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dominant; aussi le parti démocrate s'était-il constamment opposé à leur prétention d'être élevés au rang d'États.

La victoire du parti républicain dans l'élection présidentielle de 1888 eut enfin raison de cette résistance. Le Sénat et la Chambre des représentants à Washington décidèrent l'admission de ces trois Territoires. Comme le Dakota avait une population déjà importante et une étendue considérable, il fut divisé en deux parties, l'une du nord, l'autre du sud, et forma deux États distincts. Les formalités nécessaires furent remplies; chacun des nouveaux membres de l'union se donna une constitution complète et élut son gouverneur, ses agents exécutifs, ses juges, ses deux sénateurs fédéraux, son représentant au Congrès (1889). L'Union compta dès lors quarante-deux États au lieu de trente-huit, et le nombre des Territoires fut réduit à cinq, non compris l'Alaska, le district de Columbia et le Territoire Indien, chacune de ces divisions étant soumise à un régime spécial, distinct de celui du gouvernement territorial'.

Suspension de la loi de 1890 sur l'argent; tarif Wilson (1894). La seconde présidence de Cleveland ne fut pas heureuse. Une crise économique des plus intenses éclata en 1893 et prolongea ses effets jusqu'en 1896. Le président eut à combattre non pas seulement les républicains, mais une fraction très nombreuse de son propre parti qui inclinait de plus en plus, à mesure que la population s'accroissait dans l'Ouest, à une alliance étroite avec les socialistes et révolutionnaires qui commençaient à s'organiser en parti distinct sous le nom de « populistes », et avec les argentistes. Les démocrates du sound money et du tariff for revenue only furent cependant

1. La date officielle de l'admission a été le 2 novembre 188) pour le Dakota Nord et le Dakota Sud, le 8 novembre 1889 pour le Montana, le 11 novembre 1889 pour le Washington.

Le 3 et le 11 juillet 1890 furent admis l'Idaho et le Wyoming, comme 43° et 44 États. L'Utah, enfin, entra dans l'Union comme 45° État le 4 janvier 1896.

Entre temps une partie notable du Territoire Indien avait été organisée comme un Territoire régulier, sous le nom d'Oklahoma, le 2 mai 1890. Restent encore dans la situation de Territoires le New Mexico et l'Arizona, organisés l'un le 9 septembre 1850, l'autre le 24 février 1863. Les divisions soumises à un régime spécial sont, en 1900: le district de Columbia, l'Alaska, ce qui reste du Territoire Indien, les îles Hawaï, l'ile de Porto-Rico, l'ile de Guam, l'ile de Tutuila (Samoa) et les Philippines.

assez nombreux pour faire voter par le Congrès; en 1893 la suspension de la loi de 1890 sur les achats de 54 millions. d'onces d'argent par an; en 1894 le tarif Wilson, qui représentait une certaine atténuation des droits les plus exagérés du tarif Mac Kinley, tout en restant une mesure très protectionniste, au point que Cleveland hésita un moment à le sanctionner.

L'élection présidentielle de 1896. Bryan et Mac Kinley. La suspension de la loi de 1890 porta à un tel degré d'exaspération les partisans du bimétallisme national (ou de l'étalon d'argent pur et simple) qu'ils engagèrent contre le président une lutte sans merci et décidèrent de réclamer désormais, sans accepter aucun compromis, la liberté de la frappe pour le métal favori de l'Ouest. Tous les éléments hostiles aux classes financières, commerciales et manufacturières de l'Est se coalisèrent à la fois contre Cleveland et contre le parti républicain. Le parti populiste faisait d'importants progrès. La masse des démocrates se jeta toute du côté du parti populiste qui prenait une force redoutable, et laissa le président isolé à Washington avec son programme, qui n'était plus celui du parti, et son petit groupe d'amis, qui aurait mieux figuré dans le parti républicain que dans la démocratie nouvelle. Celle-ci trouva son représentant parfait dans un jeune et ardent avocat du Nebraska, G. Bryan, et l'adopta comme son candidat pour la présidence. Dans une campagne forcenée de discours, Bryan se fit le dénonciateur des corporations financières, des trusts, des manufacturiers, des banquiers, monopoleurs, sectateurs de l'or, stipendiés du Cobden Club, humbles serviteurs de la ploutocratie britannique. Les républicains s'étaient serrés autour de l'homme qui leur parut le mieux représenter leurs idées et leurs aspirations, le parrain du fameux tarif Mac Kinley qui avait provoqué en Europe une si forte émotion et tant de controverses.

