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prétexte qui puisse faire soupçonner les évêques de vouloir employer d'autres moyens pour le fléchir.

Si malgré cette situation humble et respectueuse, capable de réduire au silence les langues les plus imprudentes, il se trouvoit encore des hommes qui osassent prêter à notre zèle et à nos instances les couleurs de la révolte, et nous traduire devant la France et devant V. M. comme des sujets rebelles, relevant alors nos fronts humiliés, nous repousserions avec une juste indignation d'aussi odieuses calomnies; tous ensemble nous répéterions avec assurance ces expressions de fidélité que nos prédécesseurs portèrent autrefois au pied du trône de votre auguste aïeul, à la suite d'une de ces assemblées générales dont la discipline ecclésiastique et les plus chers intérêts de la religion appellent si impérieusement le retour; nous vous dirons, Sire, « qu'au milieu des maux qui nous affligent, votre prospérité et votre gloire sont le sujet de nos plus tendres et de nos plus vives acclamations; que soutenir et défendre les droits sacrés de votre couronne sera toujours pour nous l'objet d'une noble et sainte jalousie; que plus nous sommes obligés de chercher à conserver la liberté d'un ministère qu'on ne sauroit essentiellement nous ravir, plus nous nous croyons enga gés à donner l'exemple de la soumission; que cette obligation ne nous servira jamais que pour porter plus loin notre obéissance et lui donner plus de mérite; que nul ne peut nous dispenser des moindres devoirs de véritables Français, et qu'enfin dans ce royaume où V. M. est partout chérie et révérée, nous ne lui connoissons d'autres ennemis que ceux qui nous accusent de l'être, et qui n'oublient rien pour décrier auprès d'elle nos respects, notre amour et notre inébranlable fidélité. » (Assemblée du clergé de 1750.) Nous sommes avec respect, Sire,

De Votre Majesté,

Les très-humbles, très-obéissans et fidèles sujets et serviteurs,

Les cardinaux, archevêques et évêques de l'église de France.

†A. J., cardinal de CLERMONT-TONNERRE, archevêque de Toulouse, doyen des évêquesde France, au nom de l'épiscopat français

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Défense et développement de la Lettre de M. l'évêque de Chartres a M. de Vatimesnil (du 15 juillet 1828).

L'UN des traits les plus frappans de notre situation présente, c'est le silence où l'on prétend réduire les ministres de Dieu. Que l'on insulte la religion, que l'on s'élève contre ses dogmes les plus sacrés, qu'on calomnie ses prêtres, qu'on attaque ses droits les moins problématiques, tout cela doit passer sans réclamation : il faut que les pasteurs se taisent; et s'ils font entendre un soupir, un cri de douleur, aussitôt la révolution blessée s'irrite, ses organes tonnent, rugissent. On exhume des lois tombées dans l'oubli, et fabriquées dans des temps de persécution, on les invoque contre le zèle le plus légitime et le plus modéré, et l'on entend des clameurs semblables à celles qui retentissoient dans le Cirque: Qu'on les saisisse, qu'on les jette aux lions; christianos ad leones. C'est ce qui nous est arrivé à nous-même. Nous avions écrit une lettre dictée par notre conscience, et où nous défendions la religion, inséparable des vrais intérêts de l'Etat. A peine avoit-elle paru, qu'on a entendu crier à la désobéissance, à la révolte. Mais d'où sont parties ces clameurs? Est-ce du milieu de ces hommes tout à la fois royalistes et chrétiens, que l'ombre-même d'une attaque livrée à la majesté du trône blesse et contriste ? Nullement. C'est du sein d'un parti qui, réchauffant, à la vue de ses succès toujours croissans, l'ar-· deur de ses vieux suppôts, et devaut à l'imprudence et au mécontentement de déplorables conquêtes, nourrit, attise, d'un bout du royaume à l'autre, les feux encore couverts de la rébellion et de l'anarchie. Ce sont les agens de cette ligue formée contre la royauté et la religion, qui veulent parler seuls de religion; c'est à eux, à les en croire, qu'appartient le droit de décider de la foi et de la discipline, de régler l'autorité des Pontifes, de juger de la validité de leurs plaintes, d'insulter à leur douleur, de flétrir leur zèle et leur courage. Assourdi, effrayé de leurs sophismes, le pasteur doit rester muet; s'il ose seulement ouvrir la bouche, ces nobles adversaires appellent sur lui les rigueurs et les violences, et, par ce lâche expédient, ils décèlent et la honte de leurs doctrines, et ce qu'ils ont à craindre de la vérité connue..

