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soient permises à la liberté de la presse. Mais cette réflexion à part, ce qui n'afflige c'est que le catholicisme seul soit l'objet et la victime des restrictions qui ont trait à l'éducation publique, que toutes les limitations et toutes les rigueurs soient réservées pour lui, qu'on interprète toutes les lois à son désavantage; et que la religion qui est de toutes les institutions la plus nécessaire et la plus sacrée, soit dépouillée pièce à pièce, non-seulement de ce qui fait sa prospérité, mais de ce qui assure sa vie et sa durée.

» Permettez-moi de vous le dire, monseigneur, votre discours est plein de ces interprétations rigoureuses et de ces explications de lois où il y a toujours perte pour la religion. Je ne crains pas même de vous marquer mon étonnement de ce que les paroles d'un ministre aussi connu par la supériorité de ses talens, m'ont paru offrir souvent des erreurs graves. Mon zèle pour des vérités qui me sont plus chères que la vie vous expliquera la sincérité avec laquelle je vais vous parler, monseigneur.

>> Vous trouvez constitutionnel et juste qu'on oblige quiconque voudra entrer dans l'enseignement, à signer au préalable qu'il n'appartient à aucune congrégation ou association religieuse non reconnue. Mais quand on lit la Charte, on ne comprend pas qu'une pareille mesure puisse être prise sous son empire. La Charte ne fouille point dans les cœurs; elle déclare tous les Français admissibles à tous les emplois; elle n'autorise pas à les en exclure pour des opinions ou des engagemens innocens; elle n'en écarte que les indignes.

» Remarquez de plus, monseigneur, qu'un tel droit implique contradiction dans les termes. Du moment qu'une association religieuse n'est pas reconnue par l'Etat, l'Etat est donc censé l'ignorer. Mais dites-vous, monseigneur, le gouvernement ne peut perdre son droit de surveillance; j'en conviens sans peine; aussi peut-il surveiller les membres de cette association, mais non pas les repousser, mais non pas les flétrir, mais non pas les déclarer suspects, mais non pas créer contre eux des incapacités légales. Cette conséquence est si évidente que, si on la rejette, il semble qu'il n'y ait plus de Charte, du moins pour les chrétiens.

» En Angleterre, il y a des congrégations religieuses catholiques; le gouvernement n'y rend pas leur condition pire que celle des autres non-conformistes. Que dis-je ? sous les gouvernemens les plus despotiques, en Turquie, par exem

Tome 14.

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ple, les religieux n'ont jamais porté aux yeux du despote un caractère particulier de réprobation. On ne les frustroit point des droits qui étoient laissés à ce malheureux peuple. Comment ne pas regarder après cela comme une chose inexplicable, qu'en France, sous l'égide de la Charte, au moment où toutes les libertés sont dégagées des moindres gênes, les membres seuls des congrégations pieuses puissent être traités comme une caste disgraciée ?

» Qu'on proposât aux professeurs protestans de Strasbourg de signer qu'ils n'appartiennent pas à la congrégation des frères moraves ou à telle autre association semblable, quels cris! quel soulèvement! Que vous importe, diroit-on ? Où est donc la Charte et la liberté de conscience? Convenez, monseigneur, que vous respecteriez ces réclamations, ou plutôt qu'il ne vous viendroit jamais dans l'esprit d'y donner lieu ? Vous ne tenteriez pas non plus de présenter un pareil formulaire à souscrire aux francs-maçons ou aux illuminės. N'est-il donc pas visible que le code de la liberté n'est muet ou voilé que pour le culte catholique ?

» Mais une réflexion mille fois plus forte, c'est que ces engagemens religieux sont regardés comme un trait de perfection par la religion de nos pères, qui est la religion de l'Etat. Če détachement a été déclaré, par Jésus-Christ, le comble de la vertu. Un gouvernement chrétien peut-il donc voir un motif de méfiance et d'exclusion dans ce qui a été aux yeux de l'Homme. Dieu un titre de prédilection et de faveur ? Comment concilier la profession de respect pour l'Evangile avec une appréciation des choses directement contraire à l'Evangile ? Il faut l'avouer, monseigneur, qu'on se perd dans ces contradictions.

