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territoire de la République. Toutefois, comme il ne voulait pas avoir fait inutilement le pénible voyage dans la capitale de la France sans visiter ses curiosités, il renonça prudemment à la qualité d'envoyé plénipotentiaire de la ville de Neuveville, changea son domicile et visita paisiblement et incognito la grande ville, après quoi il rentra sans encombre chez lui. Si sa présence à Paris n'amena pas d'avantages à sa ville natale, du moins eut-il la consolation de ne lui avoir causé aucun dommage.

On aimerait pouvoir donner le même témoignage à M. le chancelier Neuhaus, dont la diplomatie imprudente peut avoir fourni des prétextes au Directoire pour envahir d'abord l'Erguel, puis le canton de Berne et la Suisse. Septembre 1889.

LA CARTOGRAPHIE FRANÇAISE

à l'Exposition universelle de Paris de 1889 (1)

PAR

Théo. ZOBRIST.

Mauvais géographe comme un Français, tel est le dicton qui court les rues depuis près de cinquante ans et de nos jours on voit encore les plus grands journaux de France insérer parfois des hérésies stupéfiantes qui font le bonheur des philosophes d'outre Rhin. Chacun sait aussi que les officiers français de 1870 se sont distingués par une ignorance complète de la géographie de leur patrie, pendant que les Allemands possédaient des cartes détaillées. du pays envahi. Les Français attribuèrent en conséquence leurs défaites en partie au manque d'instruction de leurs soldats et la paix une fois conclue, ils n'eurent rien de plus pressé qu'à réorganiser l'enseignement public et à créer un nombre infini d'écoles. La géographie fut mise au premier rang. Cette science méconnue fut considérée comme une planche de salut; des géographes plus ou moins dignes de ce nom surgirent partout comme par enchantement; les maîtres d'école de tout rang se jetèrent dans cette nouvelle voie comme les émigrants sur une mine d'or. Ils crurent faire œuvre de patriotisme en ayant sans cesse le mot de géographie à la bouche et, dans l'es

(1) Ouvrages consultés Notices sur les objets exposés par le Ministère de la Guerre ainsi que divers prospectus.

poir de se créer un nom, une fortune, une carrière brillante peut être, ils se mirent à écrire des manuels d'école, à dessiner des atlas et à donner des cours publics avec plus ou moins de succès. L'engouement pour la nouvelle science devint général et maintenant, dans les salons, il est de bon ton de parler de géographie et de voyages. Les explorateurs se multiplient à l'infini et à Paris ils sont les lions du jour. Les savantes conférences des immortels académiciens, ou les spirituels cours de littérature, si fréquentés autrefois par les dames, sont désertés, tout le monde court après les explorateurs, pour les dévorer des yeux, pour écouter avec dévotion des récits d'aventures parfois imaginaires ou pour admirer des objets exotiques. que l'on peut acheter dans les grands magasins de Paris. Le bon sens a cependant triomphé de ce qui n'était qu'une affaire de mode; pendant que dans les salons les beaux esprits se pressaient aux pieds de quelques voyageurs à l'imagination fertile, les vrais savants travaillaient dans le silence et aujourd'hui l'univers entier vient rendre hommage à leur génie.

Mais avant de passer en revue la cartographie française à l'exposition, jetons un coup d'œil rétrospectif sur cette science en France et voyons si ce peuple qui, du temps de Napoléon III se croyait la grande nation, occupait réellement un niveau si bas dans le domaine de la géographie.