Il nous sera aisé de montrer combien cette accusation

de révolte, pleine d'hypocrisie dans la bouche de ceux qui l'intentent, est absurde par rapport à nous. Non, non, la liberté sage dont use un ministre de l'Eglise, loin d'en faire un rebelle, prouve seulement qu'il sait honorer ses fonctions: elle fait sa gloire aux yeux des hommes, comme sa sûreté devant Dieu. La Charte, loin de l'enchaîner, doit l'encourager et l'étendre: c'est l'esprit de cet acte devant lequel tant de gênes disparoissent. Aussi son auguste auteur, à peine rendu à la France, nous faisoit-il dire, par l'organe de son ministre : « Il est temps que la chaire évangélique reprenne son ancienne et sainte liberté, et qu'on >> reconnoisse dans les prélats de la France les successeurs » de Bossuet, de Massillon, de Bourdaloue» (qui disoit en face à Louis XIV de si sévères vérités), « de ces illustres apôtres qui, inflexibles dans leur morale, et inva>> riables comme la foi même, ont toujours tenu le même » langage aux rois et aux peuples, et les ont cités au tri»bunal de celui qui juge les justices (1)..

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Telles sont les paroles par lesquelles Louis XVIII excitoit la confiance et le zèle des évêques. Il connoissoit mieux que personne le but et l'étendue de ses bienfaits. Loin de lui la pensée que la religion dût y être étrangère. Sans doute, il vouloit, avant tout, qu'à l'exemple des autres sentimens généreux, elle prît un essor plus libre', et qu'elle se servît, pour mieux cimenter la concorde, pour inspirer plus sûrement les vertus, de cet affranchissement nouveau dont les passions pouvoient abuser. Il n'entroit point dans ses vues que les liens dont il débarrassoit toutes les classes du peuple français, devinssent des chaînes de fer qu'elle porteroit seule, et dont il seroit permis de l'accabler. En un mot, les libertés nouvelles ne pouvoient être un fruit amer et empoisonné pour la religion, et pour ses ennemis seulement un sujet de triomphe et une riche proie.

C'est cependant ainsi qu'ils paroissent l'entendre. Il faut que tout tremble et se taise devant eux. Nous sommes loin, pour ce qui nous regarde, de reconnoître en eux ce privilége, et nous ne sommes nullement disposé à courber honteusement la tête sous leur despotisme. Ils veulent ré

(1) Circulaire du ministre de l'intérieur aux évêques, du 13 mai 1814.

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gler et la politique et la foi; mais nous ne savons ni qui
ils sont,
ni d'où ils viennent : c'est du fond des ténèbres
que part aujourd'hui l'impulsion qui entraîne nos destinées,
nous repousserons donc leurs attaques avec la fermeté que
nous commande notre caractère; et puisqu'ils ont pris pour
nous.combattre un ton de hauteur et d'ironie qui a pu en
imposer à quelques-uns de leurs lecteurs, nous leur prou-
verons sans ménagement que toutes leurs argumentations
portent à faux et sont la foiblesse même.

Mais pour défendre ma Lettre à M. de Vatimesnil, et les assertions qu'on y a trouvées dignes de blâme, il faut remonter plus haut, et mettre dans tout leur jour les droits d'une autorité sacrée trop méconnue aujourd'hui. Certains écrivains du temps la poursuivent, l'outragent avec tant de fureur; ils accumulent tant d'impostures et de calomnies, que la bonne foi elle-même est ébranlée: on ne sait plus où l'on en est; toutes les idées sur la religion, sur l'Eglise chrétienne sont confondues; on pousse les esprits à n'y voir qu'une chimère consacrée par l'antiquité. Les Pontifes ont-ils quelques droits, ou n'exercent-ils qu'un pouvoir usurpe? c'est là le sujet d'un doute qui circule, qui s'étend, et qui se termineroit peu à peu à l'extinction totale de la foi. Les novateurs impies précipitent le peuple vers ce terme affreux. «Que diroient-ils (c'est ainsi que s'exprimé un de nos adversaires), que diroient-ils (les fondateurs de l'Eglise catholique), s'ils voyoient leurs des»cendans s'obstiner à braver l'esprit, les lois, les sentimens » de leurs contemporains, et négliger les ménagemens qui

