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Congo et le Nil. Le 13 juillet, le Haut-Oubanghi avait été séparé du Congo, formant désormais une colonie autonome. M. Liotard y reçut le titre de « commissaire du gouvernement ».

La mission Marchand: convention du 21 mars 1899. On peut s'étonner que le gouvernement français ait alors mêlé la question du Nil à la question des empiétements belges; déjà sans doute il se proposait de diriger une reconnaissance. sur ce fleuve, peut-être dans le dessein de soulever devant l'Europe la question de l'occcupation de l'Égypte par les Anglais. Le 24 février 1896, Guyesse, ministre des colonies dans le cabinet bourgeois, signait les instructions données au capitaine Marchand. Le 23 juillet 1896 celui-ci débarquait à Loango (Congo); ce fut seulement en mars 1897 qu'il put se mettre en route de Brazzaville pour l'Oubanghi. M. Liotard lui avait préparé les voies, retenu des porteurs, procuré le concours des sultans et des tribus pour le transport de la mission dans le Bahr-elGhazal. On sait comment les Français occupèrent solidement cette province par des postes fortifiés, se concilièrent les peuplades Dinka et Chillouk, traversèrent avec des peines inouïes 500 kilomètres de marécage, parvinrent à Fachoda sur le Nil (12 juillet 1898), y repoussèrent, à 150 contre 1200, une attaque des Derviches, n'évacuèrent leur conquête que par ordre supérieur et devant l'imminent danger d'un conflit avec la Grande-Bretagne. Ils poursuivirent leur marche par l'Abyssinie, après avoir accompli la traversée de l'Afrique, sur plus de 6000 kilomètres, de l'Atlantique au Nil. La convention francoanglaise du 21 mars 1899 stipulait l'évacuation du Bahr-elGhazal par les postes français, fixait la limite orientale de nos possessions à la ligne de partage des eaux entre Nil et Congo, mais reconnaissait à la France la possession d'importants territoires à l'est et au nord du lac Tchad : le Baghirmi, le Ouadaï, le Kanem, le Borkou, le Tibesti.

Mise en valeur du Congo. Les Belges avaient établi un chemin de fer sur le cours inférieur du Congo: la création d'un chemin de fer français, plus ou moins parallèle, était pour longtemps écartée et l'immense éventail de rivières et d'affluents constituant le Congo français se trouvait avoir pour

principal débouché le chemin de fer belge. La majeure partie de ce vaste territoire fut partagée, de 1898 à 1900, en concessions dont beaucoup égalaient ou dépassaient en superficie la Bretagne ou la Franche-Comté. Elles furent attribuées à une trentaine de compagnies françaises, sous la condition de protéger les indigènes établis sur leur territoire, d'entretenir des steamers sur les cours d'eau, d'assumer certains services publics, de remplacer par de jeunes plants les pieds de caoutchouc détruits par l'exploitation, de favoriser la colonisation individuelle. Le temps où le Congo sera une source de richesses est beaucoup plus rapproché qu'on ne l'avait d'abord supposé. La colonie du Tchad destruction de la puissance du sultan Rabah (1900). Dans le bassin du Chari et sur tout le pourtour du lac Tchad, une sorte de sultanat avait été fondé par Rabah, fils d'esclave, mamelouk, puis lieutenant de Zobéir-Pacha, gouverneur dans le Soudan égyptien. Avec des esclaves ou des mercenaires dressés à la discipline turque, avec des déserteurs de l'armée anglo-égyptienne ou de l'armée du Madhi, Rabah avait conquis le nord-ouest du Darfour (1880), le sud du Borkou (1884), le Dar Rouna (1887), le Baghirmi, le Chari. Il épuisait ces pays par tous les excès de la traite. Notre expansion vers l'est, les traités avec l'Angleterre qui nous reconnurent la plupart de ces territoires le mirent en conflit avec nous. C'est lui qui, en 1891, fit massacrer la mission Crampel, et, en 1899, la mission Bretonnet. Le 29 octobre 1899, M. Gentil, commissaire du gouvernement dans le Chari, lui infligea, à Kouno, une première défaite; la faiblesse de nos contingents ne permit pas de compléter la victoire. En mars 1900, le gouvernement français envoya au secours de la mission du Chari celle de l'Afrique centrale (mission Joalland et Meynier, ancienne mission Voulet-Chanoine) ainsi que la mission Fourreau-Lamy, réunies sous le commandant Lamy. Ces deux colonnes avaient, le 3 mars, enlevé d'assaut une des résidences de Rabah, Koussouri, située dans une île au confluent du Logoué et du Chari; le 9, elles avaient battu un fils du sultan, qui essayait de reprendre la ville. Le 21 avril elles firent leur jonction avec la mission du Chari. Les Français comptèrent

alors 700 fusils, 30 sabres, 4 canons, plus 1500 auxiliaires conduits par le sultan du Baghirmi. Rabah disposait de 5000 guerriers, dont 2000 avec des fusils, de 600 cavaliers et 3 canons. Le 28 avril 1900, une nouvelle bataille s'engagea à cinq kilomètres au N.-O. de Koussouri. Le camp fortifié de Rabah fut canonné, puis enlevé à la baïonnette. Le sultan, blessé à mort, fut décapité par un tirailleur. La victoire avait été chèrement achetée par la mort du commandant Lamy, du capitaine de Cointet et de 19 soldats. D'autres défaites infligées aux fils de Rabah achevèrent de pacifier la région.

V.

L'océan Indien: Madagascar, Obock.

Madagascar: jusqu'à la première guerre. — Avant la troisième République, nos droits sur Madagascar gardaient quelque chose d'imprécis et d'archaïque, se rattachant au souvenir de Richelieu, de Colbert et de la Compagnie des Indes. En 1862, le gouvernement de Napoléon III avait conclu avec Radama II le traité du 12 septembre en échange d'avantages économiques, nous le reconnaissions souverain de l'île entière, bien qu'il ne fût que le roi des Hova. Quand il mourut (1er avril 1868), on reconnut à sa veuve Ranavalo II, par le traité du 8 août, la même dignité en échange des mêmes. avantages.

A titre de possession effective, nous avions, comme legs de l'ancienne monarchie, l'ile Sainte-Marie, et comme legs de la monarchie de Juillet, quelques ilots, plus le protectorat sur la baie de Passandava et sur les Antankares du nord. Ces possessions nous semblaient moins importantes que l'influence que nous aurions pu exercer à la cour de Tananarive. Elle y fut toujours tenue en échec par les missions protestantes que soutenait l'Angleterre; elle disparut presque entièrement à l'avènement de Ranavalo II. Le traité du 8 août 1868 fut violé sur tous les points; les héritiers du Français Laborde, si influent au temps de Radama II, furent dépouillés.

En mars 1881, l'équipage d'un coutre français ayant été massacré par des Sakalaves, toute réparation nous fut refusée. On empiétait sur nos faibles territoires; les missionnaires anglais décidaient nos protégés de la baie de Passandava à reconnaître la souveraineté de la reine.

Rupture première guerre (1882-1885). M. de Freycinet était alors ministre des affaires étrangères dans le cabinet Gambetta. Le commandant Le Timbre reçut l'ordre de faire, avec sa petite escadre, une démonstration sur la côte de Passandava. Le pavillon hova, qu'on y avait substitué au drapeau tricolore, fut abattu. Au moment de cette rupture, Ranavalo II mourait. Elle eut pour successeur sa cousine Ranavalo III (13 juillet 1882), qui resta soumise aux mêmes influences. Les Hova dépêchèrent des envoyés à Londres, à Berlin et à NewYork, pour y solliciter un appui contre la France.

Jules Ferry, redevenu président du conseil, donna l'ordre au contre-amiral Pierre de procéder à une action énergique. Celui-ci bombarda Mouronsanga et six autres villes maritimes (mai 1883). Puis il bombarda et occupa Majunga (Moyanga), le port le plus important de la côte occidentale (17 mai). Son successeur, le contre-amiral Miot, canonna Mahanourou, Fénérife, Vohémar, Ambaonio, bloqua toutes les côtes et occupa l'admirable baie de Diego-Suarez (1884 à 1885). La chute de Jules Ferry ralentit mais n'arrêta pas les opérations. Le 27 août 1885, le commandant Pennequin, à Andampy, avec 50 Français et 70 Sakalaves, dispersa plusieurs milliers de Hova; mais le 10 septembre, on échoua devant les lignes de Farafate, dont les abords avaient été insuffisamment reconnus.

D'une part, le conflit avec la Chine au sujet du Tonkin limitait nos moyens d'action en Afrique; d'autre part, la cour hova était lasse de la guerre et du blocus. Le 17 décembre, en rade de Tamatave, à bord de la Naïade, l'amiral Miot et M. Patrimonio signèrent un traité avec les plénipotentiaires hova. La reine était de nouveau reconnue souveraine de l'île entière; mais sur l'île entière elle acceptait notre protectorat. Nous lui rendions tous les territoires et villes conquis, sauf la baie de Diego-Suarez, qui nous était cédée en toute propriété, et Tama

tave, qui devait nous rester en gage jusqu'au versement d'une indemnité de guerre de 10 millions.

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Difficultés que souleva l'exécution du traité de 1885. La mauvaise volonté de la reine et de ses ministres, les menées des missionnaires et agents britanniques allaient rendre la tâche très difficile au résident général, chargé d'exercer à Tananarive nos droits de protectorat. Cette haute fonction fut d'abord confiée à M. Le Myre de Vilers. Il dut lutter pour empêcher une société anglaise, en échange d'un prêt de 20 millions fait à la reine, de mettre la main sur toutes les ressources financières et économiques du royaume. Il dut lutter pour interdire au ministère hova d'accorder l'exequatur aux consuls étrangers.

En vertu de la convention anglo-française du 15 août 1890, tandis que la France renonçait à toute prétention sur l'île de Zanzibar, l'Angleterre reconnaissait notre traité de 1885 avec Madagascar; chacune des deux puissances, dans l'île où elle restait seule maîtresse, se chargeait de protéger les missions de l'autre nationalité. Bien que protégées par nous, les missions britanniques de Madagascar ne désarmèrent pas.

Les successeurs de Le Myre de Vilers, Lacoste, puis Bompard, se heurtèrent aux mèmes difficultés. Le 14 novembre 1894, le ministre des affaires étrangères Hanotaux résumait ainsi les griefs de la France contre le gouvernement hova : celui-ci refusait de reconnaître les exequatur délivrés par notre résident; tous les efforts des Français en vue de mettre en valeur les richesses naturelles de l'ile étaient de parti pris entravés. Il n'y avait plus de sécurité pour nos nationaux; le brigandage endémique des fahavalos, encouragé sous main par la cour, prenait un développement anormal. Nos fermes, nos établissements industriels étaient dévastés. Depuis 1890 s'allongeait la liste des Français assassinés. Tous ces crimes étaient restés impunis. Le gouvernement hova, dont le chef était Rainilaiarivony, époux de la reine et premier ministre, se montrait à la fois incapable de maintenir l'ordre et obstinément rebelle aux conseils de notre résident. En septembre 1894, Le Myre de Vilers avait été chargé d'une mission à Tananarive, pour exiger

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