd pour ainsi dire tout intérêt. Contentons-nous donc d'en rappeler brièvement les événements les plus saillants.

L'expédition du Challenger (1873-1876), sur lequel les naturalistes anglais Wywile Thompson, Moseley, Murray, Wild, firent le tour du monde en draguant les abimes de l'Océan jusqu'à 8000 mètres de profondeur, prouva, contre l'opinion courante, que la vie y était aussi uniformément répandue que sur la terre et révéla nombre de types bizarres d'animaux adaptés à la vie dans l'obscurité et sous des pressions énormes.

Le perfectionnement des instruments d'optique et la technique des colorants électifs ont permis d'aborder l'étude des phénomènes qui se passent dans le noyau et le protoplasma, au moment où se divise une cellule (Strassbürger, en 1877); celle des circonstances de la fécondation au sein mème de l'œuf (Hermann Fol, en 1879, sur les œufs d'étoiles de mer, puis Guignard, Hertwig, Ed. van Beneden, etc.) Les mèmes études microscopiques, avec les procédés de Golgi et de Ramon de Cajal, nous ont montré les cellules nerveuses comme isolées entre elles et entrant en communication par les mouvements d'appendices susceptibles de s'allonger et de se rétrécir.

En 1877 parut la Gastrea d'Heckel, exposé de sa doctrine embryologique. Tout animal, au cours de son développement, a dû passer par la forme d'un simple sac à double paroi (gastrula); la différenciation ne se fait que par des reploiements de surfaces en lames ou feuillets. A cette théorie s'oppose la conception des cellules comme primitivement libres, susceptibles de se mouvoir, de s'associer et mème de lutter entre elles et de s'entre-détruire (phagocytose, découverte par Metchnikoff).

En 1885 a paru le premier volume d'un ouvrage désormais classique en géologie, Das Antlitz der Erde1, œuvre de l'Autrichien Suess, qui y a fait la synthèse des travaux provoqués par les polémiques entre les partisans de la théorie des causes actuelles de Lyell et ceux des doctrines de Cuvier.

1. Une traduction française des deux volumes parus a été publiée sous la direction de M. Emm. de Margerie La Face de la Terre (librairie Armand Colin).

Enfin, au milieu des querelles entre darwinistes et néolamarkiens, s'est fait récemment jour un essai théorique, dont on ne peut encore mesurer toute la portée, mais que mène en tout cas un esprit d'une rare vigueur, Le Dantec, pour constituer une conception de la vie sur une base purement chimique. D'autre part, les travaux de Charcot, de ses disciples et de leurs contradicteurs (École de la Salpêtrière, École de Nancy) ont fourni une base scientifique définitive pour l'étude des phénomènes de l'hypnotisme et de la suggestion, et pour leur application au traitement des maladies dépendant de l'hystérie; ils ont en même temps établi l'existence, entre la psychologie et la physiologie, de relations longtemps considérées comme fabuleuses. Les recherches dans la même voie continuent avec ardeur, sans que l'on puisse encore prévoir à quoi elles aboutiront.

Résumé. -- Ainsi le XIXe siècle s'achève en pleine activité scientifique; sa fin ne sera certainement pas pour le futur historien la clôture d'une période comme sans doute on en marquera une vers le déclin du XVIe siècle. Alors s'achevait le mouvement intellectuel qui, commencé à la Renaissance, et après quelques oscillations au début, avait pris sous l'impulsion de Descartes et de Newton une direction surtout mathématique, mais que l'on peut aussi caractériser comme essentiellement simpliste et rationaliste. L'astronomie fut ainsi achevée autant qu'une science peut l'être; mais la véritable méthode expérimentale pour l'étude de la nature avait à peine conscience de son pouvoir. De la physique à la biologie, tout a été renouvelé depuis un siècle, et l'œuvre théorique s'accélère si rapidement que les points qui semblaient définitivement acquis se trouvent presque immédiatement dépassés et transformés, et que le terme de l'effort actuel ne peut se prévoir. L'importance des applications pratiques de la science grandit peut-être encore plus vite et amène dans les conditions de la vie civilisée une révolution dont les répercussions sociales restent le secret de l'avenir. Et cependant, comme nous l'avons dit, le domaine des mathématiques est toujours cultivé avec une ardeur qui ne faiblit pas. Seules, la philosophie et les sciences sociales, après un magnifique élan pendant la première partie du siècle, sont

retombées dans une période de tâtonnements et d'incertitudes; elles attendent leur heure et le génie qui les sauvera de la banqueroute dont on ne s'est pas fait faute de parler.

