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en 1355, dans le dessein d'obtenir les subsides nécessaires pour mettre une armée en campagne; les États accordèrent une aide suffisante pour la défense de Jean contre Édouard; mais ils ne voulurent pas que l'argent passât à la disposition du Roi; ils s'établirent eux-mêmes les receveurs et les administrateurs des finances.

Les suites funestes de la journée de Poitiers et la rançon du roi Jean, stipulée par le traité de Brétigny, donnèrent lieu à de nouvelles impositions, qui ne s'établirent pas sans de vives difficultés de la part de plusieurs provinces :: quelques-unes s'y refusèrent ouvertement. Afin de s'indemniser de ce refus, le roi Jean ordonna que ces provinces seraient traitées comme pays, étranger dans leur commerce: c'est par suite de ces dispositions qu'il fut établi des barrières sur un grand nombre de points de l'intérieur pour la perception des droits de péage ou de traites, ce qui existait encore au moment de la révolution; de telle sorte qu'une partie des marchandises, partant de Marseille, se trouvait souvent, en arrivant à Paris, et suivant sa nature, avoir payé, en droits sur la route, une somme égale à sa valeur intrinsèque.

Sous Charles-le-Bel, fils du roi Jean, la taille fut fixée à raison de tant par feu. Les impôts qu'il exigeait arbitrairement étaient payés sans murmures, parce qu'on les croyait nécessaires. Ce prince laissa des trésors qui furent bientôt dissipés pendant la minorité de Charles VI, sous la régence du duc d'Anjou; l'aliénation d'esprit du roi ayant rendu ses oncles, et la reine Isabeau de Bavière maîtres du royaume, il n'y eut plus de frein aux exactions: les Etats- généraux ne furent plus assemblés, la taille fut imposée à discrétion dans tout le royaume : la confusion s'introduisit dans toutes les affaires. Ces désordres donnèrent lieu à plusieurs séditions dans Paris. Un grand nombre des révoltés furent arrêtés et sacrifiés; d'autres ne purent sauver leur vie qu'en se rachetant moyennant de grosses sommes. Les autres villes étaient traitées de

même, et punies par la mort, la proscription, et par des taxes excessives. Partout les impôts furent exigés avec des violences intolérables. Enfin, le Conseil établit sur tout le royaume une taille générale, dont ni les ecclésiastiques ni les nobles ne furent exempts.

Le règne de Charles VII, qui monta sur le trône

en 1422, ne fut pas moins malheureux que le précédent; la taille, qui jusque là n'avait été que momentanée, fut déclarée perpétuelle. Cette mesure eut pour motif de payer un corps régulier de milice, qu'on peut regarder comme les premières troupes réglées qu'ait eues la France. Avant cela il n'y avait qu'une milice féodale et des troupes levées à la hâte et indisciplinées, et qui en paix comme en guerre, vivaient de pillage. Les peuples consentirent, avec une sorte de satisfaction, à la perpétuité de la taille, dans l'espoir d'être délivrés d'un aussi grand fléau; mais ils ne s'en trouvèrent pas mieux : car ces troupes régulières devinrent, dans les mains d'un prince dissipateur, un instrument irrésistible pour percevoir des impôts excessifs.

Ce régime de vexations, à l'aide des militaires, ne fit que s'accroître sous Louis XI, qui surchargea tellement le peuple, qu'en vingt-deux ans il augmenta les tailles de trois millions, somme énorme pour cette époque.

Louis XII, malgré les guerres continuelles de son règne, diminua les impôts d'année en année. Il avait coutume de dire: « J'arrange de mon >> mieux les affaires, mais ce grand garçon (en

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En effet François Ier, dont le caractère était porté à la munificence et à la prodigalité, haussa les tailles, aliéna le domaine, et établit plusieurs nouveaux impôts.

Cependant c'est, en quelque façon, au règne de François Ier que doit commencer l'histoire de nos finances, de même que celle de nos intérêts politiques au dehors. Les lumières qu'il fit éclore, en encourageant la culture des belles-lettres et des arts, favorisée par l'invention encore récente de l'imprimerie (1450), ouvrirent une carrière nouvelle, et firent naître des idées qui conduisirent aux premiers principes de la science et de l'économie politiques. C'est à ce règne que l'on doit rapporter la régularisation de la dette publique par la création des rentes sur l'Etat.

Le règne très-court de François II, celui de Charles IX, sans cesse troublé par les fureurs du fanatisme et par les orages de l'ambition, n'apportèrent aucun adoucissement dans l'administration des finances : les tailles reçurent, sous le dernier de ces deux règnes, de nouveaux accroissemens d'autres impôts furent créés sous diffé

rens prétextes, et exigés avec tant de rigueur, qu'en aucun temps la misère ne fut si grande dans les campagnes.

Jamais les droits de toute espèce ne furent en aussi grand nombre que sous Henri III : les denrées de tout genre, et les marchandises en particulier en furent surchargées. Les abus sous ce règne s'accrurent d'une manière désastreuse.

La faiblesse de ce prince envers ses favoris, leur excessive avidité, ses scandaleuses prodigalités, achevèrent de porter dans la régie des finances une confusion qui ne se peut exprimer : la misère du peuple était au comble. Toutes les parties du revenu étaient affermées bien au-dessous de leur valeur : les fermiers étaient sûrs de trouver de l'appui dans le Conseil, dont plusieurs des membres étaient à la fois leurs associés et leurs complices. Les impôts s'étendaient arbitrairement les favoris faisaient un trafic honteux des charges et des emplois ; ils avaient imaginé une foule de petits droits à leur bienséance, qu'ils se permettaient d'exercer sans autorisation légale en un mot, le trésor public était au pillage. Ces prodigalités, jointes aux sommes énormes que répandait l'Espagne pour

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