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soutenir la cause de la Ligue, organisée par Henri de Guise, avaient amené un luxe jusqu'alors inconnu. Le peuple étant dans une impuissance totale de subvenir à tant de profusions, le prince eut recours à des emprunts.

Henri IV, obligé de conquérir ses provinces l'une après l'autre, de solder des secours étrangers, de récompenser chèrement les rebelles qui rentraient dans le devoir, se trouva dans la pénible position de voir, chaque jour, augmenter les charges, et diminuer les revenus par l'épuisement des peuples, le ravage et la désolation des campagnes. Enfin, la paix succéda à tant de calamités, et Sully, repoussé deux fois du Conseil, sous le prétexte de sa religion, mais en réalité par les craintes qu'inspiraient aux concussionnaires sa sagacité et son austère vertu; Sully, nommé surintendant des finances, en 1599, parvint, à force d'application et de probité, à faire succéder l'ordre à la confusion, la prospérité à la détresse. Lorsqu'il entra en fonctions, il fournit la preuve au Roi que les cinq grosses fermes n'étaient pas adjugées au quart de leur valeur, suite de la connivence des membres du Conseil avec les traitans.

par

En quelques années cet habile administrateur vint à bout de mettre les recettes au niveau des dépenses, et dans la suite d'acquitter toutes les dettes, de diminuer les tailles, ainsi que plusieurs autres contributions, tout en augmentant les revenus; de telle sorte qu'en 1610, à la mort de Henri-le-Grand, il se trouva que, pendant son règne, il avait été acquitté trois cents millions de dettes, et racheté des parties de domaines pour soixante millions (l'argent étant à 20 livres 5 sous 4 deniers le marc).

Sous ce Monarque, les arsenaux avaient été pourvus de toutes sortes d'armes et de munitions; on avait fortifié grand nombre de villes frontières, érigé de superbes édifices, et acquis une quantité considérable de meubles précieux et de pierreries. Il se trouvait quarante et un millions d'argent dans le trésor du Roi, au moment où il fut assassiné. Quelle meilleure preuve pourrait-on produire des ressources inépuisables de la France, quand elles sont administrées avec ordre et économie ?

Le ministère du cardinal de Richelieu, qui produisit de si grands changemens dans les intérêts politiques de l'Europe, n'apporta aucune in

novation dans les finances. Occupé tour à tour à lutter contre les ennemis de l'autorité royale, et à combattre les siens propres, ce ministre se mit peu en peine de connaître l'état des revenus publics, ou plutôt il laissa les finances à la discrétion de ceux qui les régissaient, pourvu qu'ils servissent son ambitieuse politique, et fournissent à ses profusions. Elles étaient telles, suivant Talon, que, pendant le règne de Louis XIII, il fut plus levé d'argent sur le peuple que depuis l'établissement de la monarchie, le cardinal ne s'étant soutenu dans le ministère qu'en corrompant tous ceux qui lui étaient nécessaires, tant au dehors que dans l'intérieur de la France.

A la mort du Roi, en 1643, les revenus de 1644, 1645 et 1646, étaient déjà consommés par anticipation.

Sans rien changer au fond ni à la forme des impôts, on se contenta de les étendre et de les multiplier.

Une régence orageuse succéda au règne de Louis XIII: les troubles désolaient l'intérieur ; la guerre embrasait les frontières; le poids des impôts devint si accablant, que l'impuissance de les payer imposa la nécessité de les réduire. Les

Italiens, qui avaient administré les finances sous Catherine de Médicis, chassés après sa mort, furent rappelés par le cardinal Mazarin. C'est à eux qu'il dut plusieurs moyens onéreux d'extorquer de l'argent par des affaires qu'ils prenaient en parti ou par traité pour des sommes modiques: de là vinrent les dénominations de partisans et de traitans, que l'on donna dès lors aux financiers. L'historique de ces opérations nous conduirait trop loin; il n'aurait d'ailleurs rien de curieux, que le scandale avec lequel elles se formaient, et étaient dirigées au mépris de toute considération publique, seulement elles étaient conçues avec beaucoup d'adresse, et afin d'échapper à la vérification des Cours de parlement, qui était devenue une formalité indispensable.

Depuis 1621 seulement, il avait été créé pour vingt-cinq millions cinq cent trente-deux mille livres de rentes, y compris les onze millions empruntés en 1634, pour rembourser au denier dix-huit les droits aliénés sur la taille et les gabelles. Les effets publics, créés pour rembourser des offices et des rentes, étaient tellement multipliés, qu'ils étaient avilis, parce que l'Etat se trouvait dans l'impuissance d'y faire honneur.

xlix En 1660, le peuple payait environ quatrevingt-dix millions d'impôts, et le Roi en touchait à peine trente-cinq : le surplus était la proie des traitans il fallut, en outre, créer de nouvelles rentes pour combler des déficits qui se renouvelaient continuellement.

Les droits n'étaient pas les mêmes partout: telle province était assujettie à une taxe dont l'autre était exempte; où l'une payait le droit, l'autre s'en affranchissait par un arrangement : de là plus d'union entre les sujets d'un même royaume; plus d'unité dans les formes de leur administration. Ainsi la France semblait composée de plusieurs Etats étrangers les uns aux

autres.

Telle était la situation de la plupart de nos provinces, lorsque Colbert fut appelé à diriger les finances. En 1661, il posa les solides fondemens de la prospérité publique, et montra dans les encouragemens prodigués à l'industrie, dans les faveurs accordées au commerce, la véritable source des revenus de l'Etat.

Tant que cet habile ministre fut à la tête des affaires, semblable à Sully, il fit prospérer les finances; mais, à peine un an après sa mort,

d

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