BIBLIOGRAPHIE

Voir ci-dessus, t. XI, la Bibliographie du chapitre XXV. Mathématiques. Repertorium der literarischen Arbeiten auf dem Gebiete der reinen und angewandten Mathematik, Leipzig, 1877-1879. Riccardi, Biblioteca matematica italiana, 1880. -"Houzeau et Lancaster, Bibliographie générale de l'astronomie, 1885-1891. - Büttner, Erscheinungen auf dem Gebiete der Mathematik aus den Jahren 1884-1889, Leipzig. Répertoire bibliographique des sciences mathématiques, publié par séries de fiches, Paris. — Bulletin des sciences mathématiques (Darboux et J. Tannery) depuis 1870. Zeitschrift für Mathematik und Physik (Schlœmìhl et Cantor) depuis 1856.

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Physique et chimie. Glazenbrook, Report on optical Theory, 1885. Rosenberger, Geschichte der Physik, Brunswick, 1890. Berthelot, Essai de mécanique chimique fondée sur la thermo-chimie, 1879. — Encyclopédie chimique de Frémy. Annales de chimie et de physique, etc. Médecine et sciences naturelles.

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Fournié, Application des sciences à la médecine, 1878. Barrillon, Histoire de la médecine, 1887. Dechambre, Dictionnaire encyclopédique des sciences médicales.

CHAPITRE XVIII

L'ART EN EUROPE
De 1870 à nos jours.

Ces trente dernières années du siècle, que les catastrophes de 1870-1871 séparent violemment de la période antérieure, marqueront-elles dans l'histoire de l'art un moment décisif? Il faudrait pour l'affirmer dès à présent engager nos successeurs, prédire le développement complet de certains germes, l'orientation définitive de certaines tendances ou velléités dont on peut observer déjà la croissance, constater tout au moins l'apparition. Le danger serait trop grand, en de telles conjectures, de prendre pour des réalités historiques les préférences de notre esprit ou les désirs de notre cœur. L'histoire doit s'arrêter où commenceraient les prophéties... A ne considérer pourtant la période qui s'achève que comme une conclusion provisoire et l'aboutissement de l'activité créatrice de tout un siècle, incontestablement fécond et glorieux, il est permis de dire que l'art n'a eu à regretter aucune de ses révoltes contre le joug académique, qu'on le trouve dans tous les pays, d'autant plus vivant, expressif et national qu'il y a pris plus librement et plus dírectement contact avec la nature et la vie. On peut ajouter que, dans cette œuvre d'affranchissement, c'est presque toujours de la France que partirent la parole libératrice, l'initiation et l'exemple.

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L'Architecture.

La première tâche qui s'imposa à la nouvelle République fut de relever les ruines fumantes dont l'invasion et la guerre civile avaient jonché le sol de la patrie. Elle ne manqua pas à ce devoir; mais on ne saurait dire que l'architecture française y trouva l'occasion du renouvellement attendu. Certains édifices, comme les Tuileries, la Cour des Comptes, le ministère des Finances, restèrent définitivement abolis; le nouvel Hôtel de Ville ne fut, avec quelques modifications, qu'une reproduction de celui qu'il remplaçait. Quant à l'église votive du Sacré-Coeur de Montmartre, décrétée par le Parlement, sous l'inspiration d'un dessein politique plus encore que dans la ferveur d'une piété et d'un mysticisme désintéressés, elle ne fut aussi qu'une adaptation du vieux style roman périgourdin. L'autre grand édifice religieux construit ou achevé durant la même période, la cathédrale de Marseille, est également le produit d'un éclectisme composite; elle présente solennellement aux Orientaux qui débarquent sur le quai de la Joliette un souvenir de l'architecture de leurs pays combinée avec d'autres réminiscences romanes et gothiques.

C'est dans les églises plus modestes de Saint-Pierre de Montrouge et d'Auteuil, où l'obligation d'économiser sur la dépense et de tirer parti des conditions ingrates du terrain semble avoir inspiré plus que desservi l'architecte, qu'on trouvera peut-être l'expression la plus originale de l'art religieux à la fin du XIXe siècle. M. Vaudremer y donna des modèles parfaits d'une architecture franche, simple et logique où l'ornementation n'est que l'affirmation élégante et expressive des procédés de construction, et prouva que l'intelligence profonde des véritables traditions nationales est compatible avec la nouveauté, si mème elle n'en est pas la condition première. La crypte funéraire où reposent les restes de Pasteur est aussi, avec ses revêtements de mosaïques, d'une belle, harmonieuse et ferme conception. Ce ne sont pas d'ailleurs les édifices religieux qui marqueront

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