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existe-t-il aujourd'hui de puissantes colonies allemandes et italiennes au Brésil. L'événement qui favorisa le plus l'arrivée des Allemands fut assurément la reconnaissance d'un état civil aux habitants nés en dehors du catholicisme (1861).

De 1820 à 1830 il n'y avait eu que 7000 arrivants. Les chiffres s'accrurent considérablement dans la suite en 1862 il y avait 45 000 individus originaires d'Allemagne au Brésil; en 1892 il y en avait 240 000 appartenant aussi bien au culte catholique que protestant. Ces colons ont une tendance à se grouper dans les mêmes pays : ils forment des îlots germaniques dans le Rio Grande do Sul et en Santa-Catarina, tandis que les Italiens arrivés au nombre de 31 445 en 1887, 97 730 en 1888, 65 000 en 1889, sont éparpillés sauf dans le San Paulo, où ils sont 150 000 (d'autre part on en trouve 30 000 à Rio1).

Chute de Don Pedro; la République proclamée (1889). En 1889 l'Europe apprit brusquement l'abolition du régime impérial au Brésil. L'événement semblait imprévu nulle question grave dans l'ordre économique et politique ne semblait favoriser une révolution; le Brésil passait pour l'État le mieux administré de l'Amérique du Sud; les budgets se soldaient en excédent; les charges militaires étaient très supportables; le gouvernement parlementaire fonctionnant sans encombres venait d'amener les libéraux au pouvoir; l'Empereur était populaire.

En réalité peu de gens menèrent l'affaire, mais ils le firent activement. C'étaient des partisans convaincus de la forme républicaine et des mécontents du gouvernement de Don Pedro, dont la cécité et la vieillesse favorisaient la politique du comte d'Eu, mari de l'héritière de la couronne, impopulaire et redouté. Il y avait à craindre que l'influence d'un prince jeune laissât moins de liberté au jeu des institutions parlementaires. Depuis longtemps l'apostolat positiviste de M. Benjamin Constant, professeur de mathématiques à l'École militaire, avait conquis une petite partie de la nation à l'idée républicaine : les instituts mili

1. Cet afflux puissant d'étrangers peut avoir un jour de graves conséquences dans la vie intime du pays brésilien; il importe donc de suivre attentivement le mouvement d'immigration dans les Monatshefte zur Statistik des deutschen Reichs et dans le Bulletin de l'Institut international de statistique de Rome. Cf. aussi Meuriot, Revue de géographie, janvier 1892.

taires lui avaient fait accueil; il y avait deux journaux républicains, rédigés par MM. Quintino Bocayuva et Ruy Barbosa. Faut-il croire, avec quelques-uns, que la chute du régime impérial était souhaitée par des grands propriétaires qui ne lui pardonnaient pas la suppression de l'esclavage, par des provinciaux qui redoutaient la centralisation sous le futur gouvernement de l'épouse du comte d'Eu? Peut-être, mais les plus déterminés étaient, avec les journalistes républicains, les officiers mécontents d'être exilés en garnison dans le Matto Grosso et dans les postes lointains de l'Amazonie. Quand le maréchal Da Fonseca et l'amiral Van den Kolk furent désignés pour de semblables disgrâces, le maréchal et Benjamin Constant agirent. Don Pedro signa son abdication sans résistance et partit avec sa famille pour l'Europe.

L'état-major

Dix ans de République (1889-1899). de cette révolution forma un gouvernement provisoire et proclama la République sous la forme fédérative, pour rallier les sympathies des provinciaux. Le maréchal da Fonseca devenait président et les ministères étaient partagés entre Barbosa aux Finances, Bocayuva aux Affaires étrangères, Van den Kolk à la Marine, Benjamin Constant à la Guerre. Malgré la présence de ministres civils, c'était un gouvernement militaire, après un coup d'État militaire; les provinces reçurent pour la moitié des gouverneurs pris dans l'armée; d'ailleurs le gouvernement provisoire se déclara nettement constitué par l'armée et par la marine au nom de la nation.

Le nouveau gouvernement, en attendant de promulguer une constitution élaborée, prit un certain nombre de mesures radicales séparation de l'Église et de l'État; établissement du mariage civil; institution d'une fête nationale le 14 juillet; la devise Ordre et Progrès inscrite sur les drapeaux. L'influence des idées françaises se trahissait dans quelques détails caractéristiques, comme les correspondances officielles parachevées par le fameux Salut et fraternité!

L'élaboration d'une constitution fut simplifiée par le désir de façonner la forme politique des États-Unis du Brésil sur la forme de la grande République nord-américaine.

HISTOIRE GÉNÉRALE. XII.

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A la base de la constitution sont le suffrage universel' et le fédéralisme. Chacun des vingt et un États a son autonomie; le gouvernement fédéral est constitué par l'exécutif dévolu à un président élu pour cinq ans au suffrage à deux degrés, et le législatif, qui réside en deux Chambres, dont l'une représente les États (trois représentants par État), c'est la Chambre haute, et la Chambre des députés qui représente la population (un député pour 70 000 électeurs).

En réalité, si le Brésil venait d'être doté d'une constitution admirablement faite pour l'exercice de la liberté politique, et heureusement éprouvée ailleurs, il connut dans les premières années du régime républicain les vicissitudes ordinaires des pays récemment appelés à la vie politique.

