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de l'almamy avec la colonie britannique. Une fois de plus, Samory manqua d'être pris au combat de Koloni. L'affaire de Goundam inclina le gouvernement français à interdire toute opération contre notre vieil ennemi, au moment où celui-ci était réduit aux dernières extrémités. On lui laissa le temps, grâce à son trafic d'esclaves, de reconstituer son trésor et son armée. Au début de 1894, il se jeta sur le riche jeta sur le riche pays de Kong, qui avait accepté notre protectorat. Il prit d'assaut la ville et y fit un grand massacre d'habitants et même de marabouts. De 1894 à 1896, il resta le maître et le fléau du pays que nous nous étions engagés à protéger. Le 20 juillet 1896, il fit ou laissa massacrer, aux portes de Bouna, la mission du capitaine Braulot, chargé de suivre une négociation avec lui. En mars 1897, il entra en conflit avec les Anglais. En janvier 1898, on fit reprendre Kong par les lieutenants Demars et Méchet, avec un faible détachement. Samory vint assiéger la place les défenseurs étaient à toute extrémité lorsqu'ils furent dégagés par la petite colonne du commandant Caudrelier (27 février).

Avant que du Soudan on pût agir énergiquement contre Samory, il fallait en finir avec son allié Babemba, successeur de Tiéba. Le 15 avril, la colonne du lieutenant-colonel Audéoud, forte de 1400 hommes, arrivait devant Sikasso, défendu par 15 000 guerriers; après quatorze combats, le 1er mai, elle enlevait d'assaut la place; le roi Babemba se trouva parmi les morts. Dès le surlendemain, Audéoud formait, sous les ordres du commandant Pineau, une colonne qui, le 8 juin, entrait à Kong et y ravitaillait la garnison. Puis, renforcée de quelques centaines d'hommes, sous les lieutenants Wolffel et Jacquin, sous les capitaines Gouraud et Gaden, elle tombait, le 8 septembre, auprès de Tiaféso, sur un vaste camp, où elle faisait 20 000 prisonniers, dont 1800 sofas. Le 29, Jacquin et le sergent Bratières surprirent un autre camp, le traversèrent en courant avec une poignée d'hommes. Ils aperçurent Samory sur le seuil de sa case, lisant le Koran. Il voulut fuir, mais Bratières le saisit, le remit à Jacquin. Le sort de l'almamy était désormais fixé. Il fut dirigé sur Saint-Louis, embarqué et transporté à N'Djoli, sur l'Ogooué, dans la colonie du Gabon. Tel fut l'épi

logue de notre lutte de dix-huit années contre l'almamy. Nous n'avions plus d'ennemi sérieux dans le Soudan.

Nouvelle organisation des possessions françaises. -Les vastes territoires, d'une superficie d'environ 800 000 kilomètres carrés, que les conquêtes ou les traités avaient mis entre nos mains, subirent de nombreux remaniements administratifs. Le décret du 27 août 1892 dota le Soudan français d'une véritable autonomie, séparant du budget et de l'armée du Sénégal l'armée (tirailleurs et spahis soudanais) et le budget du Soudan. Certains territoires de l'ouest, comme la majeure partie du cercle de Bakel, étaient rattachés au Sénégal. Le même décret instituait un « commandant supérieur du Soudan » ayant sous ses ordres un « commandant des troupes en campagne ». En 1893, nous avons vu substituer au « commandant supérieur » un gouverneur civil « résidant à Kayes et auquel était subordonné un commandant militaire ». Les décrets de 1895 el 1896 groupèrent toutes nos possessions de l'ouest et du sud sous une autorité unique, de caractère civil.

Enfin le décret du 17 octobre 1899 disloqua la colonie du Soudan; la majeure partie de ses territoires fut rattachée à celles du Sénégal, de la Guinée française, de la Côte d'Ivoire, du Dahomey'. Il ne subsista que deux territoires militaires 2, formant comme les marches guerrières de nos colonies de régime civil. Toutes ces possessions ont pour chef suprême un « gouverneur général de l'Afrique occidentale » résidant à Saint-Louis et chargé de la « haute direction politique et militaire ». Les premiers titulaires furent M. Chaudié, puis M. Ballay. Ils eurent sous leurs ordres un « commandant supérieur» militaire.