» En voici cependant une plus frappante encore. Il est permis de blasphémer Dieu, et il n'est pas permis, du moins sans s'exposer à de tristes rigueurs, de s'unir pour mieux servir Dieu! Quoique l'Etat reconnoisse le Fils de Marie pour le divin fondateur de sa religion, il a été permis de nier la divinité de Jésus-Christ dans un livre imprimé et déclaré innocent; et il n'est pas permis, du moins si l'on ne veut pas être chassé de certaines places, de suivre les conseils de Jésus-Christ! Unissez-vous, dit un Dieu, par des liens de foi et de charité, je vous comblerai de mes dons et de mes récompenses; et des hommes disent : Osez former ces liens, et nous saurons vous en faire repentir. Il me semble, monseigneur, que ces observations simples font

assez bien sentir que retirer sa confiance à un catholique, parce qu'il marche dans la voie la plus parfaite suivant la foi catholique, est un acte dont il est permis d'être surpris et même confondu.

» Mais ce n'est pas ici, dites-vous, monseigneur, une question de conscience, mais une question d'aptitude, Si cela m'étoit permis, monseigneur, j'oserois vous demander si ceux-là manquent d'aptitude pour élever la jeunesse, que les Bacon, les Richelieu, les Condé, les Corneille, les Mathieu Molé, les Lamoignon ont regardés comme les plus habiles instituteurs de l'enfance? Je vous supplierois de me dire s'ils manquent d'aptitude, ceux qui conduisent des centaines d'enfans comme un seul enfant, qui joignent les lumières aux vertus, chez qui on a toujours vu régner un ordre, une subordination admirables, tandis qu'il falloit envoyer la force armée dans beaucoup de colléges pour y réprimer des révoltes; dans les maisons desquels leurs plus violens ennemis, qui n'y étoient venus que pour critiquer, n'ont trouvé qu'à admirer et à louer; enfin, qui reçoivent de leurs élèves des marques d'affection et de gratitude, qui sont la vraie pierre de touche de la bonté et de l'habileté des maîtres!

» L'éducation est mal entre leurs mains! Ah! quand l'Université actuelle aura produit la centième partie des savans, des orateurs, des poètes immortels qui sont sortis des écoles des Religieux qu'on renvoie, alors pous consentirons à ne voir eu eux que des ignorans et des gens sans aptitude.

» Mais ils ont un supérieur étranger.... Que s'ensuit-il de là? Tous les peuples catholiques, à l'exception de quelques cantons de l'Italie, seront donc obligés d'abjurer leur foi, puisqu'ils n'auront personne à mettre en place qui ne reconnoisse dans le Pape un supérieur étranger ? il n'auroit donc pas été permis au Fils de Dieu de se donner sur la terre un représentant unique, afin d'assurer l'unité et la perpétuité de son Eglise ?

» Vous trouvez, monseigneur, un grand inconvénient dans leur dépendance de ce Supérieur. Il peut, dites-vous, les déplacer à son gré et déranger par là les écoles. Demandez, monseigneur, aux évêques, désolés de leur expulsion, s'ils ont reconnu cet inconvénient? si les ordres de ce chef ne s'accordoient pas toujours avec l'utilité des maisons et le vœu des prélats? Ou plutôt prenez la peine de voir

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dans les mémoires des temps passés, si, pendant plus de deux siècles, malgré cette obéissance au supérieur, leurs écoles n'ont pas été florissantes, et si elles n'ont pas en la gloire de former, pour la France, les Bossuet, les Fénélon, les Boileau (1), les talens, en un mot, qui lui assurent l'éclat le plus durable.

» Ils sont alarmans pour la monarchie! Etranges alarmes! et cependant, dans des rixes scandaleuses provoquées, il y a quelques années, par le choc des opinions politiques, on a toujours vu leurs anciens élèves dans les rangs des jeunes royalistes! et cependant, lors de la conspiration tramée contre Nicolas I", les journaux de Pétersbourg remarquèrent qu'il n'y étoit pas entré un seul des jeunes gens qui avoient étudié dans leur maison! Ah! l'indice le plus significatif et le plus indubitable de leur dévouement à la royauté, c'est la rage inouie avec laquelle ils sont poursuivis par les révolutionnaires.