peuvent seuls sauver l'héritage des apôtres ? » Ainsi c'est à des ménagemens humains qu'est attaché pour l'Eglise l'espoir de sa durée ; cet espoir n'est plus fondé sur la parole d'un Dieu; les promesses qui garantissent sa conservation jusqu'à la fin des temps sont donc une chimère, et notre foi n'est plus qu'une imposture! Voilà les principes qu'on sème de toutes parts, et qui vont étouffer dans les âmes les dernières étincelles de la foi. Ce n'est pas tout; ce même auteur d'une feuille répandue tous les jours avec profusion dans la France entière, fait un crime aux prêtres français de s'être révoltés contre l'Assemblée constituante, et contre toutes les assemblées qui ont suivi, d'avoir maudit et frappé Buonaparte d'anathème: c'est-à-dire que les ministres de Jésus-Christ, pour mériter ses éloges, auroient dû rompre, sous la première assemblée,

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avec le vicaire de Jésus-Christ; participer, sous la Convention, à la plus exécrable idolâtrie qui ait souillé la terre; applaudir au meurtré du meilleur des rois; entourer Buonaparte de leurs félicitations et de leurs cris de joie, au moment où ce despote plongeoit dans la captivité un vieillard auguste, un saint Pontife; en un mot, consacrer, par leur soumission et par leur ministère, les impiétés les plus horribles, et les plus révoltantes atrocités dont il soit parlé dans l'histoire telle est l'idée d'un prêtre comme il le faut à ces réformateurs. Or, représenter ainsi les devoirs d'un ministre de la religion catholique, n'est-ce pas faire de cette religion elle-même une institution vile, digne de mépris et d'horreur, puisqu'elle se prêteroit aux plus honteuses bassesses, et favoriseroit les plus grands crimes ? Quel peut être l'état de la foi en France, pendant qu'on nourrit les esprits, tous les jours et dans tout le royaume, de ces préventions outrageantes et de ces abominables doctrines ?

Mais quittons cette sphère d'impiété grossière et d'absurdité monstrueuse, et tournons nos regards vers la pure lumière de la vérité. Laissons quelques esprits dépravés l'insulter et la inaudire, et réunissons-nous, pour lui rendre hommage, à des milliers de grands hommes et à la

terre entière.

Un Dieu est venu dans le monde ; il n'a voulu y exercer aucun pouvoir temporel; sa mission n'a eu d'autre but que d'y enseigner et d'y faire fleurir, jusqu'à la fin des temps, des dogmes sublimes et une admirable morale. Il a dit à ses Apôtres, dont nous sommes les successeurs: Je vous envoie comme mon Père m'a envoyé; qui vous écoute m'écoute, qui vous méprise me méprise; et encore: Si quelqu'un n'écoute pas l'Eglise, regardez-le comme un païen et un publicain, et tout cela a été dit aux dépositaires du ministère apostolique qui succèderont jusqu'à la consommation des siècles. Ainsi l'HommeDieu a transmis aux ministres de la religion l'autorité dont il étoit revêtu lui-même, pour conduire et éclairer les âmes; car il a dit que celui qui n'écoutoit pas son ministre, refusoit de l'écouter lui-même, c'est-à-dire, résistoit à son pouvoir divin. Voilà donc une autorité nouvelle qui paroît dans le monde. Elle est pleine, souveraine, indépendante dans les choses de son ressort. Ni les rois, ni les peuples ne peuvent rien contre une autorité instituée par Dieu même; ils ne sauroient ni la détruire, ni l'envahir.

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