Les démocrates restés fidèles à Cleveland votèrent en 1896 pour le candidat républicain ou pour un candidat indépendant. C'est pour une bonne part grâce à cet appoint que le protagoniste du parti républicain, défenseur des intérêts protectionnistes, de l'énorme industrie qui inonde aujourd'hui le monde

de ses produits, et de l'organisation des trusts en laquelle s'est manifestée cette expansion industrielle, dut d'obtenir 271 suffrages du collège électoral contre 176 donnés à Bryan, et 7 105 000 voix contre 6 502 000 dans le scrutin populaire.

Le tarif Dingley et la loi sur l'étalon d'or. — Les deux concurrents sont de nouveau en présence en 1900. Mais la situation s'est notablement modifiée dans ces quatre années. D'une part, le Congrès a voté, le 14 mars 1900, une loi qui établit d'une manière définitive le régime de l'étalon d'or aux États-Unis et règle la question monétaire. De l'autre, la guerre hispano-américaine a soulevé des questions nouvelles et donné naissance à un élément politique inconnu jusqu'alors des Américains, l'impérialisme. Au point de vue protectionniste, le parti républicain est resté aussi déterminé qu'il l'avait jamais été, et en a donné la preuve en votant, le 24 juillet 1897, le tarif Dingley qui remplaça le tarif Wilson de 1894 et contint, ce qui paraissait si peu vraisemblable, de fortes aggravations des droits de l'ancien tarif Mac Kinley'.

Le census de 1890 avait déjà révélé un accroissement extraordinaire de la richesse publique aux États-Unis. Celui de 1900 ne réserve pas de moindres surprises. Après l'issue de la lutte présidentielle de 1896, la grande république américaine accusa un développement phénoménal de prospérité. Les exportations atteignirent des chiffres que l'on n'imaginait pas comme possibles il y a peu d'années; elles arrivent à dépasser presque de moitié les importations. L'accroissement a été surtout considérable dans les exportations d'objets manufacturés. Les produits des usines de l'Union vont faire concurrence dans l'Extrême-Orient et jusque dans la Méditerranée à ceux de l'Europe. Les États-Unis, de pays débiteur qu'ils étaient, sont devenus un pays créditeur, et d'importantes opérations d'emprunt ont été engagées à New-York en 1900 pour l'Angleterre

1. Les recettes du Trésor ont été en 1898-99 de 610 millions de dollars, dont 206 millions provenant des droits d'entrée. Ces droits ont été perçus sur les deux tiers environ d'un ensemble d'importations de 697 millions de dollars, le reste (café, thé, soie grège, peaux brutes, et quelques autres articles) étant admis en franchise. 2. 1 231 millions de dollars en 1897-98; 1227 millions en 1898-99; 1350 millions en 1899-1900. Ces chiffres comprennent les réexportations de marchandises étrangères, mais non les exportations de métaux précieux.

