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S'il se présente une série d'événemens qui ont nécessairement entre eux de certains rapports, puisque souvent l'un a produit l'autre, l'on y découvre un plan tracé d'avance et conduit par des factieux, qui souvent n'ont eu, ni assez de génie pour le concevoir, ni aucun moyen pour l'exécuter. L'on ne veut pas penser que l'événement du jour est le résultat de celui de la veille, et que toute cette chaîne de malheurs, de cruautés et d'atrocités, a été le résultat d'un entraînement, pour ainsi dire, irrésistible. Croyons donc que la seule adresse des hommes de la révolution fut de s'emparer des événemens pour les faire tourner à leur profit, et conservons, autant que possible, l'idée consolante que tant de forfaits n'ont pu se ranger par ordre dans des têtes humaines, pour recevoir, à leur exécution.

mesure,

L'on a recherché avec soin toutes les causes qui ont pu produire la révolution : elle a été attribuée au despotisme, au mécontentement du peuple, aux abus, au désordre dans les

finances, à la corruption des mœurs, et même aux progrès de l'esprit humain. Il serait peutêtre plus sage de la voir résulter des lois naturelles du mouvement: la marche des temps est rapide et uniforme, celle de toutes les opérations des hommes est irrégulière; les sciences font des progrès, l'instruction se généralise, des institutions sages prennent naissance, quelques-unes s'améliorent, tandis que beaucoup d'autres restent stationnaires; l'on craint de modifier ce qui porterait atteinte à l'intérêt, à l'ambition ou aux priviléges: dès lors l'équilibre n'existe plus, et il ne peut plus se rétablir que par une secousse plus ou moins violente.

Il est bien à regretter que notre révolution soit l'exemple d'une des plus fortes commotions qui ait jamais ébranlé la société. D'abord commencée et entreprise par des gens sages et de bonne foi, son mouvement a été précipité par l'éloquence de quelques hommes dont le génie, comprimé depuis longtemps et peut-être irrité par la résistance du

pouvoir, se développa avec violence; bientôt elle est devenue un torrent dévastateur, qui a entraîné et précipité indistinctement dans l'abîme, et l'homme de bien, et l'homme coupable.

Je suis loin de prétendre au titre d'historien, je conviens que je ne présente que de froides Annales: c'est l'histoire, dépouillée du prestige brillant de la narration, qui, sans altérer les faits, leur donne cependant une physionomie qui a quelques rapports avec les opinions de l'auteur. Je ne prétends pas non plus accorder la préférence à cette forme purement méthodique de présenter l'histoire sur celle qui est enrichie des beautés et du charme de l'éloquence; car l'on ne peut se dissimuler qu'une certaine sécheresse est inévitable dans une histoire par ordre de dates; peut-être l'époque de la révolution doit-elle faire exception en ce moment; elle a donné lieu à tant d'opinions diverses de la part même de ceux qui en ont parcouru toutes les phases, que l'on doit

craindre d'en offrir une au lecteur. J'ai donc pensé qu'une simple exposition de faits, claire et concise, mettrait chacun à même de former son opinion et de baser son jugement.

J'ai remarqué qu'en général, dans les chronologies, l'on n'a eu égard qu'aux dates, en sorte que les faits qui se succèdent immédiatement ne présentent aucune liaison, aucun rapport entre eux; ainsi, à côté d'une bataille livrée en Allemagne, se trouve un événement de l'intérieur; puis ensuite vient un fait relatif à la guerre d'Espagne, lequel est suivi par une loi ou un décret. Il est impossible que cette confusion ne nuise pas à l'intelligence de l'ouvrage, et ne présente une grande difficulté au lecteur qui voudrait suivre les événemens politiques, ou ceux d'une campagne, ou la marche de la législation. Dans la vue d'éviter un aussi grave inconvénient, j'ai divisé tous les événemens en trois grandes classes: dans la première, j'ai compris tout ce qui a rapport au Gouvernement, tant dans son administration générale et particu

lière, que dans ses relations avec les autres puissances; j'y ai relaté tous les faits qui se passent dans l'intérieur, ceux qui ont quelque importance, ou qui peuvent influer d'une manière quelconque sur l'ordre établi; j'en ai placé quelques-uns intéressans seulement par eux-mêmes; enfin, j'ai surtout choisi ceux qui pouvaient contribuer à caractériser l'époque, et à présenter la physionomie qui lui est propre. J'ai donné pour titre à cette première division: Intérieur, Politique, etc.

La seconde classe d'événemens comprend tout ce qui est relatif à la guerre. Il m'a Il m'a paru utile et convenable de faire des subdivisions dans cette partie, pour séparer les guerres qui ont eu lieu dans des contrées différentes, ou les diviser par campagne: ce qui rend beaucoup plus facile l'étude de la marche de nos armées, de leurs succès et de leurs re

vers.

La troisième classe comprend la législation. J'ai choisi dans cette foule de lois, de décrets et d'ordonnances, tout ce qui m'a

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