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Le Roi comme Souverain, et la France comme État, n'ont cessé de s'opposer à ce mouvement coupable: mais, par une combinaison peut-être sans exemple, tandis que la faction militaire méconnaissait la voix de l'un et trahissait les sentimens de l'autre, tous les deux étaient réservés à souffrir et des efforts de l'attaque et de ceux de la résistance, et des succès éclatans et des prodigieux revers qui ont caractérisé cette courte et mémorable campagne.

Tels sont les événemens qui ont soustrait, en quelque manière, la destinée actuelle de l'État à l'action de son Gouvernement; il a été obligé de composer non-seulement avec les prétentions, mais avec les alarmes que cette fatale rebellion a inspirées à l'Europe; et ne pouvant méconnnaître ni balancer l'incontestable supériorité qui demandait des sacrifices pénibles, mais en grande partie temporaires, il n'a pu voir dans ces sacrifices nécessaires qu'un moyen d'arriver à cette période d'espérance à laquelle la France entière aspire, et qui lui permettra enfin de jouir en paix et avec sécurité de ses avantages permanens.

Loin de nous, Messieurs, la pensée imprudente de former pour le présent ou de jeter dans l'avenir les germes d'un impolitique et dangereux mécontentement. C'est de cette chambre (*) où le choix bienveillant du Roi et son discernement éclairé ont réuni tout ce qui, dans les classes les plus élevées de l'État, lui a paru le plus propre à représenter la sagesse, la dignité, la maturité du caractère national; c'est de cette assemblée, dis-je, qu'il convient de faire entendre à la France des vérités sévères, et qui

(*) Pour la Chambre des Députés. C'est de cette assemblée où siége l'élite du peuple français, où, par le suffrage libre et éclairé de leurs concitoyens, se trouvent réunis les hommes qui, par l'importance de leur position et les divers rapports de leur existence politique, ont dû ressentir plus immédiatement l'atteinte des malheurs publics, et qui, par leurs lumières, doivent être plus en mesure d'en discerner les causes et fe remède; c'est de cette assemblée, dis-je, &c....,

ne peuvent lui être révélées dans une circonstance plus

solennelle.

La France a nourri pendant un demi- siècle le desir, légitime dans son principe comme dans son objet, de voir réformer les abus qui s'étaient successivement introduits dans le système de sa politique intérieure. Cette réforme que des voeux con enablement exprimés commençaient à obtenir d'un Gouvernement paternel et sage, et qui de lui-même allait sur ce point au-devant de l'opinion éclairée du public; cette réforme, facile pour le Gouvernement, était impossible à des réunions nombreuses, où le desir du bien ne peut être toujours tempéré par la prudence, où des tentatives hasardées devancent trop souvent la marché lente et assurée de l'expérience de là des obstacles et de malheureuses défiances qui devaient produire et ont en effet produit des haines, des résistances et de funestes ressentimens. L'affaiblissement, la ruine du pouvoir, l'oubli de la religion, le mépris des lois, la dissolution des liens sociaux, ont été en France la suite immédiate de cette présomptueuse entreprise. Une alarme générale s'est aussitôt répandue au-dehors; elle a, comme on devait s'y attendre, provoqué des guerres sans terme et sans mesure. La France, en butte à toutes les nations, a déployé une énergie extraordinaire; tous les Etats ont souffert de ses efforts; elle a porté presque par-tout ses armes victorieuses: mais, il faut le dire, par-tout où elle a vaincu, elle a excité des craintes, provoqué des vengeances, et allumé des ressentimens que le temps, qu'une grande modération, qu'une persévérante et invariable prudence pourront seuls parvenir à calmer.

Vous avez été témoins de l'explosion de ces ressentimens, lorsqu'à la seconde apparition de l'homme fatal à la France, qui était parvenu à se faire une puissance, qu'il croyait indestructible, de la terreur que les principes révolu tionnaires et le courage des armées françaises avaient par-tout répandue, lorsque, dis-je, l'Europe, à cette terrible appa

rition, a pu craindre de se voir encore une fois subjuguée par des soldats que le même prestige entraînait et qui semblaient animés du même enthousiasme; un commun instinct de préservation a comme instantanément concentré sur le même objet toutes les craintes, toutes les haines, tous les intérêts des peuples épouvantés. La politique a oublié ses rivalités; tous les produits de l'agriculture, du commerce, toutes les propriétes ont été offertes en sacrifice; les âges, les sexes, toutes les classes de la population ont été entraînées par la même impulsion, et plus d'un million de soldats s'est précipité sur nos frontières.

Sans doute, un tel appareil de forces n'était pas nécessaire pour abattre un parti qui était loin, comme on le pensait au-dehors, d'être secondé en France par le vœu national, par l'assentiment de l'opinion publique, et il ne nous est que trop permis de dire aux nations étrangères qu'elles ont été dans l'erreur sur la vraie mesure des forces qu'elles avaient à combattre, et que, dans le moment même où la faction faisait éclater ses fureurs, le peuple français était uni par ses voeux à son légitime souverain : mais ses efforts ont été paralysés par la perversité de ceux qui l'ont trahi; et les hommes généreux qui, de tous les points de la monarchie, préparaient la ruine du pouvoir usurpé, n'ayant pu commencer leurs mouvemens avant ceux des armées alliées, ni agir avec la même promptitude et la même efficacité, elles ont considéré la chute du tyran comme l'effet immédiat de leur victoire; et la France, par cette combinaison de circonstances malheureuses, se voit ainsi exposée à répondre de tous les sacrifices, des pertes et des dommages éprouvés, bien qu'ils puissent être le résultat d'une alarme exagérée.

La rigueur extrême de ce principe aurait pu être tempérée dans son application, par l'équité et la magnanimité des souverains; mais il existe des considérations qui ont pu entraîner leur détermination, et qu'il est indispensable de

connaître.

Les souverains influent sur la destinée des peuples par l'exercice de leur pouvoir, et les peuples, à leur tour, influent sur les conseils des souverains par l'action puissante de l'opinion: cette action acquiert une nouvelle force, lorsq l'opinion d'un peuple est fortifiée par l'accord de plusieurs autres, et qu'elle est devenue, par la nature des événemens, une des causes les plus efficaces de leurs triomphes si le souvenir de procédés violens, de vives alarmes, de maux long-temps soufferts et souvent renouvelés, vient se réunir à l'exaltation du succès, alors les souverains même sont comme involontairement entraînés à des mesures qui répugnent à leurs sentimens personnels; et, malgré eux sans doute, leurs déterminations se ressentent des passions mêmes que leur générosité personnelle réprouve.

J'ai cru devoir, Messieurs, faire précéder de ces observations la communication des deux conventions accessoires au traité, dont il me reste à vous donner lecture. Les charges qui nous ont été imposées sont pesantes, et les défiances qu'on nous montre sont bien faites pour nous affecter mais réfléchissez, Messieurs, à l'impression funeste qu'a dû faire sur l'Europe étonnée et irritée la catastrophe malheureuse dont la France vient d'être la victime, et encore plus la facilité avec laquelle les séditieux sont parvenus à triompher de leur propre patrie; réfléchissez que les temps où nous avons le malheur de vivre, succèdent immédiatement à une époque fatale, où pendant vingt-cinq ans, le respect dû aux alliances, aux engagemens de la paix, la fidélité aux promesses, la bonne foi, la loyauté, ces bases autrefois si révérées de la sécurité des Etats, ont été ébranlées dans leurs fondemens: observez que la violation habitulle, et, pour ainsi dire, systématique, de toutes les règles morales de la politique, est comme inhérente au principe même des révolutions; principe effrayant et funeste, dont il a été fait en France et avec tant

d'éclat une profession malheureusement si récente pensez enfin que ces infractions si multipliées de tout ce qu'il y a de plus sacré parmi les hommes, ont fait tour-à-tour le malheur de tous les peuples, et que le plus grand de nos maux est d'ètre encore, malgré nos disgraces et l'utile leçon que vous voulez en tirer, un objet de défiance et de crainte pour tous ceux sur lesquels nous avons exercé des droits, que la fortune leur a donné la faculté d'exércer à leur

tour sur nous.

Forcés de nous soumettre aux maux que la Providence nous envoie, tournons nos regards vers le Roi que le ciel nous a rendu : nous partageons sa douleur; imitons sa noble et touchante résignation. Il est personnellement l'objet de la confiance et de la vénération des peuples et des rois; sa magnanime constance a conquis pour nous l'amitié des souverains; cette amitié, si elle est aidée par notre prudence, par notre modération, et par notre fidélité à remplir les engagemens contractés, conquerra pour nous la confiance et l'affection de tous les peuples.

Nous avons assez ambitionné, nous avons assez obtenu la fatale gloire qu'on acquiert par le courage des armées et par les sanglans trophées de leurs victoires : il nous reste une meilleure gloire à acquérir; forçons les peuples, malgré le mal que l'usurpateur leur a fait, à s'affliger de celui qu'ils nous font; forçons-les à se fier à nous, à nous bien connaître, à se réconcilier franchement et pour jamais avec nous.

Je vais, Messieurs, vous donner lecture des deux conventions accessoires, dont l'une règle l'acquit des sommes annuelles qui doivent compléter le paiement de l'indemnité stipulée dans l'article 4 du traité principal, et l'autre détermine la forme et le mode de l'exécution de l'article 5 relatif à l'entretien temporaire d'une armée étrangère sur nos fròntières.

Après des discussions longues et soutenues, où des demandes plus exorbitantes encore nous avaient été faites et

C

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