et pour l'Allemagne. C'est une énorme révolution économique, et dont les phases ultérieures ne peuvent être encore prévues. La guerre hispano-américaine et l'impérialisme. Cleveland, dans les derniers temps de sa présidence, étonna l'Europe et effraya quelque peu l'Angleterre par la publication de son message sur l'affaire du Venezuela (décembre 1895), et par la hautaine évocation que son secrétaire d'État, Olney, fit, à cette occasion, de la doctrine de Monroe. On comprit que c'en était fait sans doute de la tranquillité dans laquelle vivait le monde américain, loin du tourbillon des difficultés internationales. Les États-Unis semblaient se réveiller d'un long sommeil et se préparer à avoir de nouveau une politique extérieure. On vit en effet se constituer dès lors au Congrès un groupe de partisans de la guerre, que l'opinion publique affubla du sobriquet de jingos, mais que de nombreuses accessions rendirent bientôt très influents. Cette tendance belliqueuse, qui tout d'abord s'était dirigée contre l'Angleterre, fut bientôt détournée, par les événements de Cuba, contre l'Espagne. La guerre éclata le 21 avril 1898, après la catastrophe du Maine. Le 1er mai, l'amiral Dewey, forçant l'entrée, mal défendue, de la baie de Manille, détruisit en deux heures l'escadre espagnole de l'amiral Montojo. Dans Cuba, la ville de Santiago fut bloquée par terre et par mer. La flotte de Cervera, qui était entrée dans ce port, y fut elle-mème bloquée, et n'en sortit, le 3 juillet, que pour être détruite entièrement en quelques heures par la division du commodore Schley. La ville de Santiago capitula le 17 juillet. L'Espagne recula devant une continuation de la lutte et signa les préliminaires de paix le 12 août. La commission américaine pour le traité de paix définitif fut nommée le 9 septembre. Elle se rendit à Paris, où les négociations avec les commissaires américains commencèrent le 1 octobre. Après de longues hésitations le président des États-Unis donna pour instructions aux négociateurs des États-Unis d'exiger la cession des Philippines. L'Espagne dut céder. Elle obtint pour prix de l'abandon des Philippines une somme de 20 millions de dollars, mais les Américains refusèrent d'autre part d'assumer la dette cubaine. Le traité définitif fut conclu sur ces bases le 10 décembre.

Transmis au Sénat le 4 février 1899, il fut ratifié par le Sénat le 5 février par 57 voix contre 27, signé par le président le 10 février et par la reine régente le 17 mars. L'échange des ratifications eut enfin lieu à Washington le 11 avril.

A cette époque les Américains étaient engagés contre les indigènes de l'Archipel des Philippines, dans une guerre qui leur impose encore aujourd'hui de lourds sacrifices en capitaux et en hommes. Le 13 août 1898, vingt-quatre heures après la signature des préliminaires de paix, la ville de Manille s'était rendue aux Américains. Ceux-ci avaient conservé jusqu'alors avec Aguinaldo des relations en apparence au moins amicales. La situation se modifia rapidement, et, le 5 février 1899, les Philippins sous Aguinaldo attaquèrent les lignes américaines à Manille. Tout l'archipel était soulevé; il fallut, même dans l'île de Luçon, conquérir le terrain pied à pied. A la fin de 1899, les troupes américaines opérant aux Philippines représentaient un effectif de 60 000 hommes '. Elles avaient soutenu pendant toute l'année d'incessants combats et subi des pertes cruelles. Le général Lawton fut tué le 19 décembre 1899 à San Mateo. Au milieu de l'année 1900, la conquète n'était pas achevée et il était impossible de préjuger quand elle le serait.

Les États-Unis ont été impliqués en juin 1900 avec les grandes puissances et le Japon dans les affaires de Chine. Ils détachèrent quelques troupes des Philippines, qui, sous les ordres du général Chaffee, ont pris part aux diverses opérations dont le terme fut l'entrée des alliés à Pékin. Le gouvernement des États-Unis, adopta après la délivrance des légations étrangères une politique très réservée. En octobre 1900, les troupes furent définitivement rappelées aux Philippines.

Le président voulait avoir les mains libres à la veille de l'élection présidentielle de novembre 1900. La question des possessions lointaines était la principale de celles que l'élection avait à résoudre pour l'avenir des États-Unis. Les démocrates

1. Une loi du 4 mars 1899 a autorisé le président des États-Unis a élever à 65 000 hommes l'effectif de l'armée régulière et à enrôler 35 000 hommes de troupes d'une armée volontaire. Cette organisation, toute provisoire, devait prendre fin le 1er juillet 1901.

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