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[N. 8.]

TRAITÉ

ENTRE L'AUTRICHE, LA GRANDE-BRETAGNE,

LA PRUSSE ET LA RUSSIE,

CONCLU À PARIS, LE 20 NOVEMBRE 1815.

AU NOM DE LA TRÈS-SAINTE ET INDIVISIBLE TRINITÉ.

Le but de l'alliance conclue à Vienne le 25 mars 1815, ayant été heureusement atteint par le rétablissement en France de l'ordre des choses que le dernier attentat de Napoléon Buonaparte avait momentanément subverti, LL. MM. I'Empereur d'Autriche, le Roi du royaume-uni de la Grande-Bretagne et d'Irlande, le Roi de Prusse et l'Empereur de toutes les Russies, considérant que le repos de l'Europe est essentiellement lié à l'affermissement de cet ordre de choses, fondé sur le maintien de l'autorité royale et de la charte constitutionnelle, et voulant employer tous leurs moyens pour que la tranquillité générale, objet des vœux de l'humanité et but constant de leurs efforts, ne soit pas troublée de nouveau ; desirant en outre de resserrer les liens qui les unissent pour l'intérêt commun de leurs peuples, ont résolu de donner aux principes consacrés par les traités de Chaumont, du 1. mars 1814, et de Vienne, du 25 mars 1815, l'application la plus analogue à l'état actuel des affaires, et de fixer d'avance, par un traité solennel, les principes qu'elles se proposent de suivre pour garantir l'Europe des dangers qui pourront encore la menacer;

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ENTRE LES QUATRE PUISSANCES ALLIÉES. 95 A cette fin, les hautes parties contractantes ont nommé pour discuter, arrêter et signer les conditions de ce traité savoir, S. M. l'Empereur d'Autriche, le prince de Metternich et le baron de Wessenberg; S. M. le Roi du royaume-uni de la Grande-Bretagne et d'Irlande, le duc de, Wellington et lord Castlereagh; S. M. le Roi de Prusse, le prince de Hardenberg et le baron de Humboldt; et S. M. l'Empereur de toutes les Russies, le prince Rasoumoffsky et le comte de Capo-d'Istria.

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Lesquels, après avoir échangé leurs pleins pouvoirs, trouvés en bonne et due forme, se sont réunis sur les articles suivans :

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Art. 1. Les hautes parties contractantes se promettent réciproquement de maintenir dans sa force et vigueur le traité signé aujourd'hui avec S. M. T. C., et de veiller à ce que les stipulations de ce traité, ainsi que celles des conventions particulières qui s'y rapportent, soient strictement et fidèlement exécutées dans toute leur étendue.

2. S'étant engagées dans la guerre qui vient de finir pour maintenir inviolables les arrangemens arrêtés à Paris l'année dernière pour la sûreté et l'intérêt de l'Europe, les hautes parties contractantes ont jugé convenable de renouveler, par le présent acte, et de confirmer comme mutuellement obligatoires, lesdits arrangemens, sauf les modifications que le traité signé aujourd'hui avec les plénipotentiaires de S. M. T. C. y a apportées, et particulièrement ceux pour lesquels Napoléon Bonaparte et sa famille, ensuite du traité du 1 avril 1814, ont été exclus à perpétuité du pouvoir suprême en France, laquelle exclusion les Puissances. contractantes s'engagent, par le présent acte, à maintenir en pleine vigueur, et, s'il était nécessaire, avec toutes leurs forces; et comme les mêmes principes révolutionnaires qui ont soutenu la dernière usurpation criminelle, pourraient encore, sous d'autres formes, déchirer la France et menacer ainsi le repos des autres Etats, les hautes parties contractantes

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reconnaissent solennellement le devoir de redoubler leurs soins, pour veiller, dans des circonstances pareilles, à la tranquillité et aux intérêts de leurs peuples, s'engagent dans le cas qu'un aussi malheureux événement vînt à éclater de nouveau, à concerter entre elles et avec S. M. T. C., les mesures qu'elles jugeront nécessaires pour la sûreté de leurs États respectifs et pour la tranquillité générale de l'Europe.

