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dans la région même du Sénégal, par le prophète Mahmadou Lamine. Il en coûta deux campagnes (1886-1888) à Gallieni (promu colonel). Il profita de son succès pour étendre notre domination sur toutes les tribus au sud du Sénégal, jusqu'à la Gambie anglaise : ce qui lui permit de rejoindre nos possessions du Soudan à celles de la Cazamance et du Saloum, sur l'Atlantique. Il imposa au sultan Ahmadou le traité de Gouri (12 mai 1887) qui établissait formellement le protectorat français sur « les États présents et à venir» du sultan. A Samory il dépêchait l'énergique capitaine Péroz, qui le rejoignit à Bissandougou et lui dicta les termes d'un traité de protectorat que l'almamy n'osa refuser de souscrire (25 mars 1887): il nous cédait la rive gauche du Niger jusqu'au confluent de ce fleuve avec le Tinksso. On y construisit le fort de Siguiri. Gallieni imposa aux almamys du Fouta-Djalon un nouveau traité, plus précis que celui de 1881 (à Fougoumba, 30 mars 1888). Il imposa notre protectorat à Aguibou, frère d'Ahmadou et roi du Dinguiray, à Tiéba, roi du Kénédougou (capitale Sikasso), aux Bambara de Sokolo (à 120 kilomètres S.-O. de Tombouctou), aux Maures Embarek (au nord des États d'Ahmadou).

Le 1 juillet 1887, le commandant Caron, sur la canonnière le Niger, descendait le fleuve, passait sous les murs de SégouSikoro, reconnaissait les rives du Macina, royaume appartenant à Tidiani, un cousin d'Ahmadou, et, le 16 août 1887, mouillait à Korioumé, tout près de Tombouctou.

Les trois premières campagnes Archinard (18881891.) Sous le commandant Archinard, successeur de Gallieni, Koundian, qui appartenait au sultan Ahmadou, fut pris et transformé en une forteresse française. Samory dut signer un troisième traité, par lequel il nous cédait de nouveaux territoires sur la rive gauche du Niger, au sud du Tinkisso on y construisit le fort de Kouroussa. Les canonnières le Niger et le Mage, sous le commandant Jayme, firent de nouveau flotter nos couleurs dans les eaux de Tombouctou.

Le commandant Archinard se proposa très nettement deux objectifs la destruction de l'empire d'Ahmadou et celle de l'empire de Samory, les traités d'alliance ou de protectorat,

avec des chefs aussi relors, ne présentant aucune garantie. Ce fut par Ahmadou qu'il résolut de commencer.

Avec 742 combattants, dont 103 Européens, et un millier d'irréguliers noirs, en suivant la rive gauche du Niger, il arriva, le 6 avril 1890, en vue de Ségou-Sikoro, capitale d'Ahmadou, située sur la rive droite. Elle était défendue par Madani, fils du sultan. La petite armée française franchit le fleuve dans des barques. Madani s'enfuit sans attendre l'assaut. A Ségou-Sikoro, le commandant établit comme roi vassal de la France un descendant de la vieille dynastie bambara. Ce fut un des procédés constants de la politique française en Afrique partout où l'on ne juge pas utile de faire administrer par un de nos officiers le pays conquis, on restaure, sous notre protectorat, les anciennes dynasties 1.

Ahmadou se voyait réduit à la province du Kaarta; il l'avait enlevée à son frère Montaga, qui s'était fait sauter dans Nioro, capitale de ce royaume. Le sultan s'y trouvait enserré entre nos forteresses de Koundou, Badoumbé et Koniakary, assiégé par le soulèvement des tribus bambara, inquiété par les incursions des Maures sahariens. Nioro devint dès lors l'objectif d'Archinard. Le 1er janvier 1891, il y fit son entrée sans coup férir. Ahmadou continuait à fuir devant nous, chaudement poursuivi par nos spahis noirs. Il ne s'arrêta que dans le Macina, où son frère Mounirou venait de succéder à Tidiani.