Ce ne furent d'abord que conflits entre l'exécutif et le législatif, le président et les Chambres, entre le pouvoir fédéral et les provinces, entre les deux corps rivaux d'officiers de l'armée de terre et de l'armée de mer. L'ère des coups d'État et des guerres civiles commençait.

La présidence Da Fonseca a duré deux ans; le maréchal crut d'abord pouvoir vaincre ses adversaires par des mesures brutales dissolution du congrès (4 novembre), proclamation de l'état de siège; mais il fallut céder à la force : le Rio Grande do Sul menaçait le président d'une sécession. Da Fonseca dut donner sa démission (1891).

Le président du Sénat, qui avait joué un rôle important dans la campagne menée contre Da Fonseca, lui succéda conformément à la constitution : c'était le général Peixoto. Le régime de dictature continua; c'était l'armée qui gouvernait. En 1893 la flotte se révolta sous le commandement de l'amiral Custodio de Mello, puis sous celui de l'amiral Saldanha de Gama; Rio fut bloqué, mais l'armée l'emporta sur la marine en 1894, et le Rio Grande do Sul, toujours prêt à la résistance contre le président, resta encore révolté jusqu'en 1895.

Enfin, en 1894, Peixoto se retira après avoir fait sanctionner sa conduite par le congrès; le successeur du maréchal Da Fonseca

1. Pour écarter les nègres on a déclaré que les électeurs devraient savoir lire et écrire.

et du général Peixoto était le docteur G. Prudente de Moraës Barros. C'est sous cette présidence (15 novembre 1894-1er mars 1898) que fut réglée par un arbitrage du président des ÉtatsUnis de l'Amérique du Nord, Cleveland, la question du territoire des Missions; que l'Angleterre a reconnu les droits du Brésil sur la Trinité, et que la France a accepté un arbitrage pour le règlement du contesté guyanais (1897).

Le 1er mars 1898, M. Campos Salles a été élu président; il prit le pouvoir le 15 novembre; le président du Sénat et le viceprésident des États-Unis du Brésil était M. Rosa Silva.

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République Argentine. Crise financière. — A Sarmiento, président de 1873 à 1874, succéda le docteur Nicolas Avellaneda, qui l'avait emporté sur Mitre; Mitre s'insurgea, mais il fut vaincu; Avellaneda gouvernait légalement depuis le 12 octobre 1874. Le gouvernement se retira à Belgrano. L'antagonisme entre la capitale et la province renaît alors. Il marque la période de la présidence du général J.-A. Roca (1880-1886), remplacé le 12 octobre 1886 par le docteur Juarez Celman.

Ces conflits se compliquèrent d'une crise économique occasionnée par les sacrifices faits pour favoriser l'immigration européenne et surtout par une scandaleuse administration. La crise devint aiguë sous la présidence de Arce; la spéculation ruinait le crédit public, les financiers européens finirent par considérer les affaires argentines comme des affaires véreuses; le président Celman, violemment pris à parti, dut se retirer et laisser la place au vice-président Pellegrini, qui resta au pouvoir jusqu'en 1892.

En Europe la crise argentine eut un terrible contre-coup; la grande maison de banque anglaise de Baring dut déposer son bilan. Il fallait à tout prix mettre fin à la crise financière et un syndicat de financiers européens s'en chargea; il mit la main sur le pays.

Ces événements n'entraînaient cependant pas la pacification des partis et, de 1893 à 1895, toutes les provinces se trouvaient sous les armes; elles reconnaissaient pour chef le général Roca contre les Buenos-Ayriens commandés par Mitre; c'est à peine si, en 1890, les troubles s'apaisèrent.

Le trait caractéristique de cette époque c'est la jalousie qui sépare la capitale des provinces.

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Colombie; triomphe des libéraux. Rafael Nunez. Les pouvoirs du général Salgar avaient pris fin le 1er avril 1872; il eut pour successeur le docteur Murillo Toro (1872-1874), remplacé lui-même par le docteur Santiago Pero (1874-1876).

Malheureusement les guerres civiles n'étaient pas finies à jamais; le pays s'agita; cléricaux et libéraux se heurtèrent une fois encore au sujet de l'enseignement. Les évêques ne pouvaient pas admettre que les libéraux supprimassent l'instruction religieuse à l'école. Le pays se coupa en deux; les provinces de Condinamarca, de Santander et de Cauca se déclarèrent principalement en faveur des libéraux, qui battirent leurs adversaires.

Ces événements se passaient sous la présidence de Parra (1876-1878), qui transmit le pouvoir au général Trujillo, vainqueur dans la répression des menées cléricales. Trujillo (18781880) fut à son tour remplacé par le docteur Rafael Nunez de 1880 à 1882 et de 1884 à 1886.

Au cours de sa deuxième présidence celui-ci eut une insurrection à réprimer (janvier 1885) et, persuadé que la République était menacée de dissolution par le relâchement du lien fédéral, il fit établir une constitution unitaire (août 1886). Il fut chargé de la présidence pour six ans. Réélu pour la quatrième fois en 1894, il mourut la même année et fut remplacé par le viceprésident, M. A. Caro.

Vénézuela; rôle capital de Guzman Blanco. Les années 1868 et 1869 s'étaient passées au Vénézuela au milieu

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