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3. En convenant avec S. M. T. C. de faire occuper, pendant un certain nombre d'années, par un corps de troupes alliées, une ligne de positions militaires en France, les hautes parties contractantes ont eu en vue d'assurer, autant qu'il est en leur pouvoir, l'effet des stipulations des articles 1 et 2 du présent traité ; et, constamment disposées à adopter toute mesure salutaire propre à assurer la tranquillité en Europe par le maintien de l'ordre établi en France, elles s'engagent, dans le cas où ledit corps d'armée fût attaqué ou menacé d'une attaque de la part de la France, comme dans celui que les puissances fussent obligées de se remettre en état de guerre contre elle pour maintenir l'une ou l'autre desdites stipulations, ou pour assurer et soutenir les grands intérêts auxquels elles se rapportent, à fournir sans délai, d'après les stipulations du traité de Chaumont, et notamment d'après les articles 7 et 8 de ce traité, en sus des forces qu'elles laissent en France, chacune son plein contingent de soixante mille hommes, ou telle partie de ce contingent que l'on voudra mettre en activité, selon l'exigence du cas.

4. Si les forces stipulées par l'article précédent se trouvaient malheureusement insuffisantes, les hautes parties contractantes se concerteront sans perte de temps sur le nombre additionnel de troupes que chacune fournira pour le soutien de la cause commune, et elles s'engagent à employer, en cas de besoin, la totalité de leurs forces, pour conduire la. guerre à une issue prompte et heureuse, se réservant d'arrêter entre elles, relativement à la paix qu'elles signe

ENTRE LES QUATRE PUISSANCES ALLIÉES. 97 ront d'un commun accord, des arrangemens propres à offrir à l'Europe une garantie suffisante contre le retour d'une calamité semblable.

5. Les hautes parties contractantes s'étant réunies sur les dispositions consignées dans les articles précédens, pour assurer l'effet de leurs engagemens pendant la durée de l'occupation temporaire, déclarent en outre qu'après l'expiration mème de cette mesure, lesdits engagemens n'en resteront pas moins dans toute leur force et vigueur, pour l'exécution de celles qui sont reconnues nécessaires au maintien des stipulations contenues dans les articles 1 et 2 du présent acte.

6. Pour assurer et faciliter l'exécution du présent traité, et consolider les rapports intimes qui unissent aujourd'hui les quatre souverains pour le bonheur du monde, les hautes parties contractantes sont convenues de renouveler, à des époques déterminées, soit sous les auspices immédiats des souverains, soit par leurs ministres respectifs, des réunions consacrées aux grands intérêts communs et à l'examen des mesures qui, dans chacune de ces époques, seront jugées les plus salutaires pour le repos et la prospérité des peuples et pour le maintien de la paix de l'Europe.

7. Le présent traité sera ratifié, et les ratifications en seront échangées dans deux mois, ou plutôt si faire se peut,

En foi de quoi les plénipotentiaires l'ont signé, et y ont apposé le cachet de leurs armes.

Fait à Paris, le 20 novembre de l'an de grâce 1815.

(Suivent les Signatures. )

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[N.° 9.]

NOTE

Adressée par les Ministres des quatre Cours réunies, à
M. le Duc de Richelieu, le 20 Novembre 1815.

ES soussignés, ministres des cabinets réunis, ont l'honneur de communiquer à son Exc. M. le duc de Richelieu le nouveau traité d'alliance qu'ils viennent de signer au nom et par ordre de leurs augustes souverains, traité dont l'objet a été de donner aux principes consacrés par ceux de Chaumont et de Vienne l'application la plus analogue aux circonstances actuelles, et de Hier les destinées de la France à l'intérêt commun de l'Europe.

Les cabinets alliés considèrent la stabilité de l'ordre des choses heureusement rétabli dans ce pays, comme une des bases essentielles d'une tranquillité solide et durable. C'est vers ce but que leurs efforts réunis ont été constamment dirigés; c'est leur desir sincère de maintenir et de consolider le résultat de ces efforts, qui a dicté toutes les stipulations du nouveau traité. S. M. T. C. reconnaîtra dans cet acte la sollicitude avec laquelle ils ont concerté les mesures les plus propres à éloigner tout ce qui pourrait compromettre à l'avenir le repos intérieur de la France, et préparer des remèdes contre les dangers dont l'autorité royale, fondement de l'ordre public, pourrait encore être menacée. Les principes et les intentions des souverains alliés à cet égard sont invariables : les engagemens qu'ils viennent de contracter en fournissent la preuve moins équivoque; mais le vif intérêt qu'ils prennent à la satisfaction de S. M. T.-C., ainsi qu'à la tranquillité et à la prospérité de son royaume, leur fait espérer que les chances funestes, supposées dans ces engagemens, ne se réaliseront jamais. Les cabinets alliés trouvent la première garantie de cet espoir dans les principes éclairés, les sentimens magnanimes

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