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le lieu où étoient les Patriarches & les autres Juftes, quoique fort éloigné de celui des tourmens, y étoit pourtant compris.

Toutes les ames qui font criminelles y tombent auffi-tôt qu'elles font féparées de leurs corps, pour y être punies éternellement avec les démons. Celles des Fideles qui ne font pas entiérement pures & parfaitement faintes, y font auffi envoyées par l'ordre de Dieu, pour y être purifiées de toutes leurs taches par les peines qu'elles y fouffrent; & avant la mort de J. C. toutes les ames des Fideles morts dans la grace & le baifer du Seigneur, fansen excepter celles des plus juftes & des plus faints , y defcendoient & y étoient renfermées, en attendant que J. C. allât les délivrer par les mérites de fon fang. Quoique tous leurs péchés & toutes les peines particulieres qui leur étoient dûes, feur euffent été remifes d'avance en vertu de la mort future du Sauveur ; néanmoins la peine générale du péché, qui étoit l'exclufion du Paradis & du Ciel, à laquelle tous les enfans d'Adam avoient été condamnés avec lui à cause de sa défobéiffance, fubfiftoit toujours pour eux, & ils la fouffroient fous la terre dans les prifons de la juftice divine, fans pouvoir en être déchargés que par Jefus-Chrift même, qui devoit defcendre, après fa

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nort, dans ces cachots pour les en tirer lui-même par une puiffance & une bonté ineffable.

» Avant que notre Rédempteur eût expié par fa mort la peine que méritoit no» tre nature dépravée, dit faint Grégoire, » (a) ceux même qui fuivoient les voies de Dieu, étoient retenus après leur » mort dans les lieux fecrets de l'Enfer; » non pour y être chatiés comme les pé» cheurs, mais pour s'y repofer en paix jufqu'à ce que l'entremise du Média"teur leur ouvrit l'entrée du Ciel, que » leur fermoit la contagion du premier péché... Auffi eft-ce pour cette raifon » que le Sauveur étant mort pour expier la peine que méritoit notre péché, il def» cendit dans les Enfers, afin de rappeller au Ciel ceux qui s'étoient unis à » lui durant leur vie.

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Il n'y a point d'abfurdité à dire, dit faint Auguftin, que les Juftes qui » avoient cru que Jefus-Chrift qui devoit » venir, étoient à la vérité dans les En»fers, mais dans des lieux très-éloignés » des tourmens des impies. (b)

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» li eft conftant, dit faint Grégoire, (c) » que les anciens Juftes n'étoient point re

(a) Lib. 4 Moral. c. 19.

(b) Non abfurdè dicitur antiquos fanctos, qui venturi Chrifti tenuerunt fidem locis quidem à tormentis impiorum remotiffimis, fed apud inferos fuiffe. Lib. 20 de Civit. 125. (c) Lib. 13 Moral, c. 12.

>> tenus dans l'Enfer en des lieux de pe »nes, mais fe repofoient en des lieux plu » élevés où regnoit la paix.

CHAPITRE II.

Pourquoi Jefus-Chrift defcendit aux
Enfers.

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Omme toute puiffance avoit été donnée à Jefus-Chrift après la mort & qu'il avoit acquis le monde entier comme fon héritage par l'effufion de fon fang; il voulut commencer à s'en mettre en poffeffion, en fe faisant d'abord reconnoître dans les lieux où il ne devoit plus paroître après fa Réfurrection. Mais ce qu'il eft bon de remarquer, c'est que Jefus-Chrift, en defcendant aux Enfers, prit poffeffion de la plus grande partie de fon empire; parce qu'outre la multitude de démons qu'il s'y affujettit, le nombre des morts qui étoient dans ces prisons, étoit infiniment plus grand que celui de tous les hommes qui vivoient fur la terre ; & c'eft là une premiere raifon de fa descente aux Enfers.

Il voulut y porter lui-même la nouvelle de fa victoire auffi-tôt qu'il l'eut remportée, pour triompher du démon à la vue de ceux qui y étoient, après l'avoir

défait, & avoir triomphé invisiblement de lui fur la croix devant les hommes. Ainfi il y defcendit pour triompher par lui-même & publiquement des démons, afin de les confondre davantage; pour vifiter les Patriarches les Prophetes

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& les autres Juftes qui étoient retenus dans ce lieu, parce que le Paradis n'étoit

pas encore ouvert.

Il y defcendit pour faire voir qu'il étoit le Seigneur des morts auffi - bien que des vivans, & qu'il avoit tout pouvoir dans les Enfers auffi-bien que dans le Ciel & fur la terre. Auffi y fit-il éclater fa vertu & fa puiffance, de même qu'il l'avoit fait éclater fur la terre, & qu'il devoit la faire éclater dans le Ciel en y montant à la droite de Dieu, afin qu'à fon nom tout genou fléchit dans le ciel, fur la terre & dans les Enfers, comme dit l'Apôtre. Il y defcendit pour y donner fes ordres. En effet il les y donna; il y commanda, comme dit faint Bernard. Serm. in Nat. Beate Maria.

Qui pourroit exprimer quelle fut la furprife & la rage des démons, lorfqu'ils. fe virent ainfi foumis pour jamais à l'empire de celui qu'ils venoient de faire mourir, & que ce Roi éternel leur enlevoir leurs dépouilles, c'eft à-dire, les ames d'une infinité de Juftes, dont la capti vité confoloit leur malignité?

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Qui pourroit expliquer quel fut l'éton nement de tous ces Grands du monde, ce Princes, ces Rois, ces Conquérans, ce Capitaines qui n'avoient point connu d'autre juftice, ni d'autre loi que leur puiffance & leur force, lorfqu'ils virent ce Roi de juftice, glorieux & triomphant qui alloit les dominer avec un fceptre de fer, & les brifer comme des vafes d'argille & des pots de terre, comme parle l'Ecriture, & qu'ils fe virent en fa préfence fans force, & dans l'extrêmité de la foibleffe & de l'impuiffance?

Enfin qui pourroit exprimer quelle fut au contraire la joie des ames faintes, de voir enfin ce Libérateur, après lequel elles foupiroient depuis tant de fiecles, & qui venoit les mettre dans une fi heureufe liberté? car fans doute fa présence répandit une lumiere très-brillante dans ce lieu où ils étoient, & elle remplit leur cœur d'une allégreffe inconcevable. Tous ces fiecles qui s'étoient écou lés depuis leur mort, & qui leur avoient paru fi longs dans leur captivité, ne leur parurent que comme le jour d'hier qui eft paffé, & que, comme un néant, quand elles commencerent à jouir de celui qu'elles avoient tant défiré. La captivité d'Adam & d'Eve qui avoit duré plus de trois mille ans, & tous les châtimens qu'ils avoient foufferts dans les En

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