En cette même année 1891, Archinard entama la lutte contre Samory. Celui-ci régnait encore sur 300 000 kilomètres carrés, cruellement dépeuplés par son trafic de chair humaine. Le 7 avril, Archinard, avec 736 combattants, dont 63 Européens, entrait dans Kankan, chef-lieu de la plus riche province de l'almamy; le 9, dans Bissandougou, la capitale.

Campagnes Humbert et Combes (1891-1893). Obligé de partir pour la France, il laissa au colonel Humbert la direction de la campagne 1891-1892. Celui-ci occupa les tata de

1. Un des épisodes de la campagne fut la prise du tata d'Ouossébougou, défendu avec tant d'énergie par les partisans d'Ahmadou, qu'il fallut un assaut de deux jours pour en venir à bout (25 et 26 avril). D'autres bandes de Toucouleurs furent dispersées à Talari, au gué de Kalé, à Fatalagui, aux bords du Krikou. Le 16 juin fut prise la forteresse de Koniakary.

Sanankoro et Kérouané, enleva d'assaut, le 14 février 1892, la forteresse de Toukouro. Peu s'en fallut que Samory ne fût capturé par un hardi coup de main dirigé par le capitaine Wintenberger, non loin de Kabiadiambara.

L'année suivante, ce fut le colonel Combes qui, avec 103 Européens, relança l'almamy dans son réduit de Guéléba, manqua encore cet éternel fuyard, mais lui prit son arsenal, son trésor et son harem, le rejeta au loin dans le sud-est, sur la frontière de la colonie britannique de Sierra-Leone.

Conquête du Macina (1893). - Pendant ce temps, le colonel Archinard, apprenant qu'Ahmadou avait fait périr Mounirou et pris sa place comme sultan du Macina, s'était dirigé sur ce pays, emmenant avec lui Aguibou, roi du Dinguiray. Le 13 avril, il prit Dienné, la ville la plus commerçante du Macina. Le 29, il entrait dans Bandiagara, la capitale, y installait Aguibou comme sultan, puis dirigeait sur Ahmadou fugitif une chasse à fond, qui le rejetait dans les profondeurs de l'est.

Les missions. - Pendant toutes ces campagnes, le Soudan français et les régions voisines étaient sillonnés par de hardis explorateurs qui étudiaient les routes, les ressources du pays, faisaient signer des traités de protectorat mission du capitaine. Binger qui, tout seul, parcourut, en un itinéraire de 4 000 kilomètres, le Ouagadougou, où il fut reçu par un « roi des rois », le Mossi, le Yatenga, le Gourounsi, le Mampoursi, le Gondja, le Bondoukou, les États du pays du Kong, auquel il fit accepter notre protectorat (10 janvier 1889); mission du docteur Crozat auprès du roi Tiéba et dans le Mossi (1890); mission Monteil dans la boucle du Niger jusqu'à Say (1891), puis du Niger au Tchad et à Tripoli; missions Quiquandon auprès des rois Tiéba et Babemba; mission Beeckmann dans le Fouta-Djalon; mission du capitaine Ménard, qui fut tué près de Séguéla, une forteresse de Samory (4 fév. 1892); les deux missions Mizon (1890-1893), parties du bas Niger pour explorer le Mouri, le Sokoto et l'Adamaoua; mission Hourst sur le Niger (1897); mission, dans le Sokoto, du capitaine Cazemajou, assassiné en trahison à Zinder (5 mai 1898); mission Hostains et d'Ollone (1898)... On ne peut les énumérer toutes. Pour étendre la domination de la France ou

faire progresser la science, jamais les dévouements ne manquèrent officiers et civils, missionnaires du gouvernement ou du « Comité de l'Afrique française » rivalisèrent d'intrépidité. Explorations pacifiques ou campagnes militaires contribuèrent. à former notre merveilleuse épopée africaine.