Pendant que de 1586-1607 le prince Electeur de Saxe faisait exécuter par le géomètre Mathieu Oederer une carte de ses Etats si parfaite que sous bien des rapports elle peut encors satisfaire les cartographes modernes les plus difficiles, la France ne possédait rien de sérieux. Ce n'est qu'en 1688 que Louvois créa le Dépôt de la Guerre qui, à l'origine n'était, comme son nom l'indique, qu'une espèce de bibliothèque ou de dépôt renfermant les archives du Ministère de la Guerre. En 1761 on lui ajouta le Dépôt des plans et cartes, collection précieuse des travaux cartographiques imprimés et manuscrits exécutés sous les règnes de Louis XIV et de Louis XV, mais ce n'est qu'en 1793 que

le Dépôt de la guerre devint un établissement cartographique dans le vrai sens du mot. La Convention nationale l'enrichit d'un atelier de gravure topographique qui fut sans cesse agrandi et perfectionné. Sous le gouvernement de Louis Philippe il fit partie de l'Administration centrale et resta jusqu'en 1871 une section du Ministère de la Guerre. En 1887 le Dépôt cartographique de la guerre subit une nouvelle transformation et devint ce qu'il est aujourd'hui, la Direction du Service géographique de l'armée.

En France, la cartographie sérieuse a marché de pair avec la mesure du Méridien de Paris exécutée en 1669 par Picard et continuée par Dominique Cassini. Ce travail sans pareil, pour l'époque, fut poursuivi par Cassini de Thuri qui révisa la méridienne de France et par La Caille qui vérifia la valeur de l'arc d'un degré au Cap de Bonne-Espérance. En 1790, Delambre, aidé de Méchain, entreprit une nouvelle vérification de la méridienne de Dunkerque à Barcelone, enfin Biot et Arago poursuivirent ces travaux jusqu'à l'île de Formentera.

Les cartes exécutées pendant cette première période, telles qu'on les voit dans l'exposition rétrospective du Ministère de la Guerre, ne diffèrent pas de celles que les ingénieurs dressaient dans les pays voisins. Elles sont gravées sur cuivre. Les montagnes se présentent en perspective cavalière, c'est-à-dire en forme de taupinières, sans aucune indication de hauteur. Une des cartes les plus remarquables de cette époque (1703) porte l'inscription suivante: « Les montagnes des Sévennes où se retirent les fanatiques du Languedoc et les plaines des environs où ils font leurs courses, avec les grands chemins royaux faicts par l'ordre du Roy pour rendre ces montagnes praticables, sous les soins de M. de Basville, intendant du Languedoc. »

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La collection renferme encore plusieurs cartes fort curieuses telles que celle du Dauphiné (1749-1734) au celle des Alpes françaises, celle de la Pologne au

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700000

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celle de la Westphalie au mais la plus parfaite est la carte géométrique de la France levée par ordre du Gouvernement sous la direction de Cassini de Thury en 1744

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au Ce chef d'oeuvre, gravé sur cuivre et comprenant 184 feuilles est la première carte topographique dont les données reposent sur des opérations géodésiques à peu près exactes. Commencée en 1733 elle ne fut achevée qu'en 1815. Elle ne contient ni méridien, ni parallèle, ni cote d'altitude et les montagnes sont figurées par des hachures qui vont depuis les arêtes des chaines jusqu'au fond des vallées, en suivant les lignes de plus grande pente. Le fragment exposé, les Alpes occidentales, remplit le connaisseur d'étonnement et d'admiration.

Les autres cartes exhibées dans ce groupe et qui représentent soit une province, soit une ville et ses environs, soit les Chasses du roi, sont des imitations plus ou moins heureuses de la grande carte de Cassini que quelques-uns appellent aussi carte de l'Académie.

Voilà pour les deux siècles passés. Le 19e s'ouvre au bruit retentissant des victoires de Bonaparte qui entraine toujours et partout à sa suite un grand nombre d'ingénieurs géographes chargés de dresser la carte des pays conquis. Les spécimens les plus curieux de ce vaste travail sont Une carte générale du théâtre de la guerre d'Italie au gravée sur cuivre, 52 feuilles: la carte topogra

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256000'

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18 feuilles; la Corse au
la minute de la carte

1 400000

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1 50000

8 feuilles; l'archipel toscan au des Alpes de Savoie et de celle des Alpes piémontaises; la carte topographique d'une partie de la Prusse rhénane au 1 et une foule d'autres dont l'énumération serait trop longue. Toutes ces cartes marquent un progrès réel sur la carte de Cassini, la forme du terrain est exprimée avec

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