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de leurs domaines. Les paysans, tourmentés et découragés, abandonnaient la culture des terres : la société était en dissolution.

A ces époques désastreuses, les choses en vinrent au point que le monarque n'avait plus le droit d'imposer des tailles que sur les sujets de ses propres domaines, et non sur les vassaux des seigneurs. Seulement, dans les pressans besoins de l'État, il convoquait les barons qui étaient particulièrement chargés des deniers d'impositions, pour les faire consentir à la levée des sommes nécessaires.

Ces barons se cotisaient entre eux pour ce paiement, et ils imposaient ensuite sur leurs vassaux une taille arbitraire, sur laquelle ils prélevaient les sommes demandées par le chef de l'État, et s'appropriaient le surplus.

Lorsque les Comtés devinrent héréditaires, les Comtes établirent des taxes d'entrée aux portes des villes sur les marchandises qui y étaient apportées, d'autres taxes de marché sur les denrées qui y étaient vendues, et des tailles arbitraires, espèce d'impôt en argent sur les per

sonnes.

Il en fut ainsi jusqu'au temps des croisades.

A l'époque du règne de Philippe Ier, vers l'an 1095, le trône eut recours à l'autorité du pape, et mit à profit le motif apparent de ces lointaines excursions, dont la religion était le prétexte, mais que la politique éntretint pendant deux siècles, pour se faire autoriser, par le Saint-Siége, à établir des impôts, et à réunir aux domaines de la Couronne, des villes, des provinces, et des terres considérables que les seigneurs se trouvaient dans la nécessité de vendre ou d'engager pour subvenir aux frais de ces ruineux voyages.

La puissance souveraine ne commença véritablement à se relever que sous Louis-le-Gros, mort en 1137. Ce prince, en établissant les Communes, mit quelque frein à l'arbitraire, et apporta un peu d'ordre dans la perception des impôts : l'on fixa les redevances et les tailles qui seraient payées annuellement aux seigneurs, sans qu'elles pussent être augmentées à l'avenir, et les Communes commencèrent à les répartir elles

mêmes.

Philippe-Auguste est celui de tous les rois de la 3 race, qui a le plus acquis de terre à la Couronne, et de puissance au Monarque. Il eut

le premier des troupes à sa solde; et, par leur moyen, il accoutuma les grands au respect et le peuple aux impôts.

Sous Saint Louis, l'administration commença à prendre un caractère, et à devenir générale ; le commerce, ayant acquis plus de protection, prit quelques développemens.

En 1270, ce monarque règla la répartition de la taille d'une manière plus régulière.

Le goût du luxe, apporté d'Orient à la suite des croisades, et les différentes guerres que Philippe-le-Bel eut à soutenir, l'obligèrent à recourir à des expédiens extraordinaires pour se procurer des revenus.

L'extinction des Templiers, les exactions sur les Juifs, l'altération des monnaies, l'anoblissement des roturiers, furent les premiers moyens qu'il mit en usage on voit varier sans cesse sous ce règne, la quotité des droits imposés sur les marchandises, et les défenses, ainsi que les permissions d'en exporter. Cette mobilité de principes indique assez les vues bursales qui dictaient toutes les ordonnances. Ce prince fit payer aux évêques la protection qu'il leur ac cordait contre le pape, en les obligeant, sous

différens prétextes, à lui fournir des contributions. S'il ne créa pas les douanes, du moins il leur donna une marche régulière dans les ports et sur les frontières, pour veiller à l'entrée et à la sortie des marchandises, et percevoir des droits d'après un tarif, qui subit sous les rois, ses successeurs, un grand nombre de variations. Ce fut encore sous Philippe-le-Bel, en 1292, que fut créée une augmentation d'impôts, appelée maltóte.

Louis-le-Hutin, qui lui succéda, craignant, à cause des impôts excessifs qu'il avait établis, l'effet des ligues et des associations formées par les provinces et les communes contre ses prédécesseurs, déclara, par ses lettres patentes du mois d'avril 1315, qu'à l'avenir il ne se pourrait lever aucun impôt dans le royaume que du consentement des États, qui en feraient eux-mêmes le recouvrement et l'emploi, pour éviter les concussions et la dissipation.

Philippe-le-Long, en 1317, créa des fermiers généraux, et le premier il établit un impôt sur le sel. Il anoblit des familles roturières, permit aux bourgeois d'acquérir des fiefs, en lui payant une taxe, appelée franc-fief, qui consistait en

trois années du revenu du fief acheté; enfin, il vendit la liberté aux serfs de ses domaines.

Philippe de Valois, pressé par la disposition; des esprits à la révolte, comme au temps de Philippe-le-Bel, statua de nouveau, au milieu même des États-généraux assemblés, qu'aucune taille ne pourrait à l'avenir être imposée sans une urgente nécessité, et que les rois en feraient le serment à leur sacre.

Aussi la Nation, toutes les fois qu'elle en accordait, avait soin de faire reconnaître, par les rois, que le don qu'elle faisait était volontaire, et qu'ils ne pourraient en inférer pour l'avenir aucuns droits pour eux, ni aucune diminution de la franchise nationale.d

La guerre que Philippe eut à soutenir contre Édouard III, roi d'Angleterre, l'obligea d'être souvent à charge à la nation par des demandes réitérées d'argent; enfin, après la déroute de Crécy, qui fut suivie de la perte de Calais, Philippe excita les murmures et le mécontentement du peuple, en changeant les monnaies, et en établissant de nouveaux impôts sans consulter les États.

Le roi Jean convoqua les États - généraux

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