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entrevoir de l'avenir, il ne nous eût pas paru possible d'admettre qu'au point de vue général de la consommation soit publique, soit privée, ou pût donner à la propriété boisée une liberté aussi complète à la fois et aussi générale qu'à tons les autres genres de propriété. Mais en revanche, et d'un point de vue particulier, nous eussions été encore plus éloignés d'aecorder que les besoins locaux de la consommation, surtout privée, pussent être une cause locale de restriction à cette liberté. Aussi n'avions-nous pas fait entrer parmi les conditions qui peuvent s'opposer à l'autorisation de défrichement, la rareté du bois dans une contrée déterminée et la nécessité d'y assurer les approvisionnements en cette matière. Nous n'avions pas pensé que ce fût là une cause légitime de refus.

Nous nous étions dit d'abord, avec l'honorable M. Legrand, ancien directeur général de l'administration des forêts, dans son rapport sur le défrichement, et contrairement à quelques-unes des allégations qui précèdent, que la France produit assez de bois de feu pour sa consommation, et que les quantités qui y sont importées seraient facilement remplacées par des combustibles indigènes.

Nous nous étions dit ensuite que, au fur et à mesure d'une facilité plus grande et plus variée donnée à toutes les communications, la bouille pénètrera en abondance dans les localités où elle a encore peu pé→ nétré (1), et viendra ainsi suppléer à ce que, dans ces

(1) L'extrait suivant du Résumé des travaux statistiques de l'administration des mines, publié en 1854, montre quel a été, depuis dix ans, le progrès de la consommation du combustible minéral en France.

« L'examen du tableau no 2 montre que, pendant les six an

localités, il pourrait y avoir ou se produire d'insuffisance dans le combustible ligneux.

nées 1847 à 1852, tous les départements ont fait emploi de combustible minéral en plus ou moins grande quantité, sauf toutefois celui du Gers, qui, encore, en a consommé dins les trois années 1848, 1849, 1850. L'usage de ce précieux combustible tend done à se généraliser chaque jour davantage.

« Quelle est, pour un certain nombre de ces départements, la cause de leur faible consommation en combustible minéral ? Cette cause peut être attribuée, pour quelques-uns, à leur richesse en combustible végétal, pour quelques autres à l'absence de toute industrie; mais, pour le plus grand nombre, je n'hésite pas à le dire, au manque de voies de communication et à la cherté des transports.

«Dans quinze départements, le combustible minéral a servi à la fois à des travaux de mines ou de carrières, à des opérations métallurgiques et industrielles, à la navígation à la vapeur ou à la circulation sur les chemins de fer, et enfin au chauffage des foyers domestiques.

« Si on considère isolément chaque département, on trouve que vingt neuf ont employé le combustible minéral à des travaux d'exploitation; dans quatre-vingt-quatre, on en a fait usage dans des foyers industriels, parmi lesquels les feux des maréchaux sont évidemment les plus nombreux; dans quarante, on a consommé de la houille pour la navigation à vapeur ou pour l'exploitation des chemins de fer; dans soixante et onze, enfin, on en a brûlé dans les foyers domestiques.

« Sur les 76,488,600 quintaux de combustibles consommés en 1847, plus des deux tiers, ou 52,260,000, ont été employés dans des usines industrielles, le cinquième environ ou 15,545,100 ont été consommés dans les foyers domestiques; environ le quinzième, ou 546,600, dans l'industrie des transports, chemins de fer et bateaux à vapeur....

«En 1819, la consommation augmente de 3,000,000 de quintaux...., le chauffage domestique et l'industrie des transports prennent la presque totalité de l'augmentation.

• En 1850, un accroissement très-sensible se manifeste dans

Nous nous étions dit que les forêts appartenant aux particuliers n'existent pas seules en France (1);

Que l'Etat possède encore plus d'un million d'heetares de forêts, qu'il regardera, probablement, comme un devoir de conserver;

Qu'il y a de même près de deux millions d'hectares (1,835,880 hect.) de forêts appartenant aux communes et aux établissements publics, et qui ne sont ni à vendre, ni à défricher;

Que des forêts mêmes des particuliers, près des trois cinquièmes (environ trois millions d'hectares) sont situés en montagne, et seront d'autant moins défrichés qu'on autorisera avec plus de facilité le défrichement des bois de la plaine.

Enfin, nous nous étions donné sur ce point quelques raisons générales, qui ont acquis à nos yeux d'autant plus de valeur que nous les avons retrouvées dans un document émané de l'administration des finances elle-même.

Le Conseil d'Etat, en 1854, dans un projet de loi sur le défrichement, soumis à M. le Ministre des

la consommation.... le chauffage domestique consomme 2,000,000 de quintaux de plus.

(Résumé des travaux statistiques de l'administration des mines en 1847, 1848, 1849, 1850, 1851 et 1852, p. XXVI, XXVII, XXIX, XXX, XXXI.)

(1) Nous avions demandé à l'administration des forêts de vouloir bien nous faire connaître : 1o la quantité aujourd'hui (1857) existante, des bois de l'Etat, de la Couronne, des communes et établissements publics, des particuliers; 2° la preportion des bois de plaine et des bois de montagne. Avec un em

finances, avait regardé comme une des conditions qui peuvent s'opposer à l'autorisation du défrichement,

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la nécessité d'assurer l'approvisionnement en bois. Voici en quels termes l'administration des finances combat cette proposition.

« Cette condition (la nécessité d'assurer les approvisionnements en bois) n'a plus aux yeux de l'administration, une raison d'être suffisante, depuis l'abandon du régime de 1669, le besoin de terres arables pour une population qui s'augmente, le changement de nos mœurs, qui porte à une jouissance immédiate, et surtout depuis la substitution de la bouille au bois de feu, et du fer au bois de service pour une foule d'usages, Ele ne voit plus, dans les approvisionnements en bois, un motif d'intérêt général, mais seulement un motif d'intérêt privé en présence d'un autre intérêt privé. D'accord avec la science économique, elle croit que, même en tenant compte du temps que le bois met à croître, il n'y plus de motifs pour qu'un propriétaire soit obligė d'assurer, à ses dépens, le chauffage à bon marché de ses voisins, ou les approvisionnements de l'industrie, ou ceux même de la marine. Ces deux dernières considérations doivent peser fortement dans l'administration des bois de l'Etat; elles ne peuvent plus entraver la liberté du propriétaire privé.

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Venons maintenant au second point de vue des rapports de la propriété boisée avec l'atilité publique, le point de vue, avons-nous dit, des faits maturels qui se tient à la présence ou à l'absence des forêts.

Parmi ces faits, il y en a dont l'évidence saute aux yeux et dont la gravité, au point de vue de l'uulité publique, n'a jamais pu être niée. Ces faits, il est à

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