Page images
PDF
EPUB

d'assaut les remparts, les maisons, la kasba. Puis l'amiral occupa les autres ports: Sousse, Gabès, l'île de Djerba.

:

Les élections d'août, favorables au gouvernement, lui permirent de porter à 35 000 hommes les renforts envoyés en Tunisie et d'organiser l'expédition sur Kairouan, la ville sainte, dans la région des steppes. Trois colonnes furent dirigées sur elle de Tebessa, celle du général Forgemol; de Tunis, celle du général Logerot; de Sousse, celle du général Étienne. Le général Saussier dirigeait en chef les opérations. Du 26 au 29 septembre, les trois colonnes se trouvèrent réunies sous Kairouan. Grâce à la sagesse du gouverneur, Si Mohammedel-Mrabet, la ville ne se défendit pas. Dans l'extrême Sud, Aliben-Khalifa et les tribus dissidentes, désespérant de résister à l'imposant déploiement de nos forces, passèrent en Tripolitaine. Plus tard, les efforts de notre consul général à Tripoli, Féraud, les décidèrent à faire leur soumission.

[ocr errors]

Organisation de la Tunisie : le protectorat; le contrôle; les réformes. La France a rempli l'engagement qu'elle avait pris de maintenir la dynastie; quand mourut le bey Saddok, elle lui donna pour successeur, conformément à la coutume, son frère Ali (22 octobre 1882). Le pouvoir du bey resta, en principe, absolu; mais ce pouvoir absolu, c'est la France qui l'exerce sous le nom du bey. Le traité de la Marsa (8 juin 1883), complétant le traité du Bardo, nous autorise à opposer un véto à tout acte du souverain qui pourrait nuire à la bonne administration du pays. Le résident général est, à la fois, le représentant de la République auprès de Son Altesse et son ministre dirigeant. Il préside le « conseil des ministres ». Celui-ci comprend deux membres indigènes : l'un qui s'intitule premier ministre », l'autre qu'on appelle << ministre de la justice et de la plume »; deux ministres français : le résident général de France, qui dirige les relations extérieures et correspond directement avec le quai d'Orsay; le ministre de la guerre, qui n'est autre que le général commandant le corps d'occupation; puis, un secrétaire général (français) du gouvernement, chargé du contrôle de l'administration civile des indigènes; enfin, avec le titre de directeurs, les chefs des grands

[ocr errors]

services publics finances; travaux publics; agriculture et commerce; enseignement; postes et télégraphes. La fonction de résident général de France a été occupée successivement, après Roustan, par Paul Cambon, Charles Rouvier, Massicault, René Millet.

La Tunisie a été divisée en cercles, dans chacun desquels on a laissé subsister les caïds et les autres autorités indigènes; mais à la tête de chaque cercle est placé un contrôleur civil français, assez analogue, en fait, à l'administrateur civil des communes mixtes d'Algérie, quoiqu'il soit censé ne pas administrer, mais simplement contrôler. Il relève du secrétaire général du gouvernement.

Dans les villes principales, on a organisé des municipalités, instituées par décret, avec des membres nommés par décret. Chacune d'elles comprend, en proportions diverses, des Européens, des musulmans et des israélites. Les premières instituées furent celles de Tunis, Bizerte, La Goulette, Le Kef, Sousse, Mehdia. Ailleurs, ce sont de simples commissions municipales, chargées de la voirie et police locales.

:

Avant l'occupation française, la justice était rendue aux musulmans par les tribunaux islamiques; aux israélites, par les tribunaux rabbiniques. Dans les litiges personnels ou mobiliers intéressant des Européens, par le consul de leur nationalité c'est ce qu'on appelle le régime des capitulations. S'il s'agissait de litiges immobiliers, les Européens eux-mêmes étaient soumis à la juridiction beylikale. L'œuvre qui s'imposait à la France peut se résumer en ces termes : 1° limiter la compétence de la justice indigène; 2° installer une justice française; 3° négocier avec les puissances européennes la suppression des capitulations.

Sur le premier point, la juridiction du Chara (compétente en matière immobilière) et de l'Ouzara (compétente en matière personnelle) a été strictement délimitée. En 1883 et 1887 furent institués deux tribunaux de première instance (Tunis et Sousse) et seize justices de paix. Une sorte de jury fut adjoint aux deux tribunaux pour les causes criminelles. Des décrets beylikaux ont étendu successivement la compétence de ces juri

dictions à des catégories de plus en plus nombreuses de sujets tunisiens. Il restait à obtenir des puissances que leurs sujets et protégés y fussent soumis ce résultat fut obtenu dès le 1er août 1884, après une série de négociations, parfois assez difficiles, notamment avec l'Angleterre et l'Italie.

:

La Régence bénéficia d'une conversion de la dette, qui fut en même temps unifiée. Les impôts vexatoires pour la population furent abolis. Les caïds, chargés de leur perception, furent étroitement surveillés. La Tunisie eut pour la première fois des budgets réguliers depuis 1884, ils se sont toujours soldés en excédent. Avec ses propres ressources, sans imposer à la France d'autres dépenses que les dépenses dites « de souveraineté », la Tunisie put accomplir de grands travaux publics : établir un réseau de routes et de chemins de fer; créer les ports de Tunis, Bizerte, Sousse, Sfax; développer l'instruction publique dans toutes ses branches, lycées, collèges, école normale, écoles primaires pour les Européens, écoles françaises destinées aux musulmans; encourager les fouilles à Carthage et dans les gisements de ruines puniques ou romaines; fonder des musées, comme celui d'Alaouï au Bardo.