Le Soudan à la fin de 1893. Au moment où avaient commencé les campagnes d'Archinard, le Soudan français ne comprenait encore qu'une partie des cercles actuels de Kayes, Bafoulabé, Kita, Bammako. Ces campagnes y ajoutèrent les cercles ou provinces de Nioro ou Kaarta, Sokolo, Dienné, Macina, au nord; de Parana, Siguiri, Kankan, Kérouané, au sud; de Ségou, Minianka, Kénédougou, à l'est. Le Soudan français, par la ruine des empires d'Ahmadou et de Samory, avait à peu près quadruplé d'étendue. Avant même que la convention anglo-française l'eût prolongé jusqu'au moyen Niger, son étendue surpassait d'un bon quart la superficie de la France métropolitaine. Les officiers qui l'avaient conquis déployèrent de remarquables talents d'organisateurs, s'efforçant de ramener et de fixer les populations sur le sol d'où les avaient chassés les guerres d'esclavage, créant une justice expéditive et simple, bâtissant des villes, ouvrant des marchés et des écoles, protégeant les industries, encourageant les améliorations agricoles, préparant l'abolition définitive de l'esclavage, prenant pour mot d'ordre ce texte des instructions d'Archinard: « Notre action au Soudan n'est pas une action purement militaire ». Rappel d'Archinard; essai de gouvernement civil. Delcassé, ministre des colonies, docile à certaines impressions de la Chambre, résolut d'arrêter toute expansion nouvelle en Afrique. Il supprima la fonction de « commandant supérieur du Soudan », rappela le colonel Archinard, subordonna les officiers à un gouverneur civil. Pour remplir ce poste, il choisit M. Grodet, gouverneur de la Martinique, qui ne connaissait rien de l'Afrique. L'idée même de régime civil appliqué à une contrée aussi vaste, aussi barbare, aussi dépeuplée par les guerres d'esclavage, était au moins prématurée.

Conquête de Tombouctou (1894). Des préparatifs avaient été faits pour la conquête de Tombouctou; le nouveau

gouverneur civil les apprit trop tard. Il envoya des ordres inopportuns ou contradictoires qui amenèrent, après un éclatant succès, une sorte de désastre.

Le mouvement de sympathie populaire qui nous avait rendus si aisément les maîtres du Macina avait gagné la région de Tombouctou. La population de cette ville et celles des localités voisines, San, Baramandougou, etc., multipliaient les démarches auprès des autorités françaises du Macina pour les décider à l'action. Le lieutenant-colonel Bonnier, commandant militaire, avait repris un plan d'Archinard et projeté de marcher sur Tombouctou en deux colonnes, l'une par la rive nord du Niger, l'autre par le fleuve, portée sur des pirogues et des chalands, sous la protection des canonnières. Le lieutenant de vaisseau Boiteux, sans attendre aucun ordre, se dirigea sur Tombouctou avec ses canonnières. A cette nouvelle, Bonnier, prit la même direction, donnant à la colonne Joffre rendez-vous dans Tombouctou vers le 15 janvier. Entré le 10 janvier dans cette ville,

y trouva Boiteux installé depuis le 15 décembre, mais affaibli par la perte de l'enseigne de vaisseau Aube et de 19 hommes, surpris dans une reconnaissance, le 25 décembre, et massacrés par les Touareg. Inquiet sur le sort de la colonne Joffre, Bonnier résolut de se porter au-devant d'elle, avec une compagnie et demie de tirailleurs. Il atteignit Goundam, à trois jours de marche de Tombouctou. Son escorte, composée de tirailleurs de nouvelle formation, sans aucune expérience de la guerre, se laissa surprendre la nuit par les Touareg. Bonnier, plusieurs de ses officiers, la plupart des soldats furent massacrés (février 1894). En France la nouvelle causa une vive émotion. Le président du conseil, Casimir-Perier, dans la séance du 10 février à la Chambre, annonça que des renforts allaient être envoyés, ajoutant: « La France ne recule pas devant un échec, si douloureux qu'il soit ». Tombouctou nous

resta.

Dernières campagnes contre Samory sa capture (1898). Samory, acculé à la frontière de Sierra-Leone, venait d'enlever les postes qu'avait établis, à Bougouni et Tenetou, le colonel Combes, afin de couper les communications

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