» Monseigneur, il y a un éblouissement dont les hommes les plus éclairés ont peine à se défendre, quand ils sont assourdis par les sophismes de ceux qui ont intérêt à les tromper. Je crois pouvoir dire que vous n'avez pu éviter cette influence imperceptible, et que malgré votre attachement connu pour la foi de nos pères, vous soutenez une doctrine incompatible avec la Charte, et qui blesse cruellement les droits de la religion.

» C'est donc, monseigneur, votre manière d'envisager la liberté en matière d'éducation, qui me détourne de concourir à vos opérations sur les petites écoles. Je crains de m'engager dans des mesures où, d'après l'esprit actuel, la religion laisseroit toujours quelqu'un de ses droits ou de ses appuis. Quelle douleur pour un évêque de participer à ce travail secret de destruction et de mort!

» Rien ne seroit plus contraire à sa vocation: garder avec une sainte jalousie le dépôt qui lui est confié, tel est son devoir.

» Il doit encore faire remarquer l'oppression quand elle est visible, et la pureté des intentions qu'on lui oppose, ne pourroit justifier son silence.

(1) Un journal a très-bien remarqué que si cette phrase est inexacte, en ce qui concerne Boileau, son nom pourroit être faci lement remplacé par d'autres noms qui réveillent aussi les plus glorieux souvenirs.

» C'est ce qui m'oblige, monseigneur, à vous représenter que l'empreinte de cette disposition à déshériter la religion de toutes les faveurs et de toutes les marques de la protection publique, se retrouve dans plusieurs autres endroits de votre discours.

>> Vous promettez à l'industrie, au commerce d'élargir les voies, de multiplier les avantages et les facilités de l'éducation pour ceux qui embrassent ces carrières; mais tandis que vous êtes disposé à lever toutes les barrières en faveur de ceux-ci, pourquoi en mettez-vous sur la route qui conduit au sanctuaire, encore dépeuplé et en deuil, de si nouvelles, de si terribles, et que Buonaparte lui-même avoit refusé d'y placer?

» Vous faites envisager la ressource des précepteurs ; mais il faut donc un asile contre les gênes imaginées presque aux premiers jours de l'ère nouvelle de la liberté. Mais parmi les enfans qui se destinent aujourd'hui au sacerdoce, combien y en a-t-il à qui leurs parens soient en état de donner un précepteur?

» Vous vous appliquez, monseigneur, à justifier cette invention d'un diplome de bachelier, lequel sera frappé de nullité entre les mains de l'élève d'un petit séminaire qui l'aura obtenu. Il en sera quitte, dites-vous, pour perdre un an à refaire sa philosophie dans un college. Mais n'estce pas là une défaveur, une contrariété dure et gratuite? Quoi! vous promettez à ceux qui auront été instruits chez leurs parens, leur admission immédiate à l'examen pour le baccalauréat, et parce qu'un élève, au lieu d'être resté dans ses foyers, aura passé son enfance sous les ailes de la religion, et dans une maison élevée sous ses auspices, vous le punirez de ce choix, vous retarderez son entrée dans une nouvelle carrière! N'est-ce pas là décourager les vocations, et ôter à la religion l'espoir de remplir les vides de la tribu sacrée, espoir qui, indépendamment de vos mesures, étoit déjà si éloigné?

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>> Vous dites, monseigneur : L'éducation reste toujours libre; les parens peuvent choisir parmi les établissemens que nous laissons subsister.......... Mais veuillez le remarquer, monseigneur, vous entravez, vous modifiez vous supprimez, en dépit de la Charte et au grand détriment de la Charte et au grand détriment de la religion, et ensuite vous déclarez qu'on est libre de préférer celles des institutions qui restent debout. Singulière liberté, j'ose le dire, qui ac

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