L'application du système Torrens, emprunté à l'Australie, les mesures tendant à écarter les obstacles opposés par la coutume tunisienne à l'acquisition des terres, la location à bail emphytéolique des biens habous ou de main-morte, a fait passer plus de 400 000 hectares entre des mains françaises. La plantations des vignes, des oliviers, des arbres fruitiers, a pris une grande extension. La découverte et l'exploitation des gisements de phosphate a donné lieu à un énorme mouvement d'affaires. Le chiffre des exportations ou importations a sextuplé. En 1896 et 1897, le ministre des affaires étrangères Hanotaux, par des conventions avec l'Angleterre, l'Italie et les autres puissances, a obtenu la revision des traités de commerce qu'avaient autrefois signés les beys.

Le régime du protectorat a donc fait ses preuves en Tunisie. Les progrès y ont été plus rapides que dans l'Algérie même, avec ses conseils élus, sa représentation au Parlement de la métropole, sa liberté de la presse. A Tunis, le résident général

est simplement assisté d'une commission consultative, convoquée deux fois par an, et qui comprend les délégués des municipalités, des chambres de commerce, des associations. agricoles, etc.

II.

Le Sénégal et le Soudan.

le plan d'expansion.

Faidherbe, gou

Faidherbe verneur du Sénégal, avait donné la formule de l'expansion vers l'Est, c'est-à-dire au delà des hauteurs séparant le bassin du Sénégal de celui du Niger. Il dut laisser à d'autres le soin de poursuivre l'exécution de ses plans; mais jamais il ne cessa d'aider de ses conseils et de sa haute influence les hommes qui assumèrent après lui la tàche commencée.

Premières luttes contre Ahmadou et Samory. Après Médine, fondée et défendue par Faidherbe contre le conquérant toucouleur1 El-Hadj-Omar, d'autres jalons furent posés sur la route qui menait du haut Sénégal au Niger supérieur. En 1879, au confluent du Bafing et du Bakhoï fut construit le fort de Bafoulabé. Dans la région supérieure du Niger subsistait, de l'empire fondé par El-Hadj-Omar, un puissant État sur lequel régnait son fils, le sultan Ahmadou, dont la capitale était Ségou-Sikoro. Sur la rive droite du Niger commençait à s'ébaucher, avec Bissandougou (dans l'Ouassoulou) pour capitale, l'empire de l'almamy Samory, qui alimentait par la chasse à l'homme et la traite des noirs son trésor et son armée.

On essaya de s'entendre d'abord avec Ahmadou. A la fin de 1879, on lui adressa une mission, dirigée par le capitaine Gallieni, en vue d'obtenir de lui un traité où il reconnaîtrait le protectorat de la France. La mission, attaquée en chemin et pillée par les Bambaras de Daba et villages voisins, ne put

1. Les Toucouleurs, sur l'énergie desquels avait reposé l'empire fondé par El-Hadj-Omar, sont un amalgame de Peulhs (hommes rouges, peut-être originaires de la Haute-Égypte) et de peuplades noires (Bambara, Malinké, Soninké, etc.). Voir le chapitre rédigé par le colonel (aujourd'hui général) Archinard dans notre France coloniale. Voir aussi Une Mission au Sénégal (ethnographie, etc.), 1900.

HISTOIRE GÉNÉRALE. XII.

46

[ocr errors]

arriver à Ségou-Sikoro et fut internée à Nango, par ordre d'Ahmadou. A la fin, effrayé par l'approche d'une colonne française, il aurait consenti à reconnaître que « le Niger est placé sous le protectorat français depuis ses sources jusqu'à Tombouctou dans la partie qui baigne les possessions du sultan >> (10 mars 1881). C'était au moins dans le texte français; on s'aperçut ensuite que le texte arabe en différait beaucoup.

La même année, le docteur Bayol faisait signer aux almamys du Fouta-Djalon le premier traité de protectorat.

Borgnis-Desbordes et Gallieni les Français sur le Niger. — Un grand pas en avant fut accompli par les trois campagnes (1880-1883) de Borgnis-Desbordes, alors lieutenantcolonel de l'artillerie de la marine.

En 1880, sur le plateau ferrugineux qui sépare le haut Sénégal du haut Niger, il élevait le fort de Kita. En février 1881, il en déblayait les abords par la destruction d'un tata (village fortifié), Goubanko, véritable colonie de pillards. Entre Bafoulabé et Kita, il créait le fort de Badoumbé. Il fut appelé dans la vallée du Niger par la nouvelle que Samory y assiégeait Kéniéra. S'il ne put sauver ce village, il infligea une sévère leçon aux bandes de l'almamy. Le 22 décembre 1882, il expulsait de Mourgoula les chefs toucouleurs. Il enlevait d'assaut le tata de Daba. Le 1er février 1883, il atteignait les bords du Niger à Bammako, où il construisit un fort, le premier que les Français aient élevé dans le vaste Soudan. Samory essaya de nous en disputer la possession. Ses bandes de sofas furent battues à Oueyako et Bankoumana (avril 1883).

En 1884, les partisans d'Ahmadou furent chassés de Nyamina. Le commandant Combes conclut un traité de protectorat avec le Bouré, une des régions aurifères du Soudan. Les postes fortifiés de Koundou et Niagassola furent construits. De 1885 à 1886, Samory essaya de s'opposer au ravitaillement de ces forts à Sitacolo, au marigot de Fatako-Djingo, il fut battu par le colonel Frey (1886). Il consentit à signer avec le capitaine indigène Mahmadou-Racine un traité de paix et de protectorat et livra en otage un de ses fils, Karamoko.

Nos progrès furent arrêtés par un soulèvement provoqué,

« PreviousContinue »