1. Les cercles de Kayes, Bafoulabé, Kita, Santadougou, Bammako, Ségou-Sikoro, Dienné, Nioro, Goumbou, Sokolo, Bougouni furent rattachés au Sénégal; les cercles de Dinguiray, Siguiri, Kouroussa, Kankan, Kissidougou, Beyla, à la « Guinée française »; les cercles ou résidences d'Odjenné, Kong, Bouna, à la Côte d'Ivoire »; le pays de Kouala et le territoire de Say, au Dahomey.

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2. Ils comprennent les régions dites du Nord et du Nord-Est (Tombouctou, région de la Volta »

Sumpi, Goundam, Bandiagara, Dori, Ouahigouya) et la (San, Ouagadougou, Léo, Koury, Sikasso, Bobo-Dioulassou, Djébougou). Un arrêté du gouverneur général Chaudié créa, le 23 juillet 1900, un troisième territoire militaire, dont le siège fut établi à Zinder et qui comprend la région située sur la rive gauche du Niger, de Say au lac Tchad et dont la propriété nous avait été reconnue par la convention anglo-française du 14 juin 1898.

III.

Les Guinées, le Dahomey.

Les Guinées : acquisition de l'hinterland. Au lendemain de la guerre franco-allemande, nos établissements sur la côte de Guinée ne comprenaient que des comptoirs, confinés au rivage, ou de petites enclaves sans lien entre elles à la Côte des Graines, Ajacouty (Trade-Town); à la Côte d'Ivoire, la rivière Garroway, le pays de Krou, les deux Béréby, le grand Casha, les deux rivières Lahou, les rivières Rio Fresco et SanPedro; à la Côte de l'Or, Grand-Bassam, Assinie, Dabou; à la Côte des Esclaves, Ouidah (Whydah), Grand-Popo (Petit-Popo a été cédé à l'Allemagne en 1884), le port de Kotonou, le protectorat sur le petit royaume de Porto-Novo. Encore ne prenait-on aucun souci d'assurer nos droits sur tous ces lambeaux de territoire. En 1871 les postes militaires de Grand-Bassam, Assinie et Dabou furent retirés : la maison Verdier, de Marseille, dut pourvoir seule à la sécurité de ses comptoirs.

Nous avons assisté au réveil de la France dans ces régions. L'hinterland de tous ces comptoirs fut acquis par les traités que passèrent Quiquandon, Treich-Laplène, Quiquerez, Segonzac, etc., en arrière de nos établissements de la Côte des Graines; Binger, Quiquandon et d'autres hardis explorateurs entre la Côte d'Ivoire ou la Côte de l'Or et les montagnes de Kong. Divers traités avec l'Allemagne, le Portugal, l'Angleterre ont, sur toutes ces côtes, par des échanges de territoires ou des rectifications de frontière, régularisé les possessions, autrefois très enchevêtrées, des quatre puissances.

De remaniements administratifs, opérés à diverses époques, ont été formées les colonies: 1° de la « Guinée française et dépendances », y compris la Côte des Graines, les Rivières du Sud et le protectorat sur le Fouta-Djalon; 2° de la « Côte d'Ivoire », y compris nos possessions sur la Côte de l'Or, avec le protectorat sur le Kong; 3° du « Dahomey et dépendances ». Les litiges avec le Dahomey. A la Côte des Esclaves, nous avions, en 1876, obtenu du Dahomey la cession du port

de Ouidah, et, le 19 avril 1878, par le traité de Ouidah avec le Dahomey, fait confirmer notre droit sur Kotonou, qu'il nous avait déjà cédé en 1864. Le traité de protectorat (1863) sur le Porto-Novo, où règne le roi Toffa, fut renouvelé en 1883.

Le Dahomey était le plus puissant État indigène du littoral de Guinée. Une longue série de rois, dont les tombeaux sont dans la ville sainte de Cana, avaient, à force de razzias et de massacres, soumis les tribus des Bariba, Nago et Djédji. La religion, toute fétichiste, se confondait avec l'adoration de la royauté. La superstition et une raison d'État terroriste s'étaient liguées pour créer ou maintenir les « grandes coutumes », c'est-à-dire les massacres périodiques qui faisaient d'Abomey, la capitale, un charnier. Ce sauvage despotisme s'appuyait sur une organisation militaire permanente comprenant 3000 « amazones », 7 ou 8000 guerriers soldés, et que renforçaient à l'occasion une réserve et même une levée en masse.

En septembre 1885, pour se conformer à l'article 35 de l'acte de Berlin, exigeant que tout protectorat se manifestât par une occupation effective, la France installa de petites garnisons à Kotonou et à Porto-Novo. Glé-Glé, roi du Dahomey, nous signifia qu'il ne reconnaissait plus le traité de 1878, et qu'il revendiquait comme lui appartenant Kotonou et Porto-Novo. Il nous sommait de les évacuer sans délai. En mars 1889, il fit envahir le royaume de Porto-Novo, où des milliers de captifs furent enlevés. Deux croiseurs mirent à terre des compagnies de débarquement qui rassurèrent les populations et les ramenèrent dans leurs villages.

Le docteur Bayol, alors lieutenant-gouverneur des Rivières du Sud, reçut l'ordre de se rendre à Abomey et de négocier avec Glé-Glé. Le 21 novembre, la mission était reçue dans la capitale. Après un mois de séjour 1, elle dut quitter Abomey (28 décembre). Trois jours après on annonçait la mort du roi Glé-Glé

4. Rien ne fut négligé pour la frapper d'horreur et de crainte elle fit son entrée dans le palais entre des têtes d'hommes fraichement coupées et des mares de sang humain. Glé-Glé et le prince héritier Kondo se refusèrent à tout traité qui ne les reconnaitrait pas souverains de Kotonou et Porto-Novo. Kondo osa dire que la France était gouvernée par des jeunes gens, qu'elle devait

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abolir la République et rappeler ses anciens rois ».

et l'avènement, au milieu de vastes massacres rituels, du prince Kondo, sous le nom de Behanzin ou d'Hossu-Boouélé (roi requin).

Guerre et traité de 1889. - Du Sénégal et du Gabon étaient arrivés 400 tirailleurs, avec quatre canons de 4. Ils furent placés sous les ordres du commandant Terrillon, qui occupa fortement Kotonou. Il eut à le défendre contre 15 ou 20 000 soldats ou amazones. Il les battit en une douzaine de rencontres, notamment auprès d'Atchoupa, où ils perdirent 1 500 des leurs. A la fin de mai 1889 arriva le contre-amiral de Cuverville, mais avec des instructions qui réduisaient sa mission à « la clôture, par voie transactionnelle, de l'incident du Dahomey ». Il n'eut dès lors qu'à déléguer le chef de battaillon Audéoud et le P. Dorgère, qui se rendirent à Abomey, et en revinrent avec un projet de traité. Behanzin reconnaissait nos droits sur le port de Kotonou et le royaume de Porto-Novo. En échange, la France s'engageait à lui verser annuellement une somme de 20 000 francs (3 octobre).

La guerre de 1892 conquête du Dahomey. - Aux yeux de Behanzin, ce versement annuel n'était qu'un tribut payé par la France. En outre, les 20 000 francs lui semblaient une insuffisante indemnité pour la perte du revenu que lui procuraient annuellement ses douanes maritimes.

Avec l'argent de la France, avec le produit de son trafic d'esclaves, il acheta des munitions et des fusils à tir rapide aux maisons allemandes de Ouidah, du Cameroun et de Hambourg. Dès janvier 1892, il enlevait des milliers de captifs en territoire français. En mars, il saccageait les villages du PortoNovo. Ballot, lieutenant gouverneur, arriva sur la chaloupe canonnière la Topaze: attaqué par 400 Dahoméens, il eut quatre hommes blessés à son bord (27 mars). La France dut se résigner à une expédition décisive. Six croiseurs ou canonnières. furent envoyés à la Côte des Esclaves, les garnisons de Ouidah et Kotonou renforcées, des bateaux construits tout exprès pour la navigation sur les lagunes maritimes, un wharf établi à Kotonou, un crédit de trois millions voté par les Chambres.

Le corps expéditionnaire, composé de troupes blanches, de

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