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tation qui avait signalé la période précédente. Quant à la population agricole, son effectif est allé en diminuant. En 1876, on l'évaluait à 19 millions d'individus, un peu plus de la moitié - 51,4 0/0 - de la population totale; lors du recensement de 1891 elle n'était plus que de 17400 000 individus, soit 45,5 0/0 seulement de la population totale. Les mouvements survenus dans sa composition sont intéressants à relever. Suivant l'enquête de 1862, la population agricole active, y compris l'Alsace-Lorraine, était de 7 360 000 personnes, dont 3 200 000 étaient classées comme chefs d'exploitation et 4 000 000 comme salariés. Depuis, la proportion de ces chiffres s'est renversée. En 1892, on évaluait à 6 600 000 personnes la population agricole active; dans ce total, les salariés ne comptaient plus que pour 3 000 000, tandis que le nombre des exploitants s'était élevé à 3 600 000. C'est là un indice d'un changement favorable dans la situation de la masse de la population agricole.

La crise agricole. La baisse des prix des produits agricoles que nous avons déjà signalée à propos des céréales a été à peu près générale au cours de ce dernier quart de siècle; les prix de la viande et des produits de la laiterie y ont seuls échappé. Elle est un effet direct du développement des moyens de transport. Si elle a été, somme toute, avantageuse pour la masse des classes ouvrières, elle a pesé lourdement sur la population agricole, sur la moyenne culture surtout. Le propriétaire, le fermier qui vend la plus grande partie de sa récolte, n'en ont pas trouvé sur le marché un prix rémunérateur.

Dès le début de la crise, les agriculteurs ont fait appel à l'intervention du gouvernement pour les aider à la supporter. Ils ont demandé le retour à la politique protectionniste abandonnée par l'Empire, et réclamé l'établissement de droits protecteurs sur les produits agricoles importés de l'étranger. Ils les ont obtenus, mais ils n'ont pas trouvé dans cette mesure tout le secours qu'ils en espéraient. Force a été de chercher d'autres. remèdes plus efficaces contre la crise; on les a demandés à l'association et au développement de l'enseignement agricole.

Depuis 1884, nous avons assisté à une éclosion extraordinaire de syndicats agricoles sur tous les points du territoire. Au com

mencement de 1900, quinze ans seulement après le vote de la loi qui leur a donné naissance, leur nombre est déjà voisin de 2 500, et ils groupent près de 800 000 agriculteurs. Ils contribuent à répandre les méthodes de culture nouvelles, l'emploi des engrais chimiques et des machines perfectionnées, dont ils facilitent l'acquisition à leurs membres; à côté d'eux, souvent appuyées sur eux, se sont créées des sociétés de crédit agricole, qui, par un heureux emploi du crédit mutuel, mettent à la disposition. du petit agriculteur les capitaux qui lui sont nécessaires pour améliorer son exploitation et lui permettre de lutter contre la concurrence étrangère.

Un grand essor à été donné à l'enseignement agricole, longtemps négligé. Le second Empire en avait jeté les bases; depuis 1870, il a été réellement organisé.

Ces efforts n'ont pas encore donné tous les résultats dont ils sont susceptibles. Cependant, ils se font déjà sentir. L'emploi des engrais chimiques, facilité par la diminution de leur prix de revient, s'est accru, et l'outillage agricole s'est fort amélioré. L'enquête de 1862 évaluait à 3 200 000 le nombre des charrues, à 100 000 celui des machines à battre, et à 60 000 le nombre des autres outils mécaniques; en 1892, les chiffres correspondants étaient de 3 600 000 234 000 et 420 000. L'outillage mécanique a largement compensé, on le voit, la diminution du nombre des bras adonnés à la culture.

IV.

L'industrie.

Progrès généraux. De même que l'agriculture, l'industrie a eu à supporter une concurrence étrangère de plus en plus redoutable; elle a cherché à y faire face par le développement de sa puissance de production. Ce développement, malgré son importance, à été cependant bien inférieur à celui de l'Allemagne et des États-Unis, qui, loin derrière la France avant 1870, l'ont grandement distancée depuis, et rivalisent aujourd'hui avec l'Angleterre, dont ils battent en brèche l'ancienne suprématie industrielle.

HISTOIRE GÉNÉRALE. XII.

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En 1871, après la perte de l'Alsace, l'industrie française employait 26000 machines produisant une force motrice de 315 000 chevaux. En 1897, le nombre des machines était de plus de 68 000, et la force motrice produite s'élevait à 1 330 000 chevaux, représentant une somme de travail égale à celle de 28 millions d'hommes. C'est plus que six fois le nombre de la population industrielle active. Celle-ci était évaluée, par le recensement de 1891, à 4 548 000 individus patrons, employés et ouvriers. Sur ce nombre, l'industrie textile occupait 835 000 personnes; les industries métallurgiques en employaient 535 000 et les industries extractives 240 000.

La consommation de la houille a également augmenté, mais grâce aux nombreux perfectionnements introduits dans la construction des machines, elle ne s'est pas accrue dans la même proportion que la puissance de celles-ci. Depuis 1869, elle a presque doublé; en 1896, la consommation totale était de 38 millions de tonnes, dont 30 millions étaient extraits de nos mines. Il y a un quart de siècle, notre production de houille. n'atteignait que 13 millions de tonnes. L'emploi d'autres combustibles que la houille, du pétrole notamment, tend d'ailleurs à se généraliser. Concurremment, de grands progrès ont été réalisés quant à l'utilisation de l'électricité comme force motrice, et il y a certainement là une source de modifications nouvelles au point de vue économique, peut-être même au point de vue social, dans un avenir plus ou moins prochain.

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L'industrie métallurgique. L'industrie métallurgique demeure toujours une des plus importantes. L'augmentation continuelle de l'emploi des métaux dans la construction a été pour le fer, et l'acier surtout, qui se substitue de plus en plus au fer, une source de débouchés nouveaux.

La production totale de la fonte, qui était de 1 381 000 tonnes en 1869, a atteint le chiffre de 2 339 000 tonnes en 1896. Par suite de l'amélioration des procédés de fabrication, le nombre des hauts fourneaux, a diminué, s'abaissant de 288 à 107. Les hauts fourneaux au bois ont presque entièrement disparu; on n'en compte plus que 8. La fabrication du fer s'est sensiblement réduite, passant de 924 000 à 828 000 tonnes; par

contre, celle de l'acier a augmenté dans des proportions considérables, s'élevant de 110 000 à 900 000 tonnes.

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Les industries textiles. Les industries textiles ont également progressé. En 1871, l'importation nette de laines en masse était d'environ 90 millions de kilogrammes; depuis cette époque, elle est allée en augmentant graduellement, malgré quelques périodes d'arrêt. En 1886, elle s'élevait à 150 millions, et en 1896 elle dépassait 200 millions de kilogrammes, auxquels il faut ajouter la production indigène, évaluée à 40 millions de kilogrammes environ, pour connaître la consommation réelle de l'industrie de la laine. C'est donc 240 millions de kilogrammes de matière première que cette industrie met annuellement en œuvre, à peu près le double de ce qu'elle employait en 1869.

L'industrie cotonnière, qui n'utilisait pas 100 millions de kilogrammes de coton en 1869, en absorbe aujourd'hui plus de 150 millions.

Ces deux industries sont toujours parmi nos premières industries d'exportation. L'exportation moyenne annuelle de l'industrie de la laine avait été, pour la décade 1867-76, de plus de 1 million 1/2 de kilogrammes de fils, et près de 9 millions de kilogrammes de tissus; pour la décade 1887-96, elle a été de plus de 2 millions de kilogrammes de fils, et de plus de 17 millions de kilogrammes de tissus. L'industrie du coton a pu dans ces dernières années, par suite du développement de la filature, diminuer l'importation nette de ses filés. Pour 1887-96 elle a été en moyenne de 8 millions de kilogrammes, tandis que pour 1877-86 elle avait dépassé 11 millions de kilogrammes; pour la décade 1866-76, cette importation n'était que de 4 millions de kilogrammes. Notre exportation de tissus de coton a considérablement augmenté, s'élevant de 1740 000 kilogrammes, moyenne annuelle pour 1867-76, à plus de 13 millions de kilogrammes pour 1887-96.

L'industrie linière a vu diminuer l'exportation de ses tissus; pour 1887-96, elle n'a atteint en moyenne que 480 000 kilogrammes, à peine le quart de son chiffre pour 1867-76; par contre, l'exportation des fils s'est accrue, passant de 760 000 kilogrammes à près de 3 millions de kilogrammes.

Seule, l'exportation nette de nos tissus de soie n'a guère varié, demeurant aux environs de 3 millions de kilogrammes. En résumé, le total de l'exportation nette de nos industries textiles a plus que doublé en quantité depuis vingt ans. Le chiffre moyen annuel pour 1867-76 était de 21 millions de kilogrammes; pour 1887-96, il était de 45 millions de kilogrammes environ. Mais, malgré cette augmentation considérable, la valeur avait diminué de plus de 1/6, passant de 668 millions de francs pour la première période, à 548 millions de francs pour la seconde.

La baisse des prix. La baisse des prix qui a eu lieu, à la fois, nous l'avons vu, pour les produits agricoles et pour les produits industriels, est le phénomène économique le plus important du dernier quart du XIXe sièele, et celui qui a eu au point de vue social les plus heureuses conséquences.

Cette baisse est le résultat de l'application des multiples découvertes de ce siècle, en mécanique, en physique, en chimie, à l'industrie. Grâce au développement des moyens de transport, des régions éloignées, inutilisées jusqu'alors, ont pu être mises en culture: il en est résulté une augmentation considérable de la production du blé, notamment, la denrée alimentaire par excellence de près du tiers de la population du globe; et, par suite de l'abaissement des frets, ce blé a pu être transporté des pays producteurs aux pays consommateurs à des prix de plus en plus bas. L'industrie, de son côté, pouvait s'approvisionner d'un grand nombre de matières premières que l'éloignement maintenait autrefois hors de sa portée. D'autre part, l'utilisation de plus en plus grande, dans la fabrication, des forces mécaniques et l'emploi de méthodes nouvelles permettaient de diminuer dans des proportions considérables les frais de transformation des matières premières. La baisse des prix n'a été que la traduction économique de ces faits. Suivant les chiffres de la commission des valeurs de douane, le coton en laine qui valait 2 fr. 13 le kilogramme en 1873, ne valait plus que 0 fr. 94 en 1895; la laine en masse tombait de 2 fr. 70 le kilogramme à 1 fr. 41; les fers en barre voyaient leur prix baisser de 29 fr. le quintal à 11 fr. Pour les objets fabriqués